LES SOUVENIRS DU GÉNÉRAL MACARTHUR - 42ème D.I. U.S.

Extrait des Souvenirs de MacArthur

 

Pas à pas nous avancions en combattant : La ferme de la Croix Rouge, Beuvardes, la Forêt de Fère, Villers-sur-Fère. Kilomètre après kilomètre, nous versions notre sang, un millier d'hommes par jour, jusqu'à ce que nous atteignions la rive sud de l'Ourcq. Derrière la rivière, sur la rive nord, l'ennemi avait établi sa ligne de résistance principale. Nous forçâmes le passage juste avant l'aube, le 28 juillet (1918) et prîmes la Ferme de Meurcy dans un combat au corps à corps. Nous prîmes le village de Sergy, à l'autre bout de la ligne de front (de la division), à la pointe de la baïonnette mais nous fûmes rejetés presque immédiatement. Onze fois cette position changea de mains avant que, finalement, nous tînmes ces ruines fumantes.

Mais le centre du village de Seringes-et-Nesles tenait encore. Je déployais notre infanterie sur la rive sud du ruisseau d'où elle se rua. Leur artillerie était concentrée; leur mitrailleuses à l'est et à l'ouest du village balayaient le terrain; mais rien ne pouvait arrêter l'impétuosité de cette charge folle. Nous traversâmes à gué la rivière; nous grimpâmes les pentes de la colline et nous tuâmes la garnison du village jusqu'au dernier homme. A la tombée du jour du 29 Juillet nous en étions les seules maîtres. Le commandant de la division cita plusieurs hommes ce jour là et je fus parmi eux - ma troisième Silver Star.

Peu après minuit, pendant une reconnaissance devant nos avant-postes, j'eus le sentiment d'entendre des bruits inhabituels dans les lignes allemandes - explosions, grondements sourds de nombreux véhicules sur le départ. J'eu la certitude que l'ennemi retraitait. Je pris la décision d'avancer vers lui immédiatement. Je n'avais pas le temps de consulter le Quartier Général. Ma décision reposait sur ma seule appréciation et je devais en assumer toutes les conséquences.

Il était 3 heures 30 du matin quand je partis de notre droite, à Sergy, me déplaçant, avec des agents de liaison, de chaque avant-poste vers le prochain, au travers de l'ancien no man's land.

Jamais je n'oublierai cette marche. Les morts étaient si nombreux par endroit que l'on trébuchait sur eux. Il y avait au moins 2.000 de ces corps étendus. J'identifiai les insignes de six divisions allemandes dont quelques unes parmi les meilleures. L'épouvantable puanteur était suffocante. Les râles et les cris des blessés s'entendaient partout. Je pensais à quel point j'avais eu tort, un beau jour, à l'académie militaire de West Texas, quand j'avais crânement critiqué, comme trop excessive, la description de l'enfer de Dante.

Une lueur éclaira la scène ,soudainement, pendant une fraction de seconde, et nous heurtâmes l'horreur. Là, devant nous, se tenaient trois Allemands - un lieutenant pointant avec des bras étendus, un sergent accroupi sur une mitrailleuse, un caporal approvisionnant l'arme avec une bande de cartouches. Je retins mon souffle attendant la détonation. Mais il n'y eut rien. Mon guide passa sa grenade dans l'autre main et saisit sa lampe électrique.

Les Allemands n'avaient pas bougé. Ils ne bougeront d'ailleurs jamais plus. Ils étaient morts, tous morts - le lieutenant avec un shrapnel au travers de la gorge, le sergent avec le ventre soufflé dans le dos, le caporal avec la colonne vertébrale à la place de sa tête. Nous les laissâmes là, comme ils étaient, courageux hommes morts au service de leur pays.

Je terminais ma reconnaissance et atteins le régiment de flanc, juste avant l'aurore. Là, je trouvai son remarquable colonel, Franck McCoy, et son brave aumônier, le Père Duffy, qui revenaient après avoir enterré le poète Sergent Joyce Kilmer à côté d'une souche d'un de ces arbres qu'il avait immortalisés (dans le poème : Trees).

Je revins immédiatement à l'état-major de la division. J'étais tellement fatigué que je me suis assis sur un tabouret. Le commandant du corps, cet excellent militaire, le Major Général Hunter Ligget, était là avec le Général Menoher. J'expliquais ce que j'avais fait.

Je n'avais pas dormi depuis quatre jours et j'étais tellement somnolent que tout commençait à s'estomper. J'entendis le Général Liggett dire quelque chose à propos de l'artillerie qui ne devait pas traverser l'Ourcq tant que l'infanterie n'aurait pas suffisamment avancé. Je tombai dans un profond sommeil. Ils me dirent, plus tard, que le Général Liggett me regarda et dit : "Ca alors ! Menoher vous devriez le citer." Ainsi, j'eus ma quatrième Silver Star.

A cette époque je reçus le commandement de la 84ème Brigade de la 42ème Division (Rainbow Division). Je quittai l'état-major de la division avec un profond sentiment d'admiration et d'affection. L'équipe, me bouleversa , quand ils me présentèrent un étui à cigarettes en or avec l'inscription : "Au brave des braves".

Dans la bataille sanglante de l'Ourcq, la division a perdu presque la moitié des effectifs de ses personnels combattants. Quand nous sommes arrivés à la zone de repos, nous avons reçu des milliers de jeunes recrues. Pendant tout le mois d'août nous avons recomplété les équipements et nous nous sommes refaits physiquement et moralement ainsi nous étions dans une forme satisfaisante quand nous reçûmes les ordres de mise en route vers le front de la poche de Saint-Mihiel, au sud-est de Verdun.

L'histoire non révélée de D. MacArthur par Frazier Hunt

 

Il était temps pour le Généralissime Foch de frapper à revers. La cinquième et dernière grande attaque allemande du printemps et de l'été de 1918 avait échouée, et l'initiative était, maintenant, en presque quatre ans, pour la première fois, dans les mains des Alliés.

Sur la face ouest du saillant de la Marne, près de l'importante voie ferrée de Soissons, les 1ère et 2ème Divisions Américaines furent insérées rapidement entre les unités françaises, et le 18 juillet une offensive décisive était lancée. Elle ne devait plus s'arrêter jusqu'à la signature de l'armistice du 11 novembre.

Deux jours après le début de l'offensive, la 42ème Division Américaine était retirée du front défensif de Champagne et reçut l'ordre de combattre dans la 6ème Armée (Française) du général Degoutte. Dans la nuit sombre du 25 au 26 juillet (1918), les régiments d'infanterie des deux brigades reçurent l'ordre de débarquer des autobus et des camions avec l'ordre de relever les unités épuisées de la 26éme Division Américaine, New Englanders. Depuis presque une semaine les hommes de la 26ème et 3ème Divisions Américaines, ainsi qu'une brigade de la 28ème avaient repoussé un ennemi déterminé de la rive nord de la Marne jusqu'aux hauteurs qui dominent la petite rivière qu'est l'Ourcq.

Pour accroître, encore, à la confusion générale et aux incertitudes, le Général Menoher commandant la 42ème, division de MacArthur, reçut, maintenant, l'ordre de poursuivre les Allemands qui décrochaient et de les empêcher, à tout prix, de se rétablir. C'était un front effrayant et déroutant, une part des combats de cette première matinée furent des combats à la baïonnette avec interdiction de tirer. Mais la réelle surprise était ailleurs, les hommes de la 42ème Division (Rainbow) avançant dans la brume, entendirent brusquement le chant mortel des mitrailleuses allemandes qui tiraient de devant mais également des deux flancs.

MacArthur traversa le bois mortel et observa les champs du massacre. Il comprit la terrible erreur : les Allemands ne retraitaient plus rapidement avec seulement une légère arrière-garde pour couvrir leur retraite. Au contraire, d'importantes forces allemandes s'étaient établies sur ces pentes, ces petits bois protecteurs et derrière les solides murs des bâtiments des fermes où ils avaient installé leur mitrailleuses lourdes et leurs mortiers pour une défense déterminée. Aucune avance américaine n'était possible sans avoir le contrôle du terrain battu par le feu ennemi. Pourtant, il y eut des ordres du haut commandement de traverser la rivière et de prendre les pentes derrière, sans se préoccuper de l'absence complète de préparation d'artillerie pour faire taire les positions allemandes.

Aucun mot ne peut décrire l'horreur et la mort qui étaient tapies sur les pentes couvertes de coquelicots, dans les bois et derrière les enclos des fermes de ce paysage verdoyant. Les hommes de New York et d'Ohio, de l'Iowa et de l'Alabama et les détachements de presque douze autres états s'avancèrent vers les nids de mitrailleuses et furent déchiquetés par des tirs mortels qui les frappaient sans qu'ils sachent d'où ils venaient.

A la fin ils apprirent comment ramper par groupe de deux ou trois, comme les Indiens, et quand un petit groupe déterminé atteignait un nid de mitrailleuses opiniâtre, ils lançaient leurs grenades à main et sautaient sur l'ennemi. Il n'est pas surprenant qu'il n'y eut que peu de prisonniers.

Les cinq jours et nuits qui suivirent furent pleine d'angoisse pour MacArthur. Il n'avait rien d'autre à faire qu'à obéir aux ordres donnés par le Corps d'Armée. Sergy, la ferme de Meurcy, Nesles, la Forêt de Fère, la cote 212 - sont des noms et des souvenirs qui resteraient pour toujours vivants dans sa mémoire. Il aurait voulu n'être jamais coupable d'avoir ordonné une attaque frontale brutale, sans reconnaissance complète, avec des informations vérifiées et une préparation d'artillerie adéquate.

Cela ne semblait jamais devoir se terminer. Les points d'appuis tenus avec détermination devaient être pris, alors arrivait le feu mortel de l'ennemi et les contre-attaques. La même pierre de ferme ou la parcelle de bois changeaient de main une demi-douzaine de fois. Ils n'y avait ni repos ni espoir.

Peu après minuit le 1 août, le capitaine Wolf, inspectant les P.C. des bataillons et des compagnies, remarqua une activité inhabituelle de l'autre coté, dans les lignes allemandes. Il en rendit compte au P.C. de MacArthur. Les éclaireurs que Wolf avait envoyé derrière revinrent avec l'information que les Allemands avaient soudainement arrêté toute activité.

MacArthur n'avait pas besoin de plus de preuve. Il était certain, maintenant, que les Allemands retraitaient. A 3 heures 30 du matin, il parcourut toute la ligne de front de la division, contactant chaque P.C. de bataillon. Il donna l'ordre au différentes unités d'avancer immédiatement. Ils devaient harceler les Allemands en retraite.

Il n'avait pas le temps de solliciter l'accord de son commandant de division ni du Q.G. du Corps d'Armée. MacArthur devait assumer seule la grave responsabilité de l'ordre de progression donné à l'aube. S'il avait tort, il pourrait avoir à payer son impétueux acte de courage par sa carrière militaire. Mais il était convaincu qu'il ne se trompait pas.

Ce même jour, la 4ème Division Régulière dépassait la 42ème, qui était épuisée, pour harceler l'ennemi en retraite vers les collines au sud de la Vesle. La division "Arc-en-ciel" (Rainbow)fut privée du privilège de la poursuite, mais MacArthur, qui avait toujours insisté pour que les sapeurs du Génie puissent servir comme fantassin, vit que les sapeurs du 117ème Génie de la 42ème Division avaient participé, au moins, à la première moitié de la poursuite.

La 42ème Division, très fatiguée, maintenant enterrait ses morts et évacuait ses blessés. Doucement elle se retira vers la chaude et ensoleillée vallée de la Marne.

Là, les hommes se baignaient dans le courant agréable, ils se rhabillaient, se rééquipaient et reçurent des renforts pour recompléter les effectifs. La Division "Arc-en-ciel" avait payé un prix exorbitant pour quelques kilomètres gagnés sur l'Ourcq et pour la gloire qu'elle en retirait. En cinq jours, elle avait perdu, en tués et blessés, 5529 hommes principalement dans ses quatre régiments d'infanterie.

MacArthur, solitaire dans sa peine et malheureux de l'erreur commise par le haut commandement, portait, pour l'instant, une unique étoile sur les épaules (Colonel). Juste après que la division eut quitté le front de Lorraine, l'instruction arriva qu'il était nommé général de brigade. Ensuite arriva la désagréable nouvelle qu'il était renvoyé aux U.S.A. pour prendre le commandement et entraîner une brigade de la 11ème Division Régulière, prochainement créée à Camp Meade dans le Maryland.

Le Major Général Menoher, commandant la 42ème Division enregistra sa protestation véhémente. Le Capitaine Wolf fut envoyé rapidement à Chaumont pour plaider la nécessité de retenir MacArthur au moment précis où la division allait être engagée dans la prochaine offensive de Champagne. Néanmoins, l'ordre lui fut réitéré de quitter l'unité qu'il aimait. Finalement, cependant, il lui fut permis d'y rester.

Les tueries et les durs combats sans sommeil de la bataille de l'Ourcq avait dépassé le seuil supportable pour le paternel Général de Brigade Brown de la 84ème Brigade d'Infanterie. Il fallait un homme plus jeune, vigoureux et endurant. MacArthur, prit le commandement des deux régiments de la 84ème Brigade d'Infanterie, solides hommes de l'Alabama et de l'Iowa. "Rebelle" et "Yankee", se chamaillant joyeusement entre eux, mais quand ils affrontaient l'ennemi, ils combattaient côte à côte, unis.

MacArthur n'avait plus, maintenant, à se préoccuper des détails innombrables d'approvisionnement, d'équipement, de transport, d'entraînement et de plans de bataille pour la division. Il commandait, maintenant, deux magnifiques régiments, avec leurs troupes de soutien, leurs bataillons de mitrailleuses - et il insistera toujours sur une brigade complète d'artillerie pour soutenir ses attaques.

Il pouvait maintenant rompre avec son téléphone et le Q.G. de la division. Il pouvait commander sa brigade à sa manière, appliquer ses propres théories de commandement. Il avait 38 ans et prêt pour l'expérience.

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