LE MORAL DES TROUPES PENDANT LA 2ème BATAILLE DE LA MARNE, DOCUMENTS DU S.H.A.T.

La deuxième bataille de la Marne, à travers la correspondance des combattants. Extraits de lettres ouvertes par les commissions de contrôle postal d'armées ayant pris part aux combats ; - IVe, Ve, VIe, Xe armées -Archives du Service Historique de l'armée de Terre, Château de Vincennes

Créé en 1915, le contrôle postal est tout d'abord destiné à prévenir la diffusion d'informations permettant d'identifier les unités et leurs positions ainsi que tout autre renseignement d'ordre tactique ou technique susceptible de servir à l'ennemi.

Pendant l'année 1916, le commandement prend progressivement conscience de l'intérêt que présente le contrôle postal pour connaître l'état psychologique des troupes.

Les mutineries du printemps 1917 confirment l'importance de ce moyen d'évaluation du moral. Combiné avec d'autres sources de renseignement, le contrôle postal permet au général Pétain de disposer des informations nécessaires à la prise des mesures qui s'imposent pour améliorer les conditions de vie et de combat des soldats.

Ainsi, en dépit de trois années et demi de guerre, les poilus parviennent à encaisser les formidables coups de boutoir du printemps et de l'été 1918 sans que leur moral connaisse l'effondrement de l'année précédente. La seconde bataille de la Marne qui débute le 27 mai 1918, lorsque les Allemands déclenchent leur 3e offensive du printemps - n'en constitue pas moins une redoutable épreuve, comme en témoignent les lettres dans lesquelles apparaissent de nombreux signes de découragement et de lassitude que les succès de juillet ne dissiperont jamais complètement.

Remarques préliminaires ;:

Les extraits de lettres que recopiaient les commissions de contrôle postal, l'étaient dans le respect de l'orthographe et du style de leurs auteurs. Afin de faciliter la compréhension de ces textes, nous avons pris le parti d'en corriger l'orthographe et de développer les abréviations et acronymes.

Ces derniers ont, en revanche, été conservés pour désigner les unités d'appartenance des correspondants;:; ;DI ; ; est utilisé pour " ;division d'infanterie ; ;, "RI ; ;

pour " ;régiment d'infanterie ; ;, " ;RA ; ; pour " ;régiment d'artillerie ; ; (indications placées entre parenthèses à la suite des extraits).

Certains mots ou passages ont par ailleurs été soulignés ;; il s'agit des mots ou passages qui étaient caviardés - c'est à dire rendu illisibles - par les commissions de contrôle postal, avant que les lettres ne soient transmises à leurs destinataires.

Au moment où les Allemands s'apprêtent à déclencher leur offensive sur le Chemin des Dames, le moral des troupes françaises - qui avait été mis à mal par la dureté des combats d'avril, la rareté des permissions et l'impossibilité d'exploiter l'échec de l'offensive allemande vers Amiens - est en train de remonter. L'effort consenti par le commandement pour augmenter la fréquence des permissions et améliorer les conditions de vie des combattants n'est pas étranger à ces progrès qui se traduisent par une confiance renouvelée dans la capacité de l'armée française à battre les Allemands lors de leur prochaine offensive.

X à ses parents

Nous avons des coopératives et c'est tout moins cher ;; nous payons le vin vingt sous le litre et je vous assure qu'il n'est pas mauvais.

(sondage du 19 mai, portant sur la correspondance du 317 e RI/8 e DI/IV e armée. Unité stationnée dans les environs de Mourmelon-le-Petit, partie en ligne et partie au repos)

X à ses parents

Pour l'instant, ne m'envoyez plus rien. L'on trouve ici à peu près tout comme épicerie, c'est un ordre maintenant que les cuisines fassent coopératives. L'on s'en trouve heureux, car l'on y achète des oeufs, c'est chic de manger des oeufs à 15 m des boches.

(sondage du 23 mai, portant sur la correspondance du 24 e RI/6 e DI/IV e armée. Unité en position à Tahure, partie en ligne, partie en réserve. Secteur calme.)

X à ses parents

Pour le moment je suis au repos. ...Il y a un foyer du soldat comme tu peux en juger à l'entête de ma lettre, il y a des douches, il y a du linge propre, des bibliothèques et le bon sommeil sans crainte des coups de main ennemis.

(sondage du 23 mai, portant sur la correspondance du 24 e RI/6 e DI/IV e armée)

X à X

Les permissions font leur apparition, le pourcentage est augmenté, ce n'est pas un mal, la seule joie du poilu.

(sondage du 23 mai, portant sur la correspondance du 24 e RI/6 e DI/IV e armée)

X à son frère

...les nuits sont agitées ;: deux coups de main en trois jours et d'autres en perspectives, c'est beaucoup pour un secteur tranquille et d'ailleurs je refuse de qualifier de la sorte notre secteur. Il y règne depuis quelques jours une agitation qui fait présager que les boches ont de mauvaises intentions. Je ne crois pas à la forte offensive sur nous mais plutôt à une diversion de grand style, comportant la conquête d'objectifs stratégiques......Comme il y a deux mois d'ailleurs. Nous sommes prêts à tenir le coup si mes suppositions se réalisaient.

(sondage du 21 mai, portant sur la correspondance du 163 e RI/161 e DI/IV e armée. Unité occupant le secteur Tahure - Main-de-Massiges)

X à son frère

Cette fois je crois que l'on est bien prêt à recevoir le choc boche, si toutefois ils osent attaquer à nouveau, car ils doivent savoir ce que leur a coûté leur dernier succès.

(sondage du 22 mai, portant sur la correspondance de l'hôpital vétérinaire annexe, stationné à Montmirail)

L'effondrement de l'armée française sur le Chemin des Dames et la ruée allemande jusqu'à la Marne surprennent et déconcertent les soldats. Elles suscitent de violentes réactions contre le commandement et les dirigeants politiques. Les uns comme les autres font l'objet de critiques sévères et de comparaisons - qui sont loin d'être à leur avantage - avec l'ennemi que beaucoup jugent désormais invincible. Quant aux Alliés et aux Américains - qui n'en finissent pas de se préparer à intervenir - ils donnent lieu à des réflexions de plus en plus ironiques. La situation est telle que le découragement et le défaitisme apparaissent dans de nombreuses correspondances en dépit du patriotisme que manifestent encore beaucoup de combattants.

Un soldat à ses parents

Jamais vu chose pareille. Quel bombardement épouvantable pour dire le vrai mot aussi, pauvre Division. Il faut voir comme elle est, il ne reste plus rien. Pour le Régiment, on est descendu un peu plus de deux cents sur deux mille peut être que nous étions en ligne. Alors vous pouvez voir quelle rafle que ces cochons nous on fait. De la pauvre compagnie de mitrailleuses nous sommes descendus juste dix et ce n'est pas fini nous ne sommes pas encore relevés il nous faut attendre le renfort.

(sondage du 3 juin, portant sur la correspondance du 137 e RI/21 e DI/VI e armée, période du 28-30 mai ;; régiment en retraite, après avoir subi le premier choc de l'offensive allemande du 27 mai sur le Chemin-des-Dames)

Un soldat à sa femme (lettre mise au rebut)

Je vais bien aujourd'hui mais la situation est grave, je ne serais pas surpris d'être prisonnier demain....

Je ne sais pas quelle tournure prendront les événements en France. Si cela va trop mal, tâche d'aller en Suisse où je m'efforcerai de te retrouver............

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Retiens bien ceci en tout cas ;: Si nous étions victorieux, ce serait une injustice, nous ne méritons pas la victoire nous sommes trop paresseux et trop bêtes.

Maudit Clémenceau et les jusqu'auboutistes qui auront conduit la France à sa perte par leur aveuglement et leur entêtement.

(sondage du 3 juin, portant sur la correspondance du 137 e RI/21 e DI/VI e armée)

Un soldat à sa tante

Nous étions alors du côté de Braine ; ; à défendre cette ville quand le Colonel déclara la situation intenable, ce fut la déroute, la pagaille, tout le monde fuyait les uns par là les autres ailleurs et cela sous le feu des canons et des mitrailleuses surtout celles des aéros ;; ceux-ci descendaient à 30 mètres du sol et mitraillaient à loisir.

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Je m'arrête là car cette feuille ne suffirait pas à raconter cette retraite, on peut dire cette déroute. Actuellement nous ne sommes que 7 de la compagnie. Nous sommes à Crépy-en-Valois, nous attendons les ordres pour savoir où nous diriger.

(sondage du 1er juin, portant sur la correspondance des troupes de passage à Crépy, lesquelles sont souvent à la recherche de leur unité)

Un Adjudant à sa mère

Je reste douloureusement surpris par les événements. Que valaient donc les assurances, les proclamations ;: Foch est content, puis enchanté, puis satisfait ;? Soit, mais on a joué avec nous comme avec des enfants. Nous ne retirons pas notre confiance. Cependant, on ne peut se défendre de discuter.

(sondage du 3 juin, portant sur la correspondance du centre d'instruction de la 55 e DI/VI e armée, période du 31 mai ;; unité bivouaquant aux environs de Villers-Cotterêts après qu'elle ait été formée en bataillon de marche)

Un soldat à sa femme

Maintenant pour les lettres on se sait pas encore quand est-ce que nous en recevrons, car ca va bien mal en ce moment, vivement, vivement que ça aille encore plus mal et que ça finisse, car vraiment ce n'est plus une vie.

(sondage du 5 juin, portant sur la correspondance du 289 e RI/55 e DI/VI e armée, période du 29-31 mai ;; unité en réserve près de la forêt de Compiègne, dans l'attente d'être engagée)

Un soldat à son père (lettre adressée au GQG pour mauvais esprit, pessimisme et tendance défaitiste)

Sur le front, il ne reste plus que le malheureux petit ouvrier qui se fait casser la gueule pour les gros......

et c'est ceux là qui veulent la Victoire, qui disent sur les journaux que les boches n'en ont plus pour longtemps maintenant qu'ils n'ont plus rien à manger, mais je crois bien plutôt que c'est eux qui vont avoir la Victoire et que c'est nous que l'on a bientôt plus rien à manger. Maintenant c'est fini. C'est les boches qui vont avoir la victoire, c'est fini pour qu'on les chasse de France ;, l'on aurait beaucoup mieux fait d'accepter la Paix quand c'est qu'ils ont fait des propositions, maintenant c'est trop tard......Faire massacrer tant d'hommes pour rien, surtout qu'on ne sait pas pourquoi l'on se bat, c'est ce qui est encore le plus triste de tout.

(sondage du 5 juin, portant sur la correspondance du 289 e RI/55 e DI/VI e armée)

Le ralentissement de la poussée allemande - puis l'échec des attaques menée en direction de Paris - et l'engagement de plus en plus visible des unités américaines dans le conflit donnent aux poilus le sentiment que les Allemands s'épuisent et que l'équilibre des forces est sur le point de basculer en faveur des Alliés. Aussi les soldats sont-ils bientôt convaincus que la décision se jouera lors de la prochaine attaque allemande. Leurs lettres témoignent de cette prise de conscience, de la nécessité de tenir en dépit de la lassitude et de la précarité des conditions de vie qui résultent de l'intensité des efforts soutenus depuis des semaines

X à sa femme

Les boches voudraient en finir cette année. Mais ils auront dur à faire avec tous les Américains qu'il y a sur le front

(sondage du 9 juillet, portant sur la correspondance du 27 e RA/VI e armée, période du 6-8 juillet ;; unité en position entre Crépy-en-Valois et Villers-Cotterêt)

X à sa soeur

Il vient de faire un orage terrible. Nous sommes dans une grande forêt de hêtres et l'orage était tellement violent qu'il les faisait rompre par le milieu. Alors tu vois comme nous étions bien sous nos toiles de tente ;! La pluie en déloge et les branches nous tombent sur le dos. Les tentes étaient traversées, nous allons être bien pour cette nuit.

(sondage du 13 juillet, portant sur la correspondance du 2 e RI/33 e DI/VI e armée, période du 10-11 juillet ;; unité partie en ligne dans le secteur de la Ferté-Milon et en réserve près d'Antheuil-en-Valois et Billemont)

X à sa femme

Je fais tous les jours la chasse aux poux. Tout le monde en est farci des pieds à la tête.

(sondage du 13 juillet, portant sur la correspondance du 2 e RI/33 e DI/VI e armée)

X à sa femme

Je commence tout de même à en avoir marre depuis le nouvel an , nous avons été au repos juste 8 jours où il y avait des civils. On nous fait attaquer, l'on nous parle d'être relevés, mais nous attendons toujours après ;. Voilà le 14 juillet, nous allons encore le passer bien tristement et pendant ce temps il y en a qui font la fête à Paris. C'est bien malheureux de voir cela, après 4 ans de guerre, il y en a qui s'amusent, qui rigolent et pendant ce temps il y en a d'autres qui se font casser la gueule......

Je t'assure que quand nous autres poilus, nous voyons cela sur les journaux, nous en avons gros sur le coeur.

(sondage du 14 juillet, portant sur la correspondance 10-11/07 du 48 e RI/19 e DI/X e armée, période du 10-11 juillet ;; unité dont des bataillons sont en ligne face à Morsain-Vassens à Sacy et d'autres bataillons en réserve à Attichy. Secteur calme)

Un soldat à sa femme

...D'après les prisonniers que j'ai questionnés passant devant le gourbi du Général ;: " ;ils en ont plein le dos, c'est par crainte qu'ils font la guerre. Il faut que la guerre finisse dans un sens ou dans l'autre, car la population a été déçue dans ses espérances ; ;. Il y en avait un tout jeune arrêté en face de la table où je mange. Comme c'était la soupe, il regardait mon pain blanc et mon pinard. Alors je lui ai demandé ;: as tu faim ;? Oui, Monsieur, qu'il me répond en très bon français. Alors en cachette, je lui ai donné une bonne tartine qu'il a cachée de suite sous sa veste. Puis j'ai empli son bidon d'eau. Je crois que s'il avait osé il m'aurait embrassé. Quoique étant nos ennemis, c'est toujours les enfants de quelqu'un, et cela me crève le coeur de voir des choses si abominables.

(sondage du 11 juillet, portant sur la correspondance de l'état-major d'infanterie divisionnaire de la 2 e brigade/1 e DI/X e armée, période du 8-9 juillet ;; état-major installé dans la forêt de Villers-Cotterêt depuis le 21 juin)

Un gradé à sa famille

Les journaux font allusion à l'offensive prochaine. Où se produira-t-elle ;? Quand ;? La situation parait meilleure pour nous qu'avant. Je ne sais si les Allemands cachent leur jeu où s'ils hésitent. Le morceau est tellement gros et les Alliés paraissent si décidés à ne pas céder, que l'hésitation de l'ennemi est du domaine des choses possibles.

(sondage du 12 juillet, portant sur la correspondance du 246 e RI/55 e DI/X e armée, période du 8-9 juillet ;; unité en ligne - ou en réserve - dans le secteur de Moulin-sous-Touvent redevenu calme)

Un soldat à ses parents

Ludendorff va déclencher sa grande et dernière offensive bientôt. Il faut espérer qu'elle sera arrêtée, nous sommes plus forts qu'il y a un mois. Je demande à ce que l'on remonte en ligne le plus tard possible pour faire la poursuite, car ça m'impressionne toujours de monter là haut, mais enfin quand j'y suis je fais mon devoir assez brillamment, à ce qu'il paraît.

(sondage du 16 juillet, portant sur la correspondance du 72 e RI/87 e DI/VI e armée, période du 12-13 juillet ;; unité au repos à Pontpoint après avoir été relevée le 10 juillet au matin)

Un soldat à une amie

Nous attendons avec patience et courage le grand coup boche. Nous sommes jour et nuit sur le qui-vive. Aujourd'hui c'est assez calme, chose étonnante, vu le 14 Juillet et leur grand coup que l'on sent proche.

(sondage du 17 juillet, portant sur la correspondance du 43 e RI/162 e DI/X e armée, période du 13-14 juillet ;; unité en ligne à Saint-Christophe, dans un secteur calme et bien organisé)

Un soldat à une amie

Voilà bientôt 4 ans que je suis séparé de ma mère, restée en pays envahi. Depuis, que de souvenirs sanglants, de souffrances et d'horreurs ;!! rien cependant n'a abattu mon courage ni ma volonté. Je lutte, chaque jour, avec plus de haine ;: mon désir de vengeance s'avive sans cesse. Le front me connaît depuis 3 ans 1/2 ;: une blessure dans la Somme, ne m'en a guère éloigné.

(sondage du 13 juillet, portant sur la correspondance du 43 e RI/162 e DI/X e armée)

Un soldat à ses parents

Pour ce qui est de la guerre, elle ne finira pas cette année. Sûrement qu'on fichera la purge aux Boches ;; mais, cette année on ne prendra pas de grande offensive, pas avant l'année prochaine quand toutes nos forces pourront être groupées. Maintenant, il nous faut fournir partout, car les boches peuvent attaquer à n'importe quel point ;: il faut donc que le front soit bien garni partout, afin d'éviter un nouveau coup comme celui de l'Aisne.

Enfin, ayons bon espoir ;; les boches, malgré leurs attaques à fond n'ont pas été à Paris. Maintenant, ils peuvent recommencer ;; c'est fini pour eux ;; ils gagneront peut-être encore quelques kilomètres de terrain, mais c'est tout.

(sondage du 17 juillet, portant sur la correspondance du 127 e RI/162 e DI/X e armée, période du 13-14 juillet ;; cette unité est partie en ligne, partie en réserve au Nord de l'Aisne, dans le secteur de Vingré, qu'elle occupe depuis le 29 mai)

Un soldat à son amie

Nous embarquons ce soir. Voilà le repos après 43 jours de tranchée, nous avions quitté les lignes le 11 au soir et nous remontons dans la fournaise. Ne crois-tu pas que c'est un peu trop souvent les mêmes ;? Enfin que veux-tu, on rouspète mais nous marchons toujours.

(sondage du 19 juillet, portant sur la correspondance du 1 e RI/1 e DI/X e armée, période du 15-16 juillet ;; unité au repos dans la région de Persan-Beaumont depuis 2 jours)

Après avoir fait naître quelques inquiétudes, l'offensive allemande du 15 juillet est rapidement enrayée. Le moral des troupes connaît alors une hausse d'autant plus spectaculaire qu'avec la contre-offensive du 18 juillet les Alliés reprennent l'initiative et ne s'en dessaisissent plus. Les troupes sont cependant épuisées et le raidissement de la résistance ennemie suscite bientôt l'étonnement voire l'admiration des poilus.

Offensive allemande du 15 juillet ;:

Un soldat à son père (lettre adressée au GQG pour propos alarmistes)

Catastrophe ;! Les boches ont attaqué. Nous partons ce soir à 5h. C'est terrible et le moral est tombé ;! Si c'est nous les fameuses réserves de Foch, elles sont propres ;!

(sondage du 19 juillet, portant sur la correspondance du 1 e RI/1 e DI/X e armée)

Un soldat à sa femme

L'offensive boche comme tu as du le voir par les journaux n'a pas l'air heureusement d'avoir donné à ces bandits quelques résultats. J'espère qu'ils vont être contenus dès le début et qu'ils seront enfin dans l'obligation de nous foutre la paix jusqu'à ce que avec les Américains nous soyons en mesure de leur coller la pile définitive.

(sondage du 19 juillet, portant sur la correspondance du 201 e RI/VI e armée, période du 15-16 juillet ;; unité au repos à Saint-Martin du Tertre, Viarmes, Asnières-sur-Oise, après avoir été relevé le 10 juillet)

X à sa marraine

J'ai pu me rendre compte que les pertes des boches étaient fantastiques, d'un observatoire un commandant d'artillerie me disait avoir vu sur une route passant sur le front le boche tomber comme un champ de blé de la faucheuse. Notre 75 ne badine pas.

(sondage du 23 juillet, portant sur la correspondance du 1 er régiment de marche/45 e DI/V e armée, période du 15-16 juillet ; ;; unité en 1 ère ligne depuis 17 jours, à Prunay)

X à son épouse

Je puis te dire encore que cette année il y aura une décision et que la guerre se terminera ;; en ce moment, ils ont reçu la pilule et je souhaite qu'ils reçoivent une bonne tournée.

(sondage du 23 juillet, portant sur la correspondance du 1 er régiment de marche/45 e DI/V e armée)

X à son frère

Tu peux croire que les boches prennent quelque chose sur la Marne elle est rouge de sang et de machabés. Cela va les dresser un peu. Ils croyaient aller à Paris les mains dans les poches, mais ils sont tombés sur un bec de gaz.

(sondage du 23 juillet, portant sur la correspondance de l'artillerie de la 45 e DI/V e armée, période du 18-20 juillet ; ;; unités en position dans la région de la Montagne de Reims)

Contre-offensive alliée du 18 juillet ;:

Un soldat à ses parents

Ce sont les zouaves qui attaquèrent devant nous. Ils tombèrent sur une relève boche et firent de nombreux prisonniers. Le premier choc ne fut pas trop dur mais depuis ça a changé, et pourtant qu'est-ce qu'ils dégustent ces maudits boches, mais ils s'accrochent à tout.

(sondage du 25 juillet, portant sur la correspondance des 23-24 de la 19 e DI/X e armée, période du 23-24 juillet ; division engagée dans la région de Saint-Remy-Blanzy. Cette grande unité était en route pour le repos quand elle fut appelée à participer à la contre-offensive)

Un soldat à son père

Je suis dans cette grande bataille depuis 7 jours. Je suis en bonne santé, mais bien fatigué. Depuis 7 jours c'est la première nuit que nous dormons ;. Enfin nous supportons la fatigue avec courage car nous somme en train de fiche une raclée aux boches ;!! Nous avons beaucoup avancé. Ici on voit des boches tués de tous côtés, de même que nos pauvres zouaves, des chevaux tués en grande quantité que les boches n'ont pas eu le courage d'enterrer. Aussi l'air est irrespirable c'est une puanteur épouvantable. Je ne veux plus manger, aussi mes forces diminuent. Je me demande quand on enterre tout ça ;!! Je t'assure que c'est affreux à voir.

(sondage du 25 juillet, portant sur la correspondance de la 38 e DI/X e armée, période du 22-23 juillet ; grande unité en position dans le secteur de Longpont-Haramont)

Un soldat à son père

Les Américains sont admirables au combat, nous en sommes tous heureux, ils partent se battre en bras de chemise. Ils sont merveilleux.

(sondage du 25 juillet, portant sur la correspondance de la 38 e DI/X e armée)

Un soldat à sa femme

Quelque fois je me demande comment les boches font pour tenir c'est à se le demander. Ils se battent et se font tuer sur place jusqu'au dernier pour tenir un rien de terrain, et pourtant, quelle différence avec nous. Ils n'ont qu'une permission depuis un an. Je ne suis pas difficile, mais je ne mangerais pas ce qu'ils mangent. Il y avait de la soupe de reste dans des gamelles, des cochons n'en auraient pas voulu et leur pain......on dirait que l'on mange du bois, quelle différence avec notre beau pain blanc.

(sondage du 25 juillet, portant sur la correspondance la 38 e DI/X e armée)

Un soldat à un ami

Dans le coin nous avons attaqué avec merveille, et où nous avons montré à la race maudite ce que nous pouvions faire et c'est vous pouvez croire du beau travail ;; certes, cela ne va pas tout seul, car les " ;salauds ; ; se défendent âprement, enfin c'est un coup rude encore à passer.

(sondage du 25 juillet, portant sur la correspondance de la 38 e DI/X e armée)

Un soldat à sa mère

Nous pensions partir pour le repos. Il a fallu remettre ça et nous avons pris Soissons. Il n'y faisait pas bon. Après un coup comme ça, j'espère que nous irons au repos. On l'a bien gagné, surtout ceux qui étaient au régiment avant moi et qui ont fait toutes les attaques depuis le 18 juillet.

(sondage du 6 août, portant sur la correspondance du 164 e RI/72 e DI/X e armée, période du 2-3 août ; ;; le régiment, à la poursuite de l'ennemi vient d'entrer dans Soissons)

Un soldat à une amie

Depuis deux jours le secteur est un enfer. Bombardement terrible. Les boches ont envoyé une quantité énorme d'obus à gaz ce qui a causé la perte du 1° Bon. Je ne vous donne pas le nombre des évacués, vous en seriez effrayée.

(sondage du 6 août, portant sur la correspondance du 164 e RI/72 e DI/X e armée)

Un soldat à une amie

Ce qui arrive devait arriver (le succès). Il y a tout de même de l'abus, mais vivent Foch et Pétain et aussi tiens le père Clémenceau ;! Ce sont des hommes et ça fait plaisir. Mais que les sous-ordres sont d'essence inférieure.

(sondage du 6 août, portant sur la correspondance du 164 e RI/72 e DI/X e armée)

Malgré leur épuisement, les troupes ont conservé, tout au long de la deuxième Bataille de la Marne, un moral suffisamment élevé pour résister aux derniers assauts des Allemands et pour reprendre le terrain conquis par l'ennemi.

La hausse spectaculaire que connaît alors le moral est toutefois de courte durée. Les offensives ininterrompues que mènent les armées alliés à partir d'août 1918 sont à la fois exténuantes et très meurtrières ;: les poilus progressent désormais à découvert face à un ennemi qui conserve une redoutable puissance de feu et qui sait exploiter avec habileté toutes les possibilités offertes par le terrain pour résister. Aussi est-ce avec un immense soulagement que la nouvelle de l'armistice est accueillie. Peu de temps avant celle-ci, les troupes s'attendaient encore à combattre pendant de longs mois.

Jusqu'à la fin, les informations recueillies grâce au contrôle postal ont permis au commandement de prendre en considération le moral des combattants, bien mieux qu'il ne l'avait fait pendant les débuts de la guerre.

Sources ;:

Archives du contrôle postal aux armées, conservées au Service historique de l'armée de Terre (SHAT) ;: cartons de la série 16N1380-1484

Indications bibliographiques ;:

sur le contrôle postal en 1918, se référer,

- à l'ouvrage - SHAT, à paraître - de M. Jean NICOT, Conservateur en chef du patrimoine ;: LA PAROLE EST AUX POILUS, Le moral des combattants en 1918 d'après les archives du contrôle postal, Château de Vincennes 1997

- aux articles qu'il a écrits pour la Revue Historique des Armées (RHA), en particulier, Perception des Alliés par les combattants en 1918, d'après les archives du contrôle postal - RHA N° 3/1988,

sur le fonctionnement du contrôle postal et l'intérêt que présente cette source, lire,

- Jean-Noël JEANNENEY, LES ARCHIVES DES COMMISSIONS DE CONTROLE POSTAL AUX ARMEES (1916-1918), Une source précieuse pour l'histoire contemporaine de l'opinion et des mentalités, in Revue d'Histoire Moderne et Contemporaine, N° de janvier-mars 1968

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