FIN JUILLET 1918. LES POSITIONS DÉFENSIVES ALLEMANDES, SUCCESSIVES.

LE REPLI VERS LA VESLE

Ce texte est extrait du REICHSARCHIV BAND 35, de la page 203 à la page 216. Merci à Pierre Germa qui en a fait cette traduction.

La bataille a été acharnée entre la Marne et Reims, en particulier à l'aile gauche du groupement Schmettow et du groupement Borne. L'adversaire est parvenu, en lançant de nouvelles forces importantes dans la bataille, à prendre Marfaux et à gagner du terrain dans la Forêt de Reims et à l'ouest de Bligny. Pour l'essentiel, l'assaut mené par les Français, blancs et de couleur, ainsi que les Anglais, n'a pas réussi, là, non plus.

Ainsi ont été créées des conditions favorables à la retraite des groupements Schoeler, Kathen et Wichura, entre Marne et Ourcq, elle put être réalisée dans la nuit du 23 au 24 juillet, sans gêne par l'adversaire. Compte-tenu de la réduction du front et de la taille des zones de combats des différents groupements, le 23ème Corps de Réserve (groupement Kathen) a été retiré, le groupement Wichura a repris ses positions le 24/7 au matin.

Le 24/7, l'offensive ennemie ne s'est pas poursuivie, mais des coups de mains ont eu lieu contre les groupements Winckler et Schoeler, conduisant par moment à une crise à la limite des deux groupements. Les lignes allemandes durent reculer jusqu'à l'axe Nanteuil-Notre-Dame - Coincy et aussi au Bois de la Tournelle; dix pièces de campagne ont été perdues.

La pression ennemie contre les nouvelles positions du groupement Wichura a été forte. Une attaque française, le soir, contre le groupement Borne a été repoussée par une contre-attaque. Pour la nuit suivante, la 7ème Armée a ordonné le réalignement du front des groupements Conta et Schmettow sur la ligne Châtillon - Bois de Rodemat - Espilly.

24 heures plus tard, par instruction du Groupe d'Armées, la 7ème Armée devait se replier sur la position dénommée "Grande Tête de Pont", la préparation du mouvement devait commencer aussitôt. En modifiant en partie son ordre du 22/7 le Groupe d'Armées fixa à la 7ème Armée la ligne : Grand-Rozoy - Wallée - l'Ourcq jusqu'à Cierges - Bois Meunières - Villers-Agron - Romigny - Ville-en-Tardenois (là, jonction avec la 1ère Armée).

Le repli sur la position "Grande Tête de Pont" fut cependant repoussé sur indication du Grand Quartier Général. Pour le matin du 25/7 était en effet prévu pour le groupement Borne une contre-offensive de la 1ère Division d'infanterie pour reprendre une partie du terrain perdu le 23/7. D'autres éléments du groupement Borne, ainsi qu'une division de réserve du Haut Commandement devaient éventuellement participer à l'opération. L'attaque devait atteindre la ligne Marfaux - Ormes ou plus loin si possible. Le Haut Commandement voulait faire dépendre le repli de la 7ème Armée du résultat de cette opération, même si ce repli était retardé d'un jour.

Quels espoirs nourrissait le Haut Commandement par cette attaque du groupement Borne ? Rien dans les textes ne permet de le savoir. Effectivement la prise du cercle de collines près de Vargny - Jouy - Ville-Dommange, était, comme lors de l'attaque allemande du 16 et 17 juillet, de grande importance. Conquérir et tenir ces collines dominant la Plaine de Reims aurait forcé sans doute l'adversaire à abandonner la ville. Et ceci amènerait un changement fondamental dans les problèmes d'approvisionnement, car la prise de Reims donnait accès à une ligne de chemin de fer efficace pénétrant dans la courbe de la Marne.

Mai aussi, mis à part ces perspectives, le Haut Commandement, en particulier le général Ludendorff, doutait de la nécessité du recul de la 7ème Armée. Le fait indiscutable, que la troupe avait surmonté la "crise de nerfs" du 18/7 et avait retrouvé, pour l'essentiel, sa force de résistance, aurait joué un rôle, ainsi que les rapports très favorables que des officiers du G.Q.G., envoyés dans les unités avaient fait parvenir. L'idée de rétablir la situation par une attaque faisait son chemin (Dans la troupe elle-même, on avait la conviction, au moins partielle, que la situation était "mûre" pour une contre-attaque grandiose, qui conduirait très vraisemblablement à un succès, ainsi par exemple des contre-attaques furent initiées par les 20ème D.I. et la 3ème D.R.). La 9ème Armée fut choisie et reçut l'ordre de préparer avec des éléments de la 15ème D.I. et de la 53ème D.R. une offensive au nord de l'Aisne entre Bois St Mard et Osly et de pousser vers Soissons et à l'ouest dans le secteur de la 14ème D.I..

Cette carte donne une bonne idée de la position "Grosse Tête de Pont", "groβe Brόckenkopfstellung"

 

Au contraire le Kronprinz Wilhem était convaincu de la nécessité d'un recul au-delà de la ligne Aisne - Vesle, dans une lettre au Quartier Général, le commandant du Groupe d'Armées s'exprime ainsi :

Doute du G.Q.G. quant à la nécessité du repli

" .... S'il faut combattre au sud de l'Aisne et de la Vesle, l'apport de forces fraîches de toutes les armes, y compris l'artillerie de campagne est nécessaire. Des chiffres exacts ne peuvent encore être fournis. Ils ne sont pas à négliger...

Il faut s'attendre, avec certitude que l'ennemi poursuive le combat, il a des forces suffisantes à sa disposition

Le Groupe d'Armées ne croît pas opportun, dans ces conditions, de combattre au sud de la Vesle. Des parties importantes des Armées et des approvisionnements sont détruits. Les forces pour de nouvelles initiatives, de notre part, sont toujours plus limitées.

Le Groupe d'Armées propose de se retirer progressivement, avec les 9ème, 7ème et 1ère Armées, derrière l'Aisne et la Vesle.

Dans la "poche" au sud de l'Aisne et de la Vesle, 27 divisions sont en ligne. Le front Aisne - Vesle exige en première ligne 14 divisions.

Le Groupe d'Armées va étudier si il est indiqué de conserver une tête de pont au sud de la rivière.

Les points d'appui du mouvement, aile droite de la 9ème Armée et région de Reims sont à renforcer particulièrement.

Les études sont commencées, nous pourrons commencer les préparatifs pratiques quand la décision sera prise.

Aussitôt que l'ennemi découvrira notre intention, il va lancer sans doute d'autres attaques sur d'autres points. Il sera important de le prendre de vitesse par une attaque de notre part".

L'attaque du groupement Borne du 25/7 eut peu de succès, elle ne reconquit qu'une partie du terrain perdu le 23, elle ne put atteindre la ligne Marfaux - Ormes, ni la ligne des collines plus au sud. Sur tout le front de la 7ème Armée, les combats sont restés constants, l'ennemi poursuivit son offensive par des attaques locales fortes. Le groupement Endres (le chef du groupement Watter a été remplacé le 24/7 au soir par le général Endres qui commandait le I. bayer. A.K.) après des combats féroces menés avec grand courage par la 20ème D.I., a perdu le village de Villemontoire, à l'est du village l'assaut a pu être arrêté. Egalement sur le front des groupements Etzel, Winckler et Schoeler les lignes allemandes ont également reculé, les groupements Wichura et Conta ont perdu une partie de leur avant-postes.

Conformément à l'ordre du G.Q.G., la 9ème Armée prit part à l'offensive prévue aux ailes voisines de la 18ème et 7ème Armée. D'après la 9ème Armée, des troupes fraîches étaient nécessaires au nord de l'Aisne, trois divisions d'assaut et neuf de position et au sud de l'Aisne, deux divisions d'assaut et trois de position.

En construisant de manière accélérée quelques voies de chemin de fer, une attaque pourrait commencer dans 14 jours environ. Dans son rapport sur ce plan, le commandant du Groupe d'Armées diminue un peu les besoins en hommes, une division au nord et quatre au sud de l'Aisne. Un nombre important de batteries s'ajoutait aux besoins.

L'échec de l'attaque de la 1ère D.I. du groupement Borne, conduisit le G.Q.G. à ordonner le repli de la 7ème Armée et de la pointe de l'aile droite de la 1ère Armée sur la "Grande Tête de Pont", sur la ligne Beugneux - Fère-en-Tardenois - Bois meunière - Romigny - Bligny. Le mouvement devait être préparé pour être effectué dans la nuit du 26 au 27 juillet. Pour l'exécution par la 7ème Armée, le Generaloberst v. Boehn décida que les groupements Schoeler, Wichura, Conta et Schmettow devaient faire mouvement la même nuit, le groupement Wichura, par contre ne devait replier que son aile gauche sur la rive nord de l'Ourcq et garder encore les hauteurs de Cugny. L'aile gauche du groupement Etzel devait également rester en place. L'abandon de la Butte Chalmont et le repli sur la ligne Bois du Plessier - Saponay ne devait donc intervenir que sur ordre spécial.

Après que le 26/7, seuls les groupements Wichura, Conta, Schmettow furent l'objet de fortes attaques ennemies, et que ce jour-là le temps pluvieux favorisa beaucoup la préparation du repli sur la "Grande Tête de Pont", ce repli put s'effectuer comme prévu dans la nuit du 26 au 27, après que l'ordre définitif du G.Q.G. ait été émis le 26/7 vers midi. Les hauteurs de Cugny (Butte Chalmont) restèrent occupées conformément à l'ordre de la 7ème Armée. L'adversaire ne remarqua le repli que tard, jusqu'au début de l'après-midi du 27/7 les tirs d'artillerie sur les positions abandonnées continuèrent. Les éléments d'arrière-garde, dont le feu des mitrailleuses, infligèrent des pertes sensibles à l'ennemi, se replièrent l'après-midi au-delà de l'Ourcq ou sur la nouvelle première ligne, celle-ci fut atteinte par de faibles patrouilles ennemies vers le soir.

Combien de temps la position de la "Grande Tête de Pont" devait-elle être tenue n'était pas encore fixé. Dans le principe, le G.Q.G. avait décidé le repli en deçà de l'Aisne et de la Vesle. Dans sa réponse au projet d'offensive de la 9ème Armée, le Général Ludendorff ordonna la préparation de cette entreprise sous réserve de l'apport des forces supplémentaires demandées par le Chef du Groupe d'Armées. La réalisation de l'offensive dépendrait en fait du développement des combats et de l'emploi des forces. Un ordre du G.Q.G., du 27/7, demandait de considérer la nuit du 1er au 2/8 comme celle du repli. La décision restait pendante, le commencement devait dépendre, d'abord de la situation tactique, ensuite des travaux d'évacuation. Déjà plusieurs jours auparavant, le G.Q.G. avait évoqué un repli de la 9ème,7ème et 1ère Armée derrière l'Aisne et la Vesle, à l'issue du combat en cours. Des projets pour une nouvelle position et un repli progressif devaient être fournis.

Dès le 27/7, le Commandant de Groupe d'Armées comme ceux des 9e, 7e et 1ère Armées donnèrent les ordres correspondants. La position Aisne-Vesle fut nommé par la suite "Position Blücher", le repli sur cette position "Mouvement Blücher". Alors que le retrait de l'aile gauche de la 9ème Armée derrière l'Aisne semblait possible en une fois, il fut prévu une étape intermédiaire pour la 7ème et l'aile droite de la 1ère Armée.

La 7ème Armée avait chargé de la construction de la position "Vesle" du confluent de la Vesle jusqu'à Jonchery, le commandant du 23ème Corps de Réserve replié le 24/7 et mis à sa disposition pour cela six divisions au repos. Cette tâche fut planifiée sur six jours. Le secteur Vesle était à fortifier de telle sorte que les troupes prévues pour la défendre y trouvent un solide verrou. La position intermédiaire devait interdire à l'adversaire venant de l'ouest et du sud la vue dans la vallée de la Vesle. Le Generaloberst v. Boehn ordonna aux groupements Etzel, Schoeler, Wichura et Schmettow de préparer sous une forme simple cette position sur la ligne pont de l'Aisne au sud-est de Missy - Fe de la Folie - cote 140 (1200 m au sud-ouest de Jouaignes) - limite sud des Bois du Cochelet - Courville - Jonchery et ceci en fonction des forces disponibles ("Petite Tête de Pont" ou position "Ziethen").

Le mouvement était prévu par le commandant du Groupe d'Armées de telle sorte que le premier

"jour Blücher" (jour x) devait être ordonné au moins deux jours avant. Au jour x l'aile gauche de la 9ème armée (groupement Staabs) devait occuper la position Blücher jusqu'à Condé (inclus), la 7ème Armée la position intermédiaire (position "Ziethen") de l'Aisne à l'ouest de Sermoise, jusqu'à la cote 233 (3 km au sud-ouest de Jonchery). L'aile droite de la 1ère Armée le tronçon adjacent et est de la position intermédiaire jusqu'à Courmont Min. Plus l'aile est de la position Blücher. Dans la nuit de x à x+1, le groupement Staabs devait en gardant Soissons se replier sur la position "Blücher". La 7ème et l'aile droite de la 1ère devait au jour x +1 occuper fortement la position intermédiaire en renforçant en tant que de besoin, les troupes d'accueil. Le gros de la 7ème et l'aile droite de la 1ère devaient rejoindre dans la nuit de x à x+1, à travers la position intermédiaire, la position "Blücher"; et ceci en laissant de faibles postes mobiles en arrière. L'évacuation de la position intermédiaire et de Soissons devait enfin intervenir dans la nuit de x+1 à x+2.

(Pour des raisons de place il nous faut renoncer à reproduire les ordres très détaillés pour la construction de la position "Blücher" et le repli. Pas de doute que le succès du mouvement "Blücher" dépendrait de la maîtrise du trafic pour traverser la Vesle, des plateaux "Tafelberge" situés entre Vesle et Aisne, de l'Aisne puis du Chemin des Dames, autant que des succès au combat.)

Dans la nuit du 27 au 28/7, l'évacuation des collines de Cugny intervint. Grâce à cette nouvelle réduction du front, le groupement Winckler se retira; parmi les troupes dépendant de lui, la 33ème D.I., très éprouvée, fit de même, le reste des troupes furent prises en charge par les groupements Etzel et Schoeler.

De durs combats eurent lieu le 28/7. Dès le matin des divisions françaises et américaines lancèrent une puissante attaque contre le front sud de la 7ème Armée, en particulier contre le groupement Wichura. L'adversaire entra dans Seringes et Sergy, atteint Cierges et put prendre pied dans la ligne de défense principale allemande. Des contre-offensives des troupes en réserve le repoussèrent cependant; avant le soir, elles rétablirent partout la ligne de défense principale et en grande partie les avant-postes. L'après-midi, de fortes attaques ennemies s'étaient produites aussi à l'ouest sur le groupement Conta. Pour le groupement Endres, le village de Buzancy fut le centre du combat. Il fut pris par la 15ème D.I. Britannique, repris le soir par des éléments de la 5ème D.I. et de la 50ème D.R.. Dans le secteur Etzel, l'attaque visait la Butte Chalmont et le Grand Rozoy, mais des contre-attaques rétablirent la situation. Le groupement Conta perdit provisoirement une partie du Bois Meunière. Du côté allemand, on attendait une forte attaque générale le 29/7 car l'ennemi devait avoir terminé l'avance de son artillerie. Effectivement, les batteries ennemies ouvrirent le feu très tôt et augmentèrent la cadence de tir, vers 6 heures se déclencha l'attaque d'infanterie, non plus sur les flancs de la position, de moins en moins convexe, mais en une tentative de percée frontale. Un brouillard de sol épais, augmenté artificiellement par endroit, favorisa fortement l'adversaire. Le groupement Etzel vécut une crise provisoire. La 51ème D.R. combattant sans interruption depuis le 19/7 et épuisée, fut submergée près de Grand Rozoy; la ligne principale de défense fut percée entre la route Hartennes - Oulchy-le-Château et Beugneux, l'ennemi menaçait les hauteurs 190 et 205. Juste à temps, la Division de la Garde, tenue prête en intervention, parvint, grâce à une contre-attaque très bien menée et au prix de durs combats, jusqu'au soir, à contenir l'attaque ennemie et à reprendre la plus grande part du terrain perdu. Sur les fronts des groupements Schoeler, Wichura, Conta et Schmettow, une partie des avant-postes, les villages de Seringes, Sergy et Romigny furent perdus, mais l'ennemi est contenu. L'aile droite de la 1re Armée put maintenir l'essentiel de ses positions, les combats durèrent jusqu'à la nuit. Tout considéré, le 29/7 était un plein succès défensif.

Apparemment, sous l'impression de ce succès, le G.Q.G se posa la question d'un report du repli derrière l'Aisne et la Vesle. Le Général Ludendorff ordonna d'examiner, si, compte tenu des démarches hésitantes de l'ennemi, il n'était pas possible de maintenir plus longtemps la position intermédiaire ("Ziethen" ou "Petite Tête de Pont"); la défense de la position "Blücher" devait en toute hypothèse être assurée. Le Kronprinz Wilhem se prononça, de nouveau énergiquement, contre ce report, pour les mêmes motifs que dans sa lettre du 24/7. Il ne croyait pouvoir recommander un maintien sur la position intermédiaire que si le G.Q.G. avait l'intention, tout en bloquant les réserves ennemies sur le front de la 7ème Armée, au prix de l'engagement de forces supérieures, d'attaquer ailleurs. Ce blocage n'aurait de sens que si l'armée, une fois l'adversaire contenu, attaquait à partir de la position "Tête de Pont". Compte tenu des difficultés importantes d'une offensive, il ne pouvait pas recommander cette option.

Le G.Q.G. ordonna alors d'exécuter le mouvement "Blücher" dans la nuit du 1er au 2 août. A la question, la position intermédiaire pouvait-elle tenir plus qu'un jour, les chefs de la 9ème et 7ème Armée ainsi que du Groupe d'Armées répondirent par la négative.

Le 30/7, éclatèrent entre Grand-Rozoy, Beugneux, Saponay et Seringes de violents combats d'avant-postes. L'ennemi n'eut pas de succès, ses attaques furent repoussées avec des pertes sanglantes. Des attaques fortes sur le front des groupements Wichura et Conta leurs firent perdre une partie de leurs avant-postes. Dans la nuit du 30 au 31 juillet, le front du groupement Etzel fut rectifié, la nouvelle ligne traversait le Bois Saint Jean. Les groupements Wichura et Conta replièrent leurs ailes internes sur une position verrou préparée. Le 31/7 seuls les groupements Schoeler et Wichura furent attaqués.

Avant le début du repli, une nouvelle grande bataille eut lieu. Le 1er août, le feu de l'artillerie adverse prit, tôt le matin, une grande ampleur, l'adversaire avança dès 5 h 45 sous la protection du brouillard et d'une forte poussière entre la chaussée Hartennes - Oulchy-le-Château et le bois Meunière et derrière un feu intense. De nombreux tanks et engins de combats cherchèrent à ouvrir la voie à l'infanterie d'assaut.

Au groupement Etzel, l'assaut ennemi concernait les divisions de la Garde et Bavaroise. A partir de la cote 206 (1 km au nord du Grand-Rozoy) l'ennemi traversa sous la protection des blindés la position allemande, et poussa au-delà de Courdoux vers Lannoy. Quelques batteries de campagne stationnées au sud de ce village furent prises, des nids de mitrailleuses dans le dos de l'adversaire se défendaient encore, leur courageuse résistance ne furent pas vaines. De Lannoy et du bois attenant à droite, les dernières réserves de la Garde et une partie de la 18ème D.I. lancèrent une contre-offensive, reconquirent les batteries et dégagèrent les mitrailleuses repoussant l'ennemi jusqu'à la cote 190 (Orme du Grand-Rozoy). Ce succès fut rendu possible par le 6ème régiment de la Garde sous les ordres du Colonel von Luck, qui, au nord de Beugneux, sur la cote 205 résista, en héros, à tous les assauts de l'ennemi le prenant en tenaille. Six tanks furent détruits en combats rapprochés dans ses lignes. Egalement, la brave Ersatz Division Bavaroise put contenir l'assaut à la hauteur du chemin Courdoux - Servenay.

Des deux divisions du groupement Schoeler, 26ème D.I. et 42ème D.R., la première repoussa l'ennemi de sa ligne principale de défense. Une contre-offensive permit aux courageux Würtembourgeois de faire de nombreux prisonniers, de saisir quelques mitrailleuses et de reprendre une partie des avant-postes. Les Saxons de la 24ème D.R. restèrent en possession de leur position. Le groupement Wichura subit de lourds combats pour la ferme de Reddy (2 km au nord de Cierges). Après des succès initiaux, l'ennemi fut repoussés par la 216ème D.I..

Malgré les durs combats, toutes les troupes purent, dans l'après-midi et la soirée, occuper avec des troupes d'accueil la position de la "Petite Tête de Pont". La tentative de l'ennemi de gêner le mouvement de repli n'était pas, ainsi, atteint.

En effet, ce mouvement put être exécuté selon les plans. A l'abri de l'obscurité, au soir du 1er août, nos troupes purent partout rompre le contact avec l'ennemi, même le groupement Etzel malgré les durs combats subis. A minuit, l'infanterie entama le repli des premières lignes. Des patrouilles d'officiers avec des mitrailleuses légères et des fusées éclairantes restèrent dans ces positions abandonnées pendant la nuit. Au matin du 2 août, le groupement Staabs était en position de combat, au nord de l'Aisne entre Pasly et Condé sur la position "Blücher" (au front Deutsche Jäger [Chasseurs Allemands], la 1re et 76ème D.R. Bavaroises). Soissons fut encore conservée par des éléments de la 211ème D.I.. Au sud de la Vesle, la 7ème Armée dont se sépara le groupement Conta, comme l'aile droite de la 1ère Armée avec un total de 13 divisions occupèrent la position de la "Petite Tête de Pont" (7ème Armée : Groupement Endres avec la 20ème D.I. et la 50ème D.R., groupement Etzel avec la 9ème et 10ème D.I., ainsi que l'Ersatz Division Bavaroise, groupement Schoeler avec les 87ème et 17ème D.I., groupement Wichura 1re Division de la Garde et 113ème D.I., groupement Schmettow avec les 195 et 103ème D.I. et 28ème D.R.. 1ère Armée : la 199ème D.I. du groupement Borne.

Des commandos de chasse avec quelques canons étaient très en avant, la position disposait elle-même d'avant-postes. Sous la protection de ces forces, le passage de la Vesle par le reste des troupes, s'accomplit sans problèmes. (Pour décrire les difficultés du repli et les travaux nécessaires, notons que pour le seul groupement Endres entre Condé et la Ferme Grange sur la Vesle, 24 passages dont dix ponts à colonnes avaient dû être bâtis). Au nord du fleuve, les divisions désignées pour occuper la position "Blücher"commencèrent à installer leurs défenses. Les positions abandonnées restèrent jusqu'au matin sous le feu de l'artillerie. Lorsque l'ennemi nota enfin le repli allemand l'approche de son infanterie fut très lente, des patrouilles commencèrent avec prudence à explorer le terrain. Une forte pluie tomba qui menaçait le dynamitage des ponts sur l'Aisne à Soissons. Comme tout contrôle de nos propres mouvements était impossible, l'évacuation de Soissons eut lieu vers midi, à quinze heures les troupes, à l'exception de patrouilles dans les faubourgs avaient quitté la ville à 15 h 30 les ponts sautaient.

Dans la "Petite Tête de Pont" aucun contact avec l'ennemi n'eut lieu. Les commandos de chasse surent se comporter habilement. C'est seulement l'après-midi que les troupes ennemies avancèrent peu à peu, elles ne vinrent que par endroit au contact des avant-postes.

La nuit tombée, commença le repli général sur la position "Blücher". Le mouvement s'accomplit sans problème, au sud du fleuve restèrent de faibles postes avec quelques canons. Le 3/8 au matin, les éléments de la 7ème Armée dont le commandement du groupement Endres s'était détaché, étaient prêts

Au combat sur la position "Blücher" :

Groupement Etzel avec le 5ème D.I., l'Ersatz-Garde et la 18ème D.I.

Groupement Schoeler avec les 26 et 17ème D.I. et la 24ème D.R.

Groupement Wichura avec la 4ème D.I. de la Garde, et les 216 et 29ème D.I.

Groupement Schmettow avec la 2ème D.I. Bavaroise et la 28ème D.R.

Derrière le front se rassemblèrent en divisions d'appui la 50ème D.R, la 9ème D.I., la 10ème D.R. et la 103ème D.I. pour se rendre ensuite aux places indiquées.

Les autres divisions de la 7ème Armée avaient reculé par une marche très pénible sur des chemins complètement détrempés par la pluie jusqu'au delà du Chemin des Dames (pour le groupement Schmettow au delà de la route Pontavert - Guignicourt), le reste suivit le 3/8 au soir.

Le groupement Borne de la 1ère Armée avait déjà occupé quelques jours plus tôt le tronçon qui lui avait été assigné sur la position "Blücher" avec les 50ème et 86ème D.I., avec comme appui la 8ème D.R. Bavaroise et le 199ème D.I..

Cette carte donne une bonne idée de la position "Blücher", " Blücherstellung"

 

L'ennemi de vint plus offensif, mais il ne se produisit nulle part de combat plus important.

Le repli derrière l'Aisne et la Vesle était ainsi réussi au-delà des espérances, les 9ème et 7ème Armées s'étaient sorties de la très difficile et dangereuse situation où les avait mises l'attaque des Alliés du 18/7. Les pertes consenties en hommes et en matériel étaient étonnement légères. Le recul du front, une fois décidé avait été réalisé comme planifié et sans grande gêne par l'adversaire. Les pertes totales depuis le 18 juillet, compte tenu de l'ampleur de la bataille et en comparaison des sacrifices consentis par l'adversaire lors des attaques allemandes n'étaient pas du tout élevées. Et ceci bien que les remplacements rendus, de jour en jour, plus difficiles aient pesés lourd dans la balance (le G.Q.G. dut se résoudre à dissoudre environ 10 divisions et de s'adresser à d'autres, pour les besoins de remplacement de l'infanterie). D'ailleurs l'importance des pertes n'était pas le facteur essentiel que le Commandement Suprême devait prendre en compte sur les opérations depuis le 15/7. Pire était la perte de confiance dans la victoire finale que les événements des dernières semaines avaient entraînée non seulement chez nos alliés mais aussi dans de larges cercles du pays et ce qui est pire - dans la troupe. Le plus important en conclusion, c'est que le plan du G.Q.G. de conduire la guerre à une issue favorable à l'Allemagne, par une succession d'offensives, avait apparemment échoué. L'adversaire avait retrouvé sa liberté d'agir que l'offensive allemande de printemps lui avait fait perdre. Le front allemand devait partout être placé sur la défensive dans l'attente de nouveaux coups ennemis. Même si les Alliés, dont les pertes des dernières semaines n'étaient, sans doute, pas plus faibles que les pertes allemandes, ne pouvaient pas porter leurs coups, notre G.Q.G. devait au minimum attendre la reconstitution sérieuse des divisions détruites, avant de pouvoir prendre de nouvelles décisions.

L'appréciation de la situation que le Général Ludendorff adressa, le 2/8, aux quatre Groupes d'Armées du front de l'ouest était la suivante :

"La situation exige, d'une part que nous nous mettions sur la défensive, d'autre part que nous reprenions l'offensive le plus vite possible.

Après le gros effort des Alliés entre Vesle et Marne, de grandes attaques de leur part sont d'autant moins probables prochainement qu'ils escomptent une contre-attaque. La poursuite de l'offensive sur la Vesle n'est cependant pas invraisemblable.

Des attaques ennemies peuvent évidemment concerner tout notre front. Elles sont plus probables :

1 - à Kemmel et contre le saillant de la 6ème Armée;

2 - contre nos positions entre Somme et Oise, jusqu'à Soissons;

3 - contre les hauteurs de Moronvillers;

4 - contre le front sud de la section d'Armée C;

5 - enfin contre le front lorrain et en Sundgau.

Pendant que nous organisons la défense de ces points, nous préparons en même temps l'offensive. Pourrait être choisi :

1 - L'attaque "Hagen" petit modèle;

2 - L'attaque "Kurfürst" des deux côtés de l'Oise entre Montdidier et Soissons;

3 - Peut-être de petites attaques à l'est de Reims sur le fort de la Pompelle et près de Vauquois et aussi dans le secteur de la section d'Armée C;

4 - Attaques sur le front du Groupe d'Armées du duc Albrecht, plus ou moins larges.

Lors de ces attaques, en particulier à l'ouest de la Moselle, l'objectif sera moins de conquérir du terrain que de détruire l'ennemi et de gagner des positions meilleures. A l'est de la Moselle, des gains de terrain restent avantageux, mais là aussi on devra se contenter de moins.

Nous devons tenir à des attaques surprises, les autres nous coûtent trop d'hommes. On ne saurait attacher trop de valeur à une arrivée rapide des approvisionnements et des troupes et à la simplification de la préparation. Il peut ainsi devenir possible, sur des fronts plus étroits et à des points choisis, d'obtenir des succès importants contre les faiblesses de l'ennemi. Toutes les attaques sont à préparer comme des mesures de défense. Ne pas parler d'attaques; Je souhaite votre opinion.

I.A.

Général Ludendorff."

 

Le déroulement de la bataille conduisit le Général Foch, le 23/7, à prendre le commandement. La tactique allemande de renforcer fortement, par l'engagement de forces fraîches, les deux flancs du saillant avançant vers la Marne, sur le front, par contre, retarder sérieusement l'avance des attaquants par des postes dotés d'une nombreuse artillerie et surtout de beaucoup de mitrailleuses, le convainquit de la nécessité de percer par des coups puissants les deux flancs ou au moins l'un d'entre eux. Pour cela il choisit l'aile droite de la 10ème Armée, qui soutenue par la gauche de la 6ème Armée, devait attaquer le flanc droit des Allemands. Il faut rassembler là toutes les forces pour un assaut puissant en direction de l'importante région au nord de Fère-en-Tardenois. La 5ème Armée ne peut, dans ces conditions disposer que de forces limitées, elle doit les utiliser dans des attaques sporadiques, au nord et au sud de l'Ardre alternativement et ne doit en aucun cas se disperser sur tout le front (Lettre à Pétain 23/7) Pétain prit aussitôt les mesures correspondantes. Le Groupe d'Armées "Réserve" reçut l'ordre d'attaquer entre le cours inférieur du ruisseau de la Crise et la route de Longpont - Fère-en-Tardenois (également 10ème Armée) et de couvrir cette attaque par une avancée au sud de l'Ourcq sur Villeneuve-sur-Fère. Comme prochain but étaient indiquées les hauteurs d'Arcy-Sainte-Restitue - dans les instructions du 20 avaient été mentionnées les hauteurs de Lesges; au-delà de Bazoches, était le but suivant. Le Groupe d'armée "Centre" fut chargé de porter le coup principal dans la direction de Fismes - comme précédemment - sur la rive droite de l'Ardre contre le plateau de Germigny (également 5ème Armée)dont la prise brisait les positions allemandes dans la région. Les deux groupes d'Armées devaient s'assurer avec attention et par de nombreux coups de mains contre des contre-attaques allemandes sur les parties du front jouxtant la zone Aisne-Vesle.

La réalisation de ce regroupement n'intervint pas encore le 24/7, en partie à cause de l'opposition que le chef de la 10ème Armée, le Général Mangin témoignait à ce plan. L'aile droite de la 10ème Armée obtint près d'Oulchy-le-Château de grands succès inattendus, grâce auxquels, l'aile gauche de la 6ème Armée fut aussi entraînée en avant au sud de l'Ourcq. Ce n'est qu'alors que survint la concentration des forces prévue par Foch. On comptait qu'elle serait terminée par la 6ème Armée le 27/7, par la 10ème Armée seulement plus tard. Foch craignait que son intention d'attaquer, ensemble en direction de Fère-en-Tardenois ne soit pas encore suffisamment acceptée par ses deux chefs d'armée. En plus, simultanément à cette poussée, un nouvel assaut de la 5ème Armée devait avoir lieu. Suite à la réduction du front intervenue dans les derniers jours, la 9ème Armée avait été dissoute le 25/7 et ses troupes mises sous le commandement de la 5ème Armée.

Le repli allemand dans la nuit du 26 au 27 juillet empêcha la réalisation du plan de Foch. Le 27 et 28 n'éclatèrent que des combats sporadiques sur l'ensemble du front avec l'adversaire, qui s'était repositionné au nord de l'Ourcq. La 6ème Armée prit partout des dispositions pour franchir la rivière aussi rapidement que possible afin d'empêcher que les Allemands ne se fortifient sur les collines au nord de l'Ourcq.

Dans une lettre à Pétain et Haig, Foch exprime l'idée que "l'ennemi prendrait, sans doute derrière une rivière, une position défensive que les Alliés ne pourraient pas attaquer aussitôt et que ceci lui permettrait de réorganiser ses forces et de leur donner un temps de repos". Haig fut donc chargé d'accélérer la préparation d'une offensive (déjà prévue dans ses principes le 24/7) à l'est d'Amiens. Il obtint la promesse du retour rapide des divisions britanniques engagées sur le front français.

Avec cette instruction commença un nouveau chapitre dans les opérations des Alliés. Ceux-ci devaient désormais poursuivre le but d'épuiser les ressources matérielles et morales des Allemands.

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