L'OFFENSIVE ALLEMANDE DE 15 JUILLET

Un énorme travail de traduction a été réalisé par Monsieur Angelo ZAMBON, avec l'aide du Colonel MAGLIOCCHETTI, Attaché Militaire Italien à Paris. Merci, à tous deux, pour ce travail .....

L'OFFENSIVE ALLEMANDE DE 15 JUILLET

LA BATAILLE DÉFENSIVE

Sur la base des informations qui donnaient pour certaine l'attaque allemande dans la nuit du 15, le commandement d'artillerie du IIème Corps d'armée avait prévu que le tir de contre-préparation commence à 1 heure, pendant la nuit du 14 au 15 toutefois, de nouvelles précisions conseillèrent d'anticiper le début du feu, qui fût par conséquent fixé à 0h.40. Mais, vers 23h.30, la 5ème armée communiquait que des prisonniers capturés sur le front de la 4ème armée avaient assuré que l'attaque serait lancée à l'aube du 15, et que l'artillerie allemande commencerait la préparation à 24 heures. Il était ordonné, alors, que la contre-préparation commençât immédiatement. Peu après, donc, le feu de nos batteries se déclenchait avec violence, s'associant au grondement épouvantable de l'artillerie du groupe des armées du centre.

A 0h10 l'artillerie allemande commençait aussi les tirs. Des coups de tous calibres, surtout de 105 et 210, obus explosifs et toxiques s'abattent sur les avant-postes et sur les batteries de campagne. En ligne on a la nette sensation que, tandis qu'une énorme masse de feu se déverse sans cesse sur la même cible, le terrain est graduellement et systématiquement battu tant dans le sens normal que dans celui qui est parallèle au front.

Les effets du feu se révèlent tout de suite très néfastes (meurtriers), surtout sur le front de la 8ème division et autant sur les avant-postes que sur la position de résistance; la proximité des deux lignes les implique toutes deux dans le même tir, tandis que le manque d'abris adéquats augmente les pertes, même les réserves sont décimées et atteintes par le ratissage systématique de l'artillerie adverse. Nos batteries éprouvent rapidement les effets du bombardement et accusent de fortes pertes en hommes, chevaux et pièces; les projectiles à liquides spéciaux sont tellement nombreux qu'on déplore des cas de suffocation même parmi les militaires qui portent les masques.

Bientôt les liaisons téléphoniques sont interrompues et les responsables cherchent en vain à les rétablir; la violence et la fréquence des explosions est telle que les géotéléphones ne peuvent être utilisés; les moyens optiques même, si les appareils ne sont pas endommagés, n'arrivent, à travers le brouillard, la fumée et la poussière, ni à transmettre ni a recevoir; les antennes des stations des radiotélégraphes abattues sont plusieurs fois remises en marche; mais, à la fin, il faut renoncer aussi à ce moyen.

L'intensité du bombardement oblige les commandants et les troupes à se servir exclusivement des estafettes, à pied ou à cheval, qui s'acquittent de leur tâche au milieu de très graves difficultés et au prix de beaucoup de sang. Toute communication directe avec la ligne avancée est très vite rendue presque impossible, tandis que le brouillard épais qui plane partout ne permet pas la vision directe du champ de bataille; les observateurs d'artillerie, ainsi aveuglés, remplissent avec grande difficulté leur fonction.

Nos batteries intensifient la contre-préparation. Tandis que celles de campagne martèlent le terrain au contact immédiat des fils de fer barbelés de nos lignes de surveillance, les batteries lourdes du groupement A.L.C. renforcent le barrage selon les accords pris avec le commandement de la division; le 9ème groupement exécute des tirs d'interdiction aux débouchés de la vallée du ru Parisis, au sud du bois "des Éclisses", le groupement A.L.L. renforce avec son groupe de 120 le barrage devant la côte 240 du bois de Vrigny avec celui de 155 et avec les deux de 105 barre les vallées de l'Ardre et du Noron dans la zone Mézy Prémecy, Bouleuse, Poilly, tandis que le groupement A.L.A. bat sur les nids de batteries et les localités de rassemblement des troupes allemandes dans le ravin de Treslon, à Tramery, à Faverolles et dans la zone entre Chambrecy et Ville-en-Tardenois.

L'artillerie du Ier Corps colonial, moins soumise au bombardement allemand, appuie la contre-préparation sur le front de la 3ème division. Les pièces ennemies très dangereuses, qui s'installent entre la côte 240 de Vrigny et Ormes, sont attaquées par une concentration du groupe de 120. Des batteries ennemies, qu'un avion signale aux premières lueurs de l'aube, en batterie entre Sarcy et Ville-en-Tardenois, sont neutralisées par le groupement A.L.A.

Front de la 8ème division

Vers 4 heures, précédées par un "barrage roulant", l'infanterie allemande attaque avec une violence particulière le front de la 5ème armée dans le tronçon compris entre la Montagne de Bligny et la Marne : les premiers qui subissent le choc ennemi sont la gauche du IIème Corps (8ème division) et l'ensemble du Vème Corps français.

De nombreuses patrouilles d'assaut, suivies à courte distance d'innombrables petites colonnes en file indienne, qui ont en tête mitrailleuses et pièces légères, donnent l'assaut à la fortification du bois "des Éclisses"; les allemands trouvent les défenses accessoires détruites par les tirs de l'artillerie et la garnison très éprouvée à cause des pertes subies, ils réussissent, avec une relative rapidité, à s'infiltrer entre le 2ème bataillon du 51ème et le 1er bataillon du 408ème R.I. français tombant ainsi au dos de la défense du bois.

Le commandant de la fortification, blessé, est dégagé près du commandement du 51ème. Dans le bois la lutte se fractionne avec rapidité en des combats isolés; des groupes italiens et français résistent bien qu'encerclés, mais sont peu à peu dominés par la supériorité de l'adversaire, soutenu par l'intervention des chars d'assaut.

Quelques minutes après 4 heures, les premiers éléments ennemis se montrent déjà sur la lisière est du bois " des Éclisses" qui, à 6h.30 est complètement dépassé et encerclé : quelques rescapés français réussissent, toujours en combattant, à s'ouvrir à grand peine un passage et à se replier sur Chaumuzy, et traversant l'Ardre à rejoindre les lignes de la 3ème division tandis que les soldats italiens du IIème Bataillon du 51ème régiment se replient en partie sur le 20ème d'infanterie, et en partie sur le Ier bataillon du 51ème régiment. A l'intérieur du bois divers éléments résistent encore et le crépitement de leur armes s'entendra distinctement jusqu'à la fin de l'après-midi.

Ayant dépassé la défense du bois "des Éclisses", l'ennemi tombe sur le flanc gauche et au dos des lignes du 20ème d'infanterie dans la vallée de l'Ardre. La situation devient, de ce côté, rapidement critique. Les IIIème et Ier bataillons ainsi que les compagnies avancées du Ier et IIème bataillons attaqués par des forces supérieures se replient sur la droite de leur position tout en opposant une résistance acharnée jusqu'à 7h.30 environ. Décimés par le feu, accablés par le nombre, les survivants du IIIème bataillon, après avoir disputé le débouché ouest du village de Chaumuzy, vers 8h.30, se replie vers le point de liaison avec la 3ème division, dont il suivront, ensuite, les vicissitudes.

D'autres éléments du 20ème d'infanterie, par contre, réussissent à rompre le cercle qui désormais les enveloppe de tous côtés et se faufilent le long de l'Ardre vers Marfaux où ils se relient au IIème bataillon du régiment. Le commandant du 20ème régiment à 7h.30, attaqué directement par un char d'assaut réussit, avec difficulté, à échapper à l'étreinte de l'ennemi et à se replier sur Marfaux.

Les choses ne vont pas mieux vers la crête entre le bois "des Éclisses" et celui de Courton, vraie porte d'accès à la vallée de l'Ardre; le Ier bataillon du 51ème est obligé de faire face de plusieurs côtés à un ennemi toujours plus nombreux et impétueux. A cause du fléchissement de la fortification du bois "des Éclisses", ce bataillon se retrouve avec la droite à découvert et menacée d'encerclement par un ennemi qui déferle au delà de l'orée du bois. Tandis qu'il se défend comme il le peut de ce côté, il pourvoit à constituer une nouvelle ligne qui maintienne à gauche la liaison avec le 1er bataillon du 19ème d'infanterie, se soude à droite à celle que le IIIème bataillon du 51ème (originairement en réserve) a constitué à l'orée nord du bois de Courton, le long de la route qui mène à Nappes. L'occupation du 1/51ème assume ainsi trois fronts qui regardent respectivement le bois "des Éclisses", la vallée de l'Ardre et le ru Parisis (vers Champlat).

Dans une telle situation le bataillon lutte désespérément contre l'adversaire qui le presse de tous les côtés et résiste aussi à l'action des chars d'assaut jusqu'à 6h.30 environ, mais est enfin obligé de céder du terrain et à se replier dans le bois de Courton, mouvement que les deux compagnies de mitrailleuses en position le long de la route Nappes/Chaumuzy sont obligées de suivre pour ne pas être prises à revers par l'ennemi.

Simultanément à l'attaque du bois "des Éclisses" plus au sud s'amorce l'attaque contre la ligne de surveillance entre Champlat et la ferme Chantereine, occupée par les quatre pelotons et par les sections de mitrailleuses du Ier et IIème Bataillons du 19ème régiment, et là se trouvent également la 9ème compagnie et une section de mitrailleuses du III/19ème.

Les Allemands, ayant surmonté la résistance héroïque de ces éléments, qui se sacrifient sur place, pointent avec décision sur la position de résistance (orée du bois de Courton) attaquant le Ier bataillon du 19ème. La lutte s'enflamme, violente et désespérée de chaque côté, mais ici aussi, la supériorité numérique permet à l'ennemi d'obtenir quelques avantages à l'aile gauche du détachement, avantage dont il profite immédiatement pour s'enfoncer entre le Ier et le IIème bataillon du 19éme.

Le commandant du Régiment se rend compte du péril que court la ligne et tandis qu'il informe le commandant du IIème bataillon de parer au danger qui le menace à droite ordonne au IIIème/19ème (réduit à deux seules compagnies de fusiliers et deux sections de mitrailleuses) de lancer sans faute la contre-attaque. Le bataillon se lance avec courage; il réussit dans un premier temps à endiguer l'attaque de l'ennemi, mais, ensuite, il est obligé de s'accrocher au terrain entre La Neuville et les Haies pour soutenir le choc toujours plus impétueux des assaillants.

Entre-temps le IIème/19ème pressé, toujours sur la droite, est attaqué aussi de front et sur le flanc gauche avec menace d'encerclement de ce côté; au nord le I/19ème subit un sort analogue. L'absence de communications, le terrain brisé et couvert, les multiples pertes font en sorte que la lutte prend bien vite même en ce secteur les caractéristiques d'une série de combats détachés de pelotons et groupes isolés : combats dans lesquels assaillants et attaqués rivalisent en bravoure et ténacité; le nombre finit par s'imposer : vers 7 heures, le commandement du 19ème et les restes de ses bataillons, avec lesquels sont entremêlés des éléments d'artillerie du 10ème se replient sur la deuxième position.

L'adversaire exerce maintenant son effort plus déterminé et impétueux sur le IIème/51ème qui, attaqué de plusieurs côtés, menacé d'encerclement, se défend au prix de très lourdes pertes entre Nappes et Espilly jusque vers 8 heures et ensuite toujours combattant, se replie lui aussi sur la deuxième position. Désormais l'ennemi déferle partout dans la vallée de l'Ardre, appuyé par des chars d'assaut et des automitrailleuses.

Les deux compagnies du IIème bataillon du 20ème d'infanterie qui sont à Marfaux, renforcées par des éléments du régiment, eux-mêmes, repliés de Chaumuzy et par divers éléments rescapés, français et italiens, se rangent entre Marfaux et Espilly, pour s'opposer aux allemands qui avancent le long de la rive gauche de l'Ardre. Il s'agit de quelques unités bouleversées par leurs grandes pertes, qui combattent depuis plusieurs heures et qui, toutefois, animées par un très haut esprit, réussissent à tenir la ligne jusque vers 10 heures; mais, enfin, les rares survivants sont obligés de se replier lentement sur la deuxième position.

A 6h.15, le commandement du Corps d'armée qui, à cause de l'interruption des diverses liaisons n'avait eu jusqu'alors que des nouvelles fragmentaires et contradictoires, comprend la situation et sachant que les bataillons de réserve de la 8ème division avaient été eux aussi impliqués dans le combat, met à la disposition du général Beruto les deux bataillons (IIème et IIIème) du 52ème d'infanterie, réserve du Corps d'armée, avec l'ordre de les employer contre-offensivement.

Le commandant de la 8ème division, à son tour, assigne les deux bataillons l'un au sous-secteur de gauche, l'autre à celui de droite , afin qu'ils soient employés dans la contre-attaque. Le commandement de la Brigade Brescia reçoit, néanmoins, cet ordre seulement après 9 heures à Courton-Ruines où il s'est déplacé : sans communication tant avec les détachements avancés qu'avec le bataillon même du 52ème(II) renonce à l'employer, d'autant plus que la situation est désormais telle que l'intervention est déconseillée.

Des motifs analogues font que le commandement du sous-secteur de droite aussi estime inutile toute action du bataillon placé sous ses ordres. Les deux bataillons du 52ème trouveront ensuite un emploi sur la deuxième position, en ligne avec la 120ème division française.

En généreuse compétition avec l'infanterie, les artilleries italienne et française de la division combattent et se sacrifient. Nonobstant les tirs rendus très difficiles à cause de la complète destruction de toutes liaisons et des difficultés d'observation directe, elles se prodiguent jusqu'à l'extrême pour donner leur appui à l'infanterie. Les batteries du 10ème d'artillerie tirent dans la journée plus de 25.000 obus, dont 3.000 à gaz; le 228ème français "porté" consomme aussi tous ses projectiles. La réaction de l'adversaire est telle que plusieurs pièces de l'un et l'autre régiments sont détruites, presque tous les chevaux de trait sont tués et beaucoup de tracteurs sont irrémédiablement touchés.

En conséquence des progrès allemands dans la zone au sud de l'Ardre, la 8ème division perd aussi l'appui de son artillerie, obligée de se replier en faisant sauter les bouches à feu qui ne peuvent être remorquées en arrière. Les artilleurs restés sans pièces ne renoncent pas à la lutte et, mêlés à l'infanterie, en partagent le sacrifice héroïque. Dans l'ensemble, la 8ème division, si elle ne réussit pas à repousser ou à contenir la charge de l'ennemi supérieur en nombre, en ralentit, toutefois, jusqu'à ses extrêmes possibilités, la fougue irrésistible et la brise avant qu'elle ne s'abatte sur la deuxième position. Les troupes, néanmoins, sont désormais épuisées et désorganisées; le commandement du Corps d'armée, en conséquence, ordonne que les rescapés de la 8ème division soient rassemblés dans la zone de St Imoges pour se réorganiser et se mettre rapidement en mesure d'être employés à nouveau.

Le commandement de la division, à 18 heures, est transféré à Champillon. Reste sur le champ de bataille, à disposition de la 120ème division française le régiment le moins éprouvé, bien qu'il ait subi lui aussi beaucoup de pertes : le 52ème d'infanterie, lequel a son Ier bataillon sur la deuxième position à gauche du 408ème et les IIème et IIIème bataillons en réserve dans le bois de Courton. Avec les rescapés du 10ème d'artillerie de campagne et du 208ème "porté" sont constitués deux groupes : un italien (commandement du II/10ème et sept pièces que le régiment a pu sauver) et un français; ces groupes, placés en position arrière de la deuxième position, et sous la dépendance de la 120ème division française, participeront à toutes les opérations suivantes.

Front de la 3ème division

La 3ème division ne sert pas dans un premier temps de cible à de vraies et dangereuses attaques. Toutefois après 6h.30 sa situation devient inquiétante à la suite des progrès que l'ennemi, qui a dépassé la défense du bois "des Éclisses", a remporté et est en train de remporter dans la vallée de l'Ardre. Le commandement du Corps d'armée ordonne à la troisième division de soutenir la 8ème avec le feu de son artillerie et d'équiper au plus tôt, avec l'infanterie, l'orée du bois du Petit Champ réalisant ainsi les dispositions données le 9 juillet.

Mais même avant de recevoir un tel ordre le général Pittaluga, avisé des événements arrivés à sa gauche, attire à 6 heures environ, l'attention du Commandant du 75ème d'infanterie sur la situation qui se profile de ce côté là et, peu après, il place à sa disposition les IIIème bataillons du 75ème et le IIème du 90ème de sa réserve, car, en cas de besoin, il s'en sert pour défendre la lisière ouest du bois. En même temps il ordonne que le Ier bataillon du 75ème (aile extrême gauche du déploiement divisionnaire) s'il ne réussit à maintenir ses positions dans la vallée de l'Ardre, se replie aux limites ouest des bois d'Hyermont et de Rouvroy.

Le commandement de la division, n'ayant pas à portée de main d'autres troupes disponibles, constitue une nouvelle réserve avec le LXème bataillon génie, auquel il ordonne de se rassembler à la Maisonnette avec deux compagnies mitrailleuses divisionnaires (2095 et 224) qu'il déplace auprès de Courtagnon.

A 7 heures le général Pittaluga ordonne au commandant de la brigade Naples, général Maggia, qui se trouve à Pourcy, d'assumer le commandement de l'aile gauche du déploiement (75ème et IIème bataillon du 90ème). Le général Maggia, en exécution de cet ordre, se rend avant tout à Cuitron, mais ensuite informé que Marfaux est aux mains de l'ennemi, déplace son commandement à la Maisonnette. Entre-temps le Ier bataillon du 75ème, qui a cherché en vain la liaison avec la 8ème division décide de replier sa compagnie de l'extrême gauche vers le bois de Hyermont, front de l'Ardre, envoyant une patrouille sur la rive gauche de la rivière avec la mission de rechercher la liaison.

Peu après 9 heures se précise une forte pression ennemie sur les bataillons du 75ème. Des pelotons ennemis avec mitrailleuses rejoignent le côté du bois de Rouvroy, tandis que des patrouilles de cavalerie sont signalées près de Marfaux. Vers 10 heures, les Allemands commencent à remonter le bois du Petit-Champ pressant de près tant le Ier bataillon du 75ème, qui, entre-temps, s'est replié sur le bois de Hyermont, que le IIIème bataillon du même régiment qui, à son tour, s'est retiré le long des pentes sud-ouest du bois. Le commandant du 75ème, devant la gravité des pertes que son régiment subit et de peur d'être encerclé par l'ennemi, ordonne vers 11 heures le repli en direction de la Ferme d'Ecueil, et ordonne que la 8ème batterie du 10ème d'artillerie, placée en position avancée dans le bois de Rouvroy et dans l'impossibilité de se replier, fasse sauter ses pièces.

A l'aile droite de la division, la brigade Salerno (89ème et 90ème) a repoussé, dans un premier temps, quelques patrouilles ennemies, qui s'étaient approchées de ses avant-postes; successivement, vers 8 heures, le 90ème d'infanterie a fait retirer sur la position de résistance la compagnie avancée du 3ème bataillon, se limitant à laisser en avant-postes quelques patrouilles dans le bois de la Vallotte et près de Ste Euphraise, et un peloton sur la route de Reims.

Peu après 9 heures, d'importantes patrouilles ennemies, dont la force d'ensemble est évaluée à environ un bataillon, attaquent la gauche du Ier bataillon. du 89ème chargé de la défense du bois de Vrigny. Quelques infiltrations ennemies se vérifient de ce côté, mais une rapide contre-attaque rétablit la situation. Le commandant de la brigade, général Giri, qui entre-temps a reçu la nouvelle que l'ennemi se rapproche dans le bois d'Hyermont, ordonne au 90ème d'infanterie d'assurer à tout prix la liaison avec le 75ème.

A cette fin le commandant du 90ème , envoie des patrouilles sur sa gauche mais vers 11 heures elles lui apprennent que le 75ème s'est replié sur des positions plus en arrière. Pour couvrir le flanc exposé, le commandant place le troisième détachement sapeurs, avec front à l'ouest vers le bois de Rouvroy et demande au commandement de brigade l'autorisation de se replier avec toute sa gauche, autorisation que le général Giri n'accorde pas, car il est informé que le 75ème régiment a reçu l'ordre de reprendre les positions primitives.

A l'extrême droite, entre-temps, les forces ennemies sont en train de s'entasser et à plusieurs reprises tentent de pénétrer dans le bois de Vrigny. A 14 heures, s'annonce une attaque particulièrement violente sur le front occupé par le IIème bataillon du 89ème qui réussit toutefois promptement et de façon sanglante à briser la tentative adverse.

Toutefois, bien que la 3ème division maintienne intégralement la majeure partie de sa ligne, la situation dans son secteur devient d'heure en heure plus difficile. Le repli du 75ème régiment, créant un vide entre les positions tenues par la brigade Salerno et la deuxième position, a, en effet, mis en péril le déploiement des troupes sur la ligne de résistance et d'une partie de l'artillerie divisionnaire. Le Ier groupe du 4ème régiment d'artillerie de campagne et le IIIème du 228ème ont déjà été contraint de se replier, se transférant : le premier près de Courtagnon, le deuxième dans la zone à deux km. au nord de Nanteuil.

Le groupe du 228ème passe sous la dépendance de la 120ème division. Le commandement du deuxième Corps, mis au courant des événements par le général Pittaluga, ordonne à la 3ème division de contre-attaquer dans la vallée de l'Ardre et à la 120ème d'appuyer l'action avec son aile droite par le bois de Pourcy.

Mais le 75ème, qui s'est replié à travers le terrain brisé et couvert, de façon épaisse, par le bois du Petit-Champ a ses détachements entremêlés et épuisés par la fatigue et les pertes, ne peut pas développer l'attaque, qui, entre autre, ne s'annonce pas facile, car l'ennemi s'est déjà établi avec des forces considérables sur la lisière du bois.

Le général Pittaluga, alors, avec l'autorisation du général Albricci, décide de replier les détachements de gauche de la Salerno, les faisant occuper la chaîne vallonnée à l'est du vallon de Courmas, les soudant avec la Napoli sur la deuxième position. A 14 heures environ, le commandement de la 3ème division donne les ordres pour la réalisation du mouvement. La conversion difficile , pivot à droite, est exécutée avec ordre nonobstant le tir violent de l'adversaire qui s'est aperçu du mouvement. Le 75ème, qui entre-temps a été réorganisé, est conduit en ligne entre le 90ème (à droite) et le 76ème sur la deuxième position (à gauche); le LXème bataillon de génie est placé en réserve du régiment, derrière sa gauche (bois de Maître Jean).

A 16 heures, le nouveau déploiement était le suivant: de la lisière du bois de Vrigny par celle des Grands Savarts jusqu'à Ourézy tenaient la ligne, du nord au sud, le IIème bataillon du 89ème, le Ier du 90ème et le IIIème du 89ème , de Ourézy jusqu'à la hauteur de Courmas étaient disposés le IIIème et le IIème bataillon du 90ème, de Courmas à la deuxième position se trouvait le 75ème infanterie avec LXème bataillon de génie en réserve. A disposition de la Brigade Napoli la division mettait aussi le Ier bataillon du 86ème régiment français, placé dans le bois de Fourches. La crise était, donc, surmontée et la ligne rétablie sur des positions nouvelles, favorables pour une défense efficace.

Les IIème et du IIIème groupes du 4ème d'artillerie s'étaient déplacés et avaient pris position près de la ferme d'Ecueil.

Le premier groupe du 212ème régiment d'artillerie de campagne était passé sous la dépendance de la 2ème division coloniale. La 3ème division qui, comme on l'a vu, avait cédé aussi le IIIème/228ème d'artillerie à la 120ème division, avait ainsi renoncé à toute l'artillerie de campagne française, qui lui avait été assignée en renfort.

Front de la 120ème division française

Le commandement du Corps d'armée, ayant connu les événements arrivés à la 8ème division, et en ayant prévu le repli, avait ordonné à la 120ème division de serrer le contact à gauche avec les troupes du Vème corps et dans ce but avait mis à sa disposition le IIème détachement d'assaut, tandis qu'il avait fait déplacer de Courtagnon à Nanteuil le Ier bataillon du 76ème, autorisant le général Mordacq à l'engager en cas de nécessité.

L'ennemi, pénétrant péniblement à travers les brèches créées dans la ligne tenue par la 8ème division, avait poussé ses éléments les plus avancés vers la deuxième position sur laquelle il avait concentré le tir de son artillerie, toujours plus intense.

Après 11 heures, c'est -à - dire après que la lutte se soit étendue, même, au front tenu par la 3ème division, la pression ennemie contre la lisière nord du bois de Courton se manifestait particulièrement dangereuse.

Le général Albricci, pour garantir l'intégrité de la deuxième position, mettait à la disposition du général Mordacq les IIème et IIIème bataillons du 52ème et deux compagnies de mitrailleuses du Corps d'armée.

Le commandant de la 120ème division, à son tour, décidait le transfert de la réserve vers l'aile gauche de son déploiement; en conséquence le Ier bataillon du 38ème français se portait au bois de Sarbruge; le IIIème du 38ème à la limite N.O. du bois au nord de Nanteuil, envoyant une compagnie et un peloton mitrailleurs derrière Pourcy, au point de liaison entre le 408ème et le 86ème français.

Le commandant du 52ème d'infanterie, avec les IIème et IIIème bataillon, se plaçait derrière le 408ème aux ordres du commandant de ce régiment; le détachement d'assaut, au dos et soutien du Ier/52ème, et Ier/76ème à Courton Ruines.

A 16h.30 le bombardement ennemi, qui avait baissé, reprenait très violent contre les défenses dans le bois de Courton, que l'ennemi essaye à plusieurs reprises de dépasser. Maintes fois des groupes ennemis avec mitrailleuses arrivent jusqu'au poste de commandement du IIème bataillon du 408ème français, mais de rapides et violentes contre-attaques rétablissent la ligne.

La liaison avec les Sénégalais du Vème Corps, plusieurs fois sérieusement compromise pendant la journée, est à la fin rompue et semble définitivement brisée : une brillante attaque du IIème détachement d'assaut en direction de la Neuville-aux-Larris réussit, après une lutte acharnée et avec de nombreuses pertes, à la rétablir solidement.

Tout effort s'étant révélé vain contre le bois de Courton, l'infanterie allemande, rudement éprouvée par des pertes très graves, s'arrête. Mais le tir de l'artillerie continue intermittent, le soir et dans la nuit, avec des reprises plus ou moins violentes contre les troupes en ligne, les positions des batteries, les postes de commandement et les routes principales de communication. Les troupes et les commandements, toutefois, ont la sensation évidente que l'ennemi, fatigué et désorienté, a besoin d'une pause pour organiser une nouvelle attaque.

Le commandement de la 5éme armée, en application des dispositions contenues dans le plan de défense, modifia les zones de compétence des Corps d'armées sur la deuxième position. En vertu d'un tel changement la zone assignée au IIème Corps d'armée vint, dans le tronçon au nord de la Marne, à être plutôt à l'est de celle qui lui avait été confiée précédemment, tandis qu'au sud du fleuve, elle tournait vers l'est décrivant un ample demi-cercle. Ainsi passèrent au Vème Corps les villages de Cumières, Ay et Epernay.

Au sujet des opérations en cours l'armée ordonna que les positions occupées fussent maintenues à tout prix; même un seul pouce de terrain ne fût pas perdu et les troupes devaient se tenir prêtes à s'engager avec le maximum d'énergie pour reconquérir le terrain qui encore devrait être momentanément dégagé. Il ajoutait que l'ennemi devait être au plus tôt chassé de tous les points de la position de résistance sur lesquels il avait pu mettre pied et que c'était le devoir des Corps d'armée de faire effectuer les nécessaires contre-attaques desquelles seulement on pouvait espérer des résultats vraiment fructueux.

Tandis qu'il ordonnait qu'au sud de la Marne fussent effectuées, le lendemain, 16, des attaques qui pouvaient réduire le saillant créé là par l'ennemi; il précisait que cet effort fut puissamment secondé par des attaques simultanées de toutes les autres unités en ligne. "Seule une attitude décidément agressive peut - concluait le général Berthelot - arrêter définitivement la progression de l'ennemi lui infligeant de graves pertes et agissant sur son moral".

En suite, le commandement de la 5ème armée mit à la disposition du général Albricci la 14ème division, afin que, à 5 heures le 16, elle fût alignée sur la gauche de la 120ème, de façon à permettre au Vème Corps de récupérer les éléments de sa 7ème division placées de ce côté-là et prêts à renforcer la liaison entre le IIème et le Vème Corps.

Dans l'ensemble la situation de notre Corps d'armée, le soir du premier jour de l'offensive allemande, se présentait sérieuse mais non compromise. Sur la droite, la 3ème division avait subi de nombreuses pertes, mais elle était encore solide et de bonne efficacité. Tout en ayant abandonné une partie de la position de résistance, elle en maintenait le tronçon le plus délicat et sensible, la fortification de Vrigny et occupait une nouvelle position sur laquelle elle était prête à arrêter tout autre progression de l'ennemi.

A l'aile gauche, la 8ème division avait enregistré de telles pertes qu'elle ne pouvait être employée ultérieurement, mais son sang généreux n'avait pas été dépensé en vain s'il avait brisé l'attaque de l'ennemi, qui, convaincu le matin de dépasser facilement la défense, était arrivé, le soir, épuisé et désappointé avec des éléments de faible capacité offensive devant à une position sur laquelle les Français (120ème division) et Italiens (76ème et 52ème d'infanterie, IIème détachement d'assaut et deux compagnies de mitrailleuses du C.A.) étaient prêts et bien décidés à l'empêcher d'atteindre d'autres objectifs.

Les artilleries française et italienne avaient rivalisé en héroïsme et prouesses : celle de la 8ème division avaient été, dans ce sublime effort de défense, presque complètement perdue; celle de la 3ème division avaient subi des pertes très graves en hommes et en moyens, mais, avec celle également éprouvée durement de la 120ème division, constituaient encore un appui solide à la résistance des fantassins.

L'artillerie lourde, sur ordre du commandement de l'artillerie du Corps d'armée, pendant la journée, avait en temps utile (au bon moment) replié par groupes, les batteries sur des positions en arrière, prédésignées, pour la défense de la deuxième position. Bien qu'on ait fait sauter des pièces de 155 et malgré les pertes subies en hommes et matériels, on peut dire que l'artillerie lourde, même si elle s'était dépensée dans toutes les phases de la bataille, était encore d'une bonne efficacité.

Pour mieux garantir l'intégrité de la deuxième position arriva en renfort opportun la 14ème division française. Commandements et troupes pouvaient donc attendre avec confiance l'inévitable nouvel effort ennemi contre les lignes confiées à leur valeur.

La 14ème division, le 14 juillet, de la région de Conty s'était dirigée en Champagne. Le 15 au matin, tandis que son artillerie - le train laissé à Fère-Champenoise et Vertus - se concentraient à Cramant et une partie de son infanterie débarquait dans la région au sud de Châlons, reçut soudain l'ordre de faire poursuivre vers la zone au sud-est d'Epernay les éléments encore sur le train et d'acheminer avec des camions les détachements d'infanterie, déjà débarqués à Châlons, dans la zone de Moussy, où devait se rassembler la division entière. Tandis que les mouvements étaient en cours pour effectuer ce déplacement un nouvel ordre (22h.40) mettait la 14ème division sous la dépendance du IIème Corps d'armée italien, et précisait que l'infanterie devait être dirigée à Hautvillers.

Quelques éléments (IIIème/44ème et l'État Major de la division) qui entre-temps avaient débarqué à La Veuve et qui n'avaient pas encore rejoint la division, ne furent même pas attendus, et le mouvement commença immédiatement sur deux colonnes : l'une, de droite, constituée des 44ème et 60ème régiments avec itinéraire Mareuil-Dizy - Magenta - Hautvillers et l'autre, formée seulement du 35ème d'infanterie, par la route Epernay - Mardeuil - Cumières - Hautvillers.

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