LE 2ème CORPS D'ARMÉE ITALIEN S'INSTALLE SUR LA MONTAGNE DE REIMS, JUIN, DÉBUT JUILLET 1918

Un énorme travail de traduction a été réalisé par Monsieur Angelo ZAMBON, avec l'aide du Colonel MAGLIOCCHETTI, Attaché Militaire Italien à Paris. Merci, à tous deux, pour ce travail .....

2ème CA ITALIEN EN LIGNE ENTRE VRIGNY ET LA POTERNE

Sur la base des ordres émanant de la 5ème armée la 3ème division se déplaça, entre le 9 et le 10 juin, de la zone au Nord de Châlons à celle d'Epernay. Les troupes à cheval , les convois de ravitaillement et les véhicules exécutèrent le déplacement les 9 et 10 avec leurs propres moyens, sur trois itinéraires distincts et en deux étapes; les troupes à pied, par contre, furent transportées par camions la nuit du 10. Le 9 les commandants de régiment, de bataillon et de groupe exécutèrent les reconnaissances des positions auxquelles étaient destinés les détachements respectifs. Les nuits du 11, 12 et 13 la division italienne prit la relève de la 28ème division française et des troupes de la 154ème division qui la renforçait.

Le secteur assumé, dénommé de Nanteuil, s'étendait du bois de Vrigny ( à droite) , où était fixée la liaison avec la 2ème division coloniale (IC.A.C.F.) à l'Ardre ( à gauche) , où le secteur se soudait à la 19ème division anglaise (VC. A.F.). Le secteur était réparti en trois sous secteurs; en chacun d'eux se rangea un des régiments : 75ème, 76ème, et 90ème d'infanterie, prenant position avec deux bataillons en première ligne et en gardant un de renfort. Le 89ème d'infanterie et le commandement de la brigade Salerno constituèrent la réserve de la division.

Le Général Pittaluga, à 8 heures le 12 juin, assuma le commandement des troupes en ligne et, le même jour, à 12 heures, le Général Albricci prit le commandement du secteur.

La 8ème division, entre-temps, était remplacée (dans les nuits du 12, 13 et 14), dans le secteur de l'Aire par la 157ème division française et se déplaçait, cantonnant, dans la zone autour d'Auzéville.

Par la suite elle aussi se transféra dans la zone d'Epernay. Le mouvement, exécuté avec des camions pour les troupes à pied et avec ses propres moyens par les troupes montées, pour les convois de ravitaillement par véhicule, commença le 14 et se termina le 18 juin. Dans les nuits du 17,18 et 19 les infanteries de la division entrèrent en ligne, à gauche de la 3ème division, remplaçant, entre le bois de Bligny et le village de Champlat l'infanterie de la 19ème division anglaise et un bataillon de troupes à l'aile droite du V corps (général Pellé), avec lequel, par la suite, ils restèrent en liaison. La 8ème division plaça cinq bataillons en première ligne, quatre de renfort, et un régiment (le 20ème) en réserve.

Le général Beruto assuma le commandement du secteur le 19 juin, à 8 heures, et à la même date et heure le général Albricci étendit aussi son commandement à la zone occupée par la 8ème division. En conformité aux dispositions prises par le commandant de la 5ème armée et à la suite des accords entre les généraux Pellé et Albricci, dans la nuit du 20, un bataillon du 19ème régiment d'infanterie remplaça un bataillon français à Champlat, étendant ainsi l'occupation de l'aile gauche de la 8ème division jusqu'au fossé au nord-ouest du village.

Tout le secteur occupé par le IIème corps, était d'environ 12 km., ainsi délimité :

à l'est , par la ligne : sentier qui de la cote. 211 (nord-ouest de Vrigny) va au carrefour de la cote 202 - carrefour de la Carbonnerie - sentier qui de la Carbonnerie va au carrefour de la cote 172 en passant par la ferme de Rupion - par la ferme Heurtebise - sentier qui de la ferme Heurtebise va à la cote 257 (500m à l'ouest de la maison de fermiers d'Ecueil) - marge sud-est du bois de Pourcy - cote 224 (300m au nord de la maison de fermiers de Courtagnon) - limite sud du bois de Mouchenot - petit chemin, qui de la cote 233 va à la route de Nogent-Cadran- étang du Pt.L. Maupas - Mutigny - Mareuil sur Marne;

à l'ouest de la ligne: butée du fossé nord-ouest de Champlat - La Neuville-aux-Larris - carrefour 1 km. au nord-est de Charmoise - marge ouest des bois de Nanteuil et de Fleury - Fleury-la-Rivière - Raday - route de Raday à Cumières.

En profondeur le territoire attribué à nos troupes s'étendait jusqu'au sud de la Marne; par conséquent, en plus de la tâche principale de la défense des lignes occupées par les divisions, le corps d'armée avait aussi celle de pourvoir à la défense éventuelle des ponts sur la Marne et sur le canal d'Ay pour la partie comprise entre Cumières et Ay.

Dans l'ensemble, donc, le IIème corps avait été désigné pour défendre une partie de la front orientale de la poche de Château-Tierry, que l'offensive allemande de mai-juin avait créée entre Reims et Soissons, dans les positions françaises; sur ce front les Allemands barraient, à la hauteur de Bligny, front au nord-ouest, la vallée de l'Ardre. Cette vallée destinée à devenir le théâtre de sanglants combats dans lesquels la valeur de nos troupes devait s'affirmer, est comprise entre deux chaînes vallonnées d'aspect très doux qui se détachent de la montagne de Reims, d'un relief modeste qui s'élève, entre Marne et Vesle, au Sud de la ville historique.

La vallée se déroule du sud-est au nord-ouest, plutôt profonde dans sa première partie, large et plutôt plate après Sarcy. Sur son fond il y a une bonne route qui, à travers les nombreux villages qui la peuplent, relie Fismes, dans la vallée de la Vesle, avec Epernay sur Marne. Tandis que le fond de la vallée était généralement cultivé de céréales, les côtes étaient en général couvertes, en bas, de vignobles et, en haut, de-ci de-là couronnées de bois, plus ou moins denses, d'arbres de haute futaie.

Les positions confiées au IIème corps défendaient l'entrée à Epernay, couvraient le flanc sud-occidental de Reims et les communications Epernay-Reims et Epernay-Châlons. Positions sans doute très importantes et que, non à tort, le général Albricci déclara "une des portes sacrées de la France", mais qui dans l'ensemble n'étaient pas trop favorables pour l'efficacité des lignes. A droite (Vrigny) s'appuyaient aux défenses de Reims, qui, attaquées de près par les Allemands sur deux côtés, étaient, pour cette raison, particulièrement sensibles à un éventuel recul dans la vallée de l'Ardre qui, en découvrant le flanc occidental, en aurait irrémédiablement compromis la défense Ces positions étaient de faible profondeur, car elles avaient dans le dos, et à distance rapprochée, la Marne, obstacle naturel imposant et voie de communication très importante vers Châlons d'une part et Paris de l'autre; ayant, enfin, un point naturellement faible : la liaison avec le Vème corps, rendue encore plus délicate étant établie dans la zone comprenant les voies d'accès les plus faciles d'accès au noeud routier et ferroviaire d'Epernay.

Comme nous l'avons dit, les lignes confiées aux troupes italiennes étaient celles sur lesquelles, à l'ouest de Reims, les Franco-Anglais s'étaient arrêtés à la fin de l'offensive allemande de mai-juin; elles avaient donc sur quelques parties un tracé peu favorable et, sur toute leur longueur, une consistance médiocre à cause d'une absence presque totale de travaux.

Selon les plans de défense et les consignes reçues, l'aménagement du secteur aurait du comprendre: une " première position" ou " position de résistance", précédée pour quelques portions par une " ligne d'observation" (avant-postes); une " position intermédiaire" ou " des réduits", destinée à protéger aussi le déploiement d'artilleries et, finalement, une " deuxième position" et une "troisième position". Les différentes positions auraient du être reliées entre elles par des transversales (bretelles), qui, en cas de rupture du front, devaient servir à créer des compartiments étanches capables de contenir les infiltrations ennemies.

Puisque , presque rien n'existait d'une telle organisation , le commandement du corps d'armée, aussitôt assumé le commandement du secteur confié, donna des ordres et des instructions à propos des critères de défense à adopter et des travaux à effectuer pour être au plus tôt en mesure de résister victorieusement à l'offensive que certainement l'ennemi n'allait pas tarder à lancer pour tirer avantage des succès déjà obtenus vers Château-Thierry dans la bataille précédente.

Le général Albricci, le 16 juin, ayant posé tout d'abord que la tâche confiée aux troupes en ligne était celle de barrer le passage à l'ennemi en défendant jusqu'à l'extrême limite la première position et en portant tous les efforts pour la reprendre, dans le cas ou on aurait été obligés de l'évacuer complètement ou en partie, ordonnait que l'installation de défense fût pour le moment organisée sur deux zones :

première zone - à défendre à outrance - devait être précédée par une ligne de surveillance et devait comprendre dans son tracé le bois de Vrigny, la falaise qui descend vers Ste Euphraise, le bois de la Vallotte (saillant ouest), la pointe nord du bois de Dix-Hommes, le village de Bligny, la falaise qui monte à la Montagne et la Montagne de Bligny, la pente occidentale du bois "des Eclisses" et le village de Champlat.

deuxième zone, plus en arrière (à occuper seulement dans le cas où l'on fût obligé d'abandonner la première, suite à un ordre supérieur), de cette zone devaient faire partie les positions suivantes: bois d'Ecueil, la partie nord-occidentale du bois de Pourcy, l'éperon au nord de Pourcy (versant occidental du ruisseau qui descend à Pourcy), éperon de Bullin et de la cote. 265 du bois de Courton.

Il était ordonné la constitution de zones ou bandes profondes, avec des éléments détachés, disposés, dans chaque bande, grossièrement en échiquier, sur deux ou plusieurs lignes irrégulières, adaptées aux formes du terrain, de façon qu'elles puissent réciproquement se soutenir avec le feu. Les différents éléments de la défense devaient être tous entourés d'une bande continue de fil de fer barbelé, si possible multiple, qui devait couvrir tout le système.

Aux travaux sur la première zone étaient affectées des troupes de ligne, à la seconde les régiments de réserve; les routes étaient confiées à l'oeuvre du commandement du génie du corps d'armée. Les bois devaient être organisés de façon à constituer des obstacles actifs là où, pour leur conformation, il était possible de les utiliser comme tels (angles creux, débouchés de layons, etc.); pour le reste, comme obstacles absolument passifs, en faisant des enchevêtrements de barbelés avec des abattages très denses. Le commandement du corps d'armée donnait enfin des ordres pour la disposition de l'artillerie, pour l'organisation du tir antiaérien, même des mitrailleuses, et pour la suite des travaux et leur camouflage.

Désirant une efficacité maximale pour l'aménagement des deux bandes de défense, il suspendait en un premier temps (16 juin) les travaux pour la création des "bretelles".

Ensuite, le 20 juin, il déterminait que, dans un deuxième temps, c'est-à-dire quand les commandants de division auraient jugé suffisante la consistance atteinte par la première et la deuxième ligne, il fallait actualiser l'organisation du terrain intermédiaire aux lignes zones, pour protéger l'artillerie, préparer des points de départ pour les contre-attaques des réserves et créer des compartiments étanches, qui pourraient servir à retenir l'ennemi, au moins jusqu'à l'arrivée des réserves.

Avec ces travaux il fallait aussi effectuer ceux nécessaires pour créer, après la deuxième, un bout de la troisième zone en raccordement avec le barrage défensif existant dans le territoire du premier corps colonial.

Les travaux sur les trois principales zones de résistance devaient avoir une consistance supérieure de celles de la zone intermédiaire; les organisations de défense des bords des bois de Rouvroy, du Petit-Champ, de l'Aulnay et de la Passe devaient mettre les garnisons respectives en mesure d'exercer une très efficace action de feu sur l'ennemi qui aurait réussi à remonter la vallée de l'Ardre.

Le 18 juin le commandement du IIème corps partageait le front qui lui avait été assigné et la zone située derrière en un territoire de corps d'armée et en deux secteurs de divisions. Il divisait ces derniers en deux sous-secteurs (premier, ou de droite, deuxième ou de gauche); il définissait les limites des territoires et des secteurs, et donnait les ordres pour l'implantation et le fonctionnement des différents services.

A la suite d'un ordre du commandement de l'armée le IIème corps avait assumé aussi, dès le 16 juin, la défense immédiate des passages sur la Marne compris entre le pont de barques à sud de Ay (inclus) et les ponts de Cumières (exclus). Le 19 juin il avait dû, même, étendre sa compétence aux ports de Cumières.

La défense des ports avait été, au commencement et provisoirement, confiée au I/20ème d'infanterie, aux compagnies de mitrailleuses du corps d'armée 1618ème et 1619ème et à des patrouilles de cavaliers du régiment Lodi. La défense, ensuite, avait été confiée au bataillon complémentaire de la brigade Napoli, à laquelle avaient été laissés en renfort les compagnies de mitrailleuses du corps d'armée et 200 sapeurs du 64ème régiment de marche avaient été affectés aux travaux pour préparer la défense.

Le 22 juin le commandant du IIème corps diffusait son " Plan de défense dans lequel, en cas de repli à sud de la Marne, étaient affectés aux différentes unités et aux différents commandements les itinéraires pour rejoindre le fleuve et les passages sur le fleuve (ponts et passerelles, permanents et occasionnels); étaient données aussi les dispositions pour effectuer le repli, pour la destruction de ponts et passerelles et, enfin, l'organisation initiale de la défense sur la rive gauche.

Sur la base de ces instructions et ordres les commandements des unités veillèrent à leur tour à dresser leurs plans respectifs. Puisque selon les prescriptions de l'armée les ponts devaient être surveillés en permanence et les défenses des différents passages toujours munis d'une garnison, le IIème corps, n'ayant pas d'autres troupes disponibles finit par confier la surveillance et la défense au 64ème régiment. de marche et passa sous sa dépendance les deux compagnies de mitrailleuses du corps d'armée. En même temps, cependant, il demanda au commandement d'armée l'octroi de mitrailleuses de position, de façon à assurer une défense plus efficace et avoir une plus grande disponibilité des troupes mobiles. 48 armes de position furent obtenues, 12 furent envoyées à la défense des positions sur la Marne en remplacement des compagnies des corps d'armée, qui rejoignirent les troupes en réserve dans le bois de Sarbruge; les autres furent reparties parmi les divisions pour leur emploi en ligne dans la défense des fortifications et dans la création de nids intermédiaires.

On augmenta ainsi la puissance de feu des secteurs, lesquels avaient déjà reçu un renforcement considérable d'engins d'artillerie.

En fait, depuis que la 3ème division avait pris en charge la défense du secteur de Nanteuil, avaient été mis à la disposition du commandement d'artillerie du corps d'armée cinq groupes d'artillerie lourde française (24 de 105, trente six de 155) et avaient été laissés, provisoirement sur place trois brigades d'artillerie anglaise : 41ème, 94ème, 95ème (30 canons de 75, 10 de 112, 4 de 120 et 4 de 150). Peu après ces brigades avaient été remplacées par des groupes d'artillerie de campagne français, à traction mécanique et les groupes d'artillerie lourde avaient été portés à six. Après l'entrée en ligne la 8ème division, le C.A. avait eu à sa disposition aussi une section de la 8ème batterie du IV groupe du 85ème régiment d'artillerie lourde de 145, et deux autres groupes de campagne.

Comme nous l'avons indiqué, le critère défensif adopté par le commandement du IIème corps dans ses premières instructions fut celui de la défense à outrance de la "première " position; ce concept, qui venait des ordres préexistants de la 5ème armée, a été confirmé, plusieurs fois, par la suite, par l'armée même. Le 25 juin, en fait, en diffusant une circulaire du général Pétain (commandant des armées), relative à la définition des différentes positions défensives et à la mise au point des fonctions respectives, la 5ème armée pensait que du contenu de la circulaire même il apparaissait clairement qu'il fallait l'interpréter comme applicable exclusivement aux fronts déjà stabilisés définitivement, et ajoutait que, pour ce qui se référait au territoire de sa compétence, elle se réservait d'expliquer, au moment opportun, ce qui aurait dû être la "position de résistance" mais, en attendant, il n'y avait pas " un pouce de terrain à perdre ".

Mais, puisque les corps d'armée, face à une offensive ennemie de grande envergure, n'auraient pas pu défendre une zone d'une profondeur non définie, et précisait qu'eux étaient responsables de la bande de terrain jusqu'à la position Reuil - Pourcy - Chamery - Villers - Allerand - Rilly - Verzenay, sur laquelle il les obligeait de tenir des garnisons de sécurité qui devaient en garantir la possession jusqu'à l'arrivée des divisions de renfort. Par la suite, le 28 juin, envoyant une autre circulaire du même général Pétain concernant le déploiement d'artillerie, il écrivait : " Pour l'heure il s'agit de ne perdre aucune parcelle de terrain, exception faite, bien entendu, pour celui qui n'est tenu que par des postes de surveillance".

De ces principes directeurs s'inspira aussi le plan de défense diffusé par l'armée le même jour 28 juin. Sur la base des prescriptions qu'il contenait le territoire occupé par les troupes dépendantes devait être défendu, coûte que coûte; chaque partie éventuellement perdue devait être reconquise par des contre-attaques immédiates. La lutte devait être conduite sur les positions successives de façon que chacune eût la possibilité de devenir le point de départ de la contre-offensive, dès que l'action ennemie montrât de s'être épuisée contre les organisations de défense d'en face. A la défense coûte que coûte de la première position, donc, furent orientés, même par la suite, les études, les ordres et directives des commandements, ainsi que l'activité de travail des troupes et l 'emploi des réserves.

Le " Plan de défense" que le général Albricci envoya aux détachements dépendants le 8 juillet était aussi basé sur cette prémisse. Ledit plan, qui était, du reste, en parfaite harmonie avec les instructions données le 16 et le 20 juin prévoyait que l'organisation de la défense du corps d'armée comprendrait : une " ligne de surveillance" tenue par des petits postes avec la tâche de prévenir les troupes de la première position des intentions de l'ennemi et de déjouer les attaques par surprise de ses patrouilles; une " première position" : bois de Vrigny - côte qui descend vers Ste Euphraise - bois de la Vallotte (saillant ouest)- Montagne de Bligny - pente occidentale du bois de Pargny - bois des Grands - Savarts - Onrezy - marge nord-ouest du bois de Commetreuil - bois de Hyermont - Moulin Chaumuzy - flancs nord du bois "des Eclisses", qui devait servir de protection à l'artillerie, comme ligne de départ pour les contre-attaques des réserves et, avec des "bretelles", à même de créer les compartiments étanches; une " deuxième position : bois de Maître Jean - pentes occidentales du Pâtis d'Ecueil - moulin de l'Ardre - éperon de Ballin - bois de Courton, à faire tenir par les régiments de réserve et par les troupes supplémentaires.; enfin, " une troisième position" : Sermiers - Courtagnon - Cormoyeux - Romery - pentes occidentales du bois de St Marc, sur laquelle le combat et la défense devaient être portés seulement en cas extrême.

En même temps que l'organisation de la défense avançait, les études et la préparation d'une action offensive étaient menées. Dès le 8 juin, en effet, en conformité avec les directives données à ce propos par le général Foch, le général Pétain avait invité le commandement de la 5ème armée à préparer une offensive en direction générale de Fismes, dans le but de gagner du terrain au nord-ouest de la Montagne de Reims, reportant le front sur la ligne : Germigny - Treslon - Lagery - Aougny - Passy - Grigny. Le général Micheler, commandant de l'armée, avait prévu le plan d'une attaque entre Vesle et Marne, à laquelle auraient dû participer le Vème corps d'armée français, le IIème italien ainsi que le Ier colonial. Mais le projet, jugé trop vaste par rapport aux moyens dont l'armée aurait pu disposer, n'avait pas été approuvé complètement par les autorités supérieures. Le Général Buat qui succéda à Micheler, avait repris les études en les orientant vers une action moins importante.

Le nouveau projet avait été approuvé et le commencement de l'attaque prévu à une date à préciser entre le 25 et le 30 juin. Mais par la suite le général Buat était averti qu'il n'aurait pas pu avoir en temps utile les renforts qu'il avait demandés. Le commandant de la 5 armée dressa, alors, un nouveau plan encore plus réduit, visant, seulement à supprimer le saillant de la ligne de l'ennemi entre le bois de Trotte et celui "des Eclisses" (ordre d'opérations du 26 juin).

Cette opération aurait dû se développer avec deux attaques simultanées et convergeant au sud de Ville-en-Tardenois : l'une effectué par le IIème corps, à droite, en direction générale Champlat, Ville-en-Tardenois, et l'autre par le Vème corps, à gauche, avec direction générale vers le Haut Plateau de côte 250 et, ensuite, vers le nord-nord-est. L'attaque ainsi réalisée aurait réduit l'extension du front de l'armée, supprimé le saillant de la Montagne de Bligny, point faible de notre occupation, et permis l'observation sur les arrières ennemies dans la région Romigny, Ville-en-Tardenois et privé l'adversaire de l'excellent observatoire de côte 250 et, enfin, augmenté la profondeur entre la gauche du déploiement de l'armée et de la Marne.

Dans une note du 28 juin, l'armée mit aussi à l'étude deux opérations particulières à effectuer l'une après l'autre; la première devait commencer 3 ou 4 jours après la conquête des objectifs indiqués dans l'ordre du 26 juin, l'autre à 2 ou 3 jours d'intervalle. Les deux offensives auraient dû viser : l'une confiée au IIème corps d'armée italien et au Ier corps d'armée colonial français, à gagner du terrain devant le haut-plateau de la côte 240, l'autre à effectuer par le Ier corps d'armée colonial français, à dégager les limites occidentales de Reims.

Les études pour des attaques en direction de Aubilly et de Ville en Tardenois avaient déjà commencé de la part de notre IIème corps dés le 19 juin. En effet, à cette date le général Albricci, dès que la 8ème division était montée en ligne dans la vallée de l'Ardre, avait ordonné aux deux divisions de préparer les plans respectifs pour améliorer la situation en face du bois de Benuil et de celui entre La-Croix-Ferlin et les Houleux, pour la 3ème division, et pour l'occupation des pentes descendantes vers Ville-en-Tardenois et Chambrecy, pour la 8ème division.

Les opérations maintenant, décidées par le commandant de l'armée trouvèrent les commandements italiens déjà prêts et il fut possible de les étudier dans les plus menus détails. Les reconnaissances faites, les ordres de détail sont donnés aux différents commandements, sont désignés les emplacements pour l'artillerie affectée en renfort et pour les mitrailleuses, sont préparés les tirs des artilleries, sont placés les hommes et des moyens.

Les préparatifs sont conduits avec la plus grande ardeur et discrétion, presque jusqu'à la veille de la quatrième bataille en Champagne, c'est-à-dire jusqu'à ce que les indices toujours plus convaincants et sûrs d'une prochaine attaque de l'ennemi rendirent nécessaire de consacrer , pour le moment, toutes les énergies au système de défense.

LES COMBATS A LA MONTAGNE DE BLIGNY

(23 JUIN - 3 JUILLET)

PREMIERS INDICES D'UNE OFFENSIVE ENNEMIE

Sur la rive gauche de l'Ardre, à environ une douzaine de kilomètres de sa source, s'élève une hauteur qui, en face du village de Bligny sur la rive opposée, porte le nom de Montagne de Bligny. En réalité il s'agit d'une colline avec une altitude maximum de 197 m., d'un aspect allongé, dernière ramification de la Montagne de Reims en direction de Sarcy. Une colline de faible relief parcourue par la route carrossable Bligny- Chambrecy - Ville-en-Tardenois, qui la sépare du bois " des Eclisses".

Deux vallées la côtoient confluant à Sarcy : celle de l'Ardre à l'est, celle du ruisseau de Ville à l'ouest. A proximité de la côte 197 les deux vallées atteignent 100 mètres, environ, au dessus du niveau de la mer, la Montagne de Bligny s'élève, donc, sur le terrain environnant à, à peine, quatre-vingt-dix mètres. Malgré sa modeste hauteur, la cote représentait un point assez important de notre occupation, tant parce qu'elle constituait un saillant de notre ligne vers l'ennemi, que parce que, dominant les deux versants de l'Ardre, elle aurait été, dans les mains de l'adversaire, un excellent observatoire.

Lorsque nos troupes remplacèrent les troupes britanniques, la ligne avancée sur la Montagne de Bligny était constituée de quelques trous individuels pour tireurs, à peine ébauchés et n'étaient pas protégés de barbelés Cette ligne une direction approximative est-ouest, se déroulait le long du sommet arrondi de la hauteur. Les nôtres avaient tenté d'améliorer cette situation, mais ils n'avaient pu faire que peu de chose ou rien, étant neutralisés par le feu continu de l'ennemi. Des positions environnantes, en effet, les Allemands frappaient aisément non seulement l'étroit sommet de la hauteur, mais aussi les revers de nos occupations discontinues avancées, qu'ils pouvaient surveiller très facilement puisque la côte n'offrait aucune couverture excepté un petit fourré d'arbres au sud du sommet et deux petits bosquets sur le versant occidental.

Dans la nuit du 23 juin, à environ à une heure, le feu de l'artillerie allemande se déchaîna à l'improviste sur toutes les positions que le 51ème régiment d'infanterie tenait entre le bois "les Eclisses" et la vallée de l'Ardre, battant avec une particulière violence, la Montagne de Bligny. Peu après le tir fut allongé et de forts détachements ennemis avancèrent à l'attaque de la côte l'investissant en même temps du nord-ouest, de l'ouest et du nord, pendant que de grosses patrouilles attaquaient le reste du front.

L'attaque, bien qu'inattendue, ne surprit pas les nôtres, qui réagirent tout de suite par le feu des mitrailleuses, des fusils, des grenades à main et avec le barrage d'artillerie.

Toutefois, la 9ème compagnie du 51ème d'infanterie, qui tenait le sommet, tant à cause de la violence du choc de l'ennemi, qu'à cause des pertes subies en officiers et troupe, se retira sur les versant sud-est. Le commandement du 51ème raccourcit alors le barrage, jusqu'à le transformer en tir de destruction sur les positions perdues. Peu après le feu de l'artillerie est allongé à nouveau, la 8ème compagnie pour le versant est, appuyée par l'action de deux pelotons de la 6ème sur le versant sud-est se ruât à la contre-attaque; la lutte continua acharnée jusqu'à l'aube. Au matin du 23, les anciennes positions, déjà occupées par la 9ème compagnie, étaient de nouveau dans nos mains, défendues par la 8ème Compagnie, par deux pelotons de la 6ème et de quelques rescapés de la 9ème; l'ennemi avait réussi à maintenir sur la côte quelques groupes.

Des interrogatoires concordants des prisonniers on réussit à préciser que l'attaque, qui devait être une surprise, tendait à profiter de la situation encore rudimentaire de nos travaux pour s'emparer de la Montagne de Bligny et du bois "des Eclisses". Le premier objectif avait été attaqué par le 351ème régiment allemand avec les bataillons et les compagnies côte à côte et échelonnés en profondeur; le deuxième devait être conquis par le 106ème régiment d'infanterie. Tandis que le bataillon du premier échelon du 361ème régiment avait réussi à porter son attaque jusqu'à nos positions, l'action des détachements restants avait été paralysée avant, et brisée après, par la prompte et efficace intervention de nos batteries de campagne et celles de moyen calibre.

A la tombée de la nuit deux compagnies du détachement d'assaut étaient rapprochées de la ligne de la brigade Alpes, afin qu'elles fussent employées à refouler les éléments allemands restés cachés près de nos lignes et pour déjouer des retours offensifs éventuels de l'ennemi, que les mouvements remarqués dans les lignes adverses faisaient croire comme probables. Vers 23 heures, en effet, après un bref mais violent feu d'artillerie contre nos défenses du bois "Les Eclisses" et sur la Montagne de Bligny, se lance une nouvelle attaque particulièrement acharnée contre la partie de notre ligne qui sillonne le flanc oriental de la montagne, descend à l'Ardre.

La 7ème compagnie du 51ème régiment, qui défend les positions, voit tomber trois de ses quatre officiers et perd du terrain bien qu'opposant une défense acharnée. La prompte arrivée de la 3ème compagnie du régiment, appuyée par une compagnie du détachement d'assaut, réussit à rétablir la situation, même si quelque groupes ennemis restent nichés dans quelques postes avancés, l'adversaire laisse entre nos mains des prisonniers et du matériel.

Les nuits suivantes, de part et d'autre, se développe une vive activité de patrouilles, les nôtres essayent de chasser les infiltrations d'ennemis, tandis que les adversaires cherchent d'affermir et élargir les zones qu'ils occupent. L'artillerie de chaque adversaire se maintient en activité, prête à repousser chaque mouvement de l'infanterie adverse.

La nuit du 29 juin, vers 1 heure, l'ennemi lance une nouvelle attaque contre nos lignes entre la lisière nord-ouest du bois "des Eclisses" et la Montagne de Bligny. La prompte réaction des 5ème et 6ème compagnies du 51ème régiment, qui défendent la ligne, déjoua la tentative. A 4 heures, nouvelle attaque par des détachements encore plus nombreux. La bataille est très violente et se termine par la reconquête, par les nôtres, des positions avancées tombées, dans un premier temps, aux mains de l'ennemi, qui, à la fin, ne garde qu'un des petits bosquets du versant occidental de la Montagne de Bligny.

Pour empêcher que l'occupation ennemie ne se stabilise, et pour relâcher la pression adverse et permettre, ainsi, aux nôtres de s'occuper de l'organisation de la défense de la position, le commandement du IIème corps donne l'ordre à la 8ème division d'effectuer une attaque pour réoccuper complètement la montagne de Bligny. L'action est tentée aux premières heures du 3 juillet. Le Ier détachement "arditi" du 51ème régiment, le IIème et le IIIème du 52ème et la 2ème compagnie du détachement d'assaut, renforcés par des sections lance-flammes constituent la première vague d'assaut; le IIème et le IIIème bataillon du 52ème sont prêts à défendre les positions dès que la reconquête sera réalisée; deux compagnies du Ier bataillon du 51ème sont rapprochées des positions de départ, afin d'en assurer la défense quand elles seront dégarnies des détachements destinés à l'attaque.

A droite et au centre l'action, la première vague réussit pleinement, les positions occupées par les Allemands sont atteintes et dépassées; sur la gauche, par contre, l'ennemi, s'étant aperçu à temps de notre tentative, réussit à arrêter l'assaut par le feu des mitrailleuses qui embusquées et bien cachées, prennent en enfilade les attaquants. Les détachements de renfort, envoyés pour soutenir l'action sont eux aussi arrêtés par le feu.

A trois heures les Allemands lancent une première contre-attaque, à laquelle ils en font suivre d'autres à brefs intervalles conduites avec des forces toujours croissantes. Les nôtres tiennent tant qu'ils peuvent, mais, à la fin, ils sont forcés de céder et de se replier sur les positions de départ. L'ennemi ne ralentit pas sa pression: à 5h.5 - à 5h.17 - à 6h.10 il essaye avec une violence désespérée de faire irruption dans nos positions, mais chaque effort échoue. Le calme revient, enfin, brisé seulement par le crépitement furieux de quelque mitrailleuse.

Le commandement du IIème corps d'armée, en prévision de l'offensive en projet, qui, sous peu, devra être menée avec le concours du Vème corps, estime opportun de suspendre, pour le moment, toute attaque partielle dans le secteur de Bligny; l'adversaire, qui prépare à son tour celle qui sera, ensuite, sa dernière bataille d'attaque considère qu'il vaut mieux donner au secteur un aspect de tranquillité, peut-être avec l'espoir d'assoupir, ainsi, la vigilance de nos troupes et faciliter la surprise sur laquelle il compte pour le bon résultat de la "Friedensturm". Le secteur, par conséquent, bénéficie d'une apparence de complète tranquillité.

Les prisonniers pris pendant les événements relatés, avaient déclaré, au cours des interrogatoires, avoir entendu parler d'un projet d'attaque vers Reims. Des prisonniers capturés en d'autres secteurs et des français évadés ont su que l'ennemi avait remis en état des tronçons entiers de voie ferrée; avait créé de nombreux dépôts de munitions pour l'artillerie et les liquides spéciaux, ils avait augmenté considérablement le nombre des pièces de gros calibre et sur voie ferrée. D'autres sources et de nombreux indices confirment que l'ennemi était en train de préparer un nouveau et important effort, dont le point d'application, a été facile à deviner, serait en Champagne.

Du reste, cette intuition se transforma bientôt en certitude absolue et le 5 juillet, le général Pétain pouvait écrire aux commandements des groupes d'armées du nord et de l'est qu'on attendait "une attaque entre Aisne et Marne visant à faire tomber Reims et à placer la voie ferrée Epernay-Châlons sous le canon ennemi", et par conséquent il leur ordonnait de "articuler leurs réserves de façon à assurer d'abord l'intégrité de la position de résistance et à pouvoir ensuite riposter sur tout le front des armées attaquées".

Sur le front du IIème corps d'armée, entre-temps, des indices ultérieurs qui confirmaient la prochaine offensive allemande ne manquèrent pas. L'activité de l'artillerie ennemie, qui avait été très intense pendant la première moitié de juin, avait, dans son ensemble, remarquablement diminué dans la deuxième quinzaine et s'était encore réduite les premiers jours de juillet, tout en maintenant assez actifs les tirs contre nos avions et nos ballons d'observation.

Même l'activité des patrouilles de l'ennemi s'était ralentie, et se montrait, pourtant, assez vigilante pour empêcher la capture de prisonniers de notre part. On ne notait plus aucun mouvement de jour à l'arrière, d'où, au contraire, la nuit arrivait la rumeur distincte d'un trafic intense. L'aviation adverse, tandis qu'elle se montrait particulièrement agressive pour empêcher les reconnaissances de nos avions, se bornait à survoler nos premières lignes. Des tirs de harcèlement de notre artillerie avaient, ici ou là, provoqué des explosions de dépôts de munitions en confirmant ainsi l'existence et la quantité.

Dans cette situation le nouveau commandant de la 5ème armée, le général Berthelot, pour obéir aux principes de la défense élastique voulue par le général Pétain, publiait, le 7 juillet, de nouvelles directives à propos de la conduite de la défense dans le territoire de sa compétence. Compte tenu que le front de la 5ème armée pouvait désormais être considéré comme stabilisé après une situation de combat il fallait préparer une parfaite organisation défensive, le général Berthelot ordonnait que, tout en restant inchangée la mission générale confiée à l'armée, la tâche de chaque corps d'armée et la conduite qu'ils devaient tenir en cas d'attaque devaient être orientées selon les normes suivantes :

La première ligne "Marne-Bligny-côte 240 à l'ouest de Vrigny", qui selon les prescriptions en vigueur aurait dû être protégée à outrance, devait, dorénavant, être considérée ligne d'avant-postes et en tant que telle tenue seulement par un minimum de forces.

Comme position de résistance à défendre à tout prix et dont les portions éventuellement perdues devaient être reconquises par des contre-attaques immédiates, établissait la ligne suivante, déjà considérée comme "intermédiaire" : "La-Neuville-aux-Larris- lisière ouest du Bois de Courton - Chaumuzy - marge nord-ouest du Bois de Reims- bretelle( à définir)) reliant le Bois de Reims avec la première ligne dans la région de Ste -Euphraise - actuelle première ligne le long des flancs de côte 240". Devant la position de résistance, le bois "des Eclisses" devait être considéré comme un pivot et comme tel occupé et défendu jusqu'au dernier homme, même si encerclé. Derrière la position de résistance, une deuxième position, qui était celle déjà établie comme telle, devait servir comme position d'arrêt et base de départ pour les contre-attaques menées par les réserves de l'armée.

Quant à la répartition des forces, le général Berthelot ordonnait qu'en première ligne devaient être laissés des avant-poste d'une force suffisante pour surveiller l'ennemi et arrêter les attaques partielles; avant-postes qu'on devait faire replier toutefois sur la ligne de résistance en cas d'attaque générale ou sur ordre du commandant de la division. Une garnison spéciale aurait défendu par contre la fortification du bois "des Eclisses". A la défense de la position de résistance aurait concouru le gros des forces d'infanterie; sur la deuxième position on aurait maintenu un noyau spécial, capable d'arrêter l'ennemi, qui aurait réussi à rompre la position de résistance, pendant le temps nécessaire aux réserves d'armée pour accourir et rétablir la situation.

Toute l'artillerie devaient être déplacée derrière la ligne de résistance. Aux commandants de corps d'armée était laissé le soin d'établir dans quels cas devaient être donnés les ordres pour le repliement des avant-postes sur la ligne de résistance. Pour être, toutefois, en mesure de récupérer la première position, dans le cas où l'attaque ennemie qui se serait déjà prononcée ne devait par la suite se développer, l'armée disposait que sur de telle position fussent laissés des détachements de surveillance assez forts pour pouvoir repousser les patrouilles ennemies et signaler l'éventuel regroupement de détachements adversaires devant nos barbelés.

Dans la transmission au IIème corps des ordres précédents , le général Berthelot communiquait que derrière le corps d'armée avait été amenée la 120ème division française, laquelle, dans le cas d'une attaque allemande en forces , aurait été employée à renforcer les troupes italiennes destinées à tenir la deuxième position et à exécuter les contre-attaques nécessaires pour reprendre le terrain éventuellement perdu.

Enfin, à titre de renseignement, il conseillait l'échelonnement en profondeur dans le secteur de chaque division italienne : deux ou trois bataillons sur la première position (ou des avant-postes), y compris la garnison du bois "des Eclisses", sept ou huit bataillons sur la position de résistance; deux ou trois bataillons en deuxième position; ensuite il plaçait directement la 120ème division directement aux ordres du IIème corps d'armée, avec la tâche de défendre avec des détachements italiens la deuxième position.

Pour consolider encore plus la solidarité entre les armées alliées, le général Berthelot ajoutait qu'il estimait avantageux que les bataillons italiens affectés à la deuxième position fussent placés sous les ordres du commandant de la 120ème division (général Mordacq) et deux ou trois bataillons de la 120ème fussent placés aux ordres des commandants de la 3ème et de la 8ème division pour combattre aux côtés des camarades italiens.

Le 8 juillet, le commandement de la 5ème armée communiquait un ordre récapitulatif des différents ordres déjà donnés au sujet du dispositif des corps d'armée dépendants et l'emploi des unités respectives, et décidait que le déploiement prévu fût assumé dans la nuit du 8 au 9 juillet. Le général Albricci recevait les ordres émanant de l'armée le 7 juillet, pendant que chez son commandement était en cours la communication du plan de défense auquel nous avons fait allusion dans le chapitre précèdent. En conséquence le 8 juillet il communiquait aux unités dépendantes que le plan, en harmonie avec les nouveaux ordres des autorités supérieures, aurait dû subir des modifications en ce qui concerne les définitions des positions et l'emploi des forces.

Le même jour il ordonnait que la 8ème division laisse seulement quatre compagnies sur la première ligne qui de l'Ardre, par la Montagne de Bligny, rejoignait le bois "des Eclisses" et quatre compagnies du bois "des Eclisses" , Champlat. Il fixait la force de défense au bois "des Eclisses" en deux bataillons : un de la 8ème division et un de la 120ème division. La 3ème division à son tour devait réduire l'occupation de la ligne avancée seulement à trois bataillons. Il ordonnait que cette ligne ne devait être renforcée en aucun cas; les troupes sur place devaient la défendre à outrance.

Mais aucune contre-attaque ne devait avoir lieu en cas de perte de quelques tronçons de la ligne; exception faite pour le bois "des Eclisses" qui devait constituer une fortification confiée à un commandement unique, responsable de la défense à tout prix, même s'il était encerclé. Il déterminait la position de résistance comme ci-après : bois de Vrigny - région St. Euphraise - lisière nord-ouest du bois de Reims - Chaumuzy - lisière occidentale du bois de Courton - La Neuville-aux-Larris.

Chaque division devait défendre jusqu'à la fin la même position dans les limites du son secteur, engageant graduellement toutes ses forces (neuf bataillons italiens et un français, cédé par la 120éme division). La 120ème division, destinée à tenir la deuxième position et à effectuer les contre-attaques, engageait à sa volonté un bataillon du 52ème et deux du 75ème avec le commandement du régiment, un bataillon du 75ème, le détachement d'assaut et les compagnies mitrailleuses du C.d'A.

Suite à l'ordre du commandement du Corps d'armée, la 3ème, la 8ème et la 120ème division publièrent les dispositions de leur propre compétence. Dans la nuit du 9, furent exécutés les mouvements pour faire assumer à l'infanterie le nouvel échelonnement, et commencèrent ceux de l'artillerie lourde, à laquelle, sur la base des premiers projets avait été donné un déploiement nettement offensif, et ceux pour placer au revers de la deuxième position les batteries du régiment d'artillerie de la 120ème division française.

Le général Albricci, auquel n'avait pas échappé le grand avantage que l'ennemi aurait eu en s'emparant de l'éperon de la Montagne de Bligny - bois des Eclisses - ensellement au nord du bois de Courton, pour pénétrer ensuite, sans aucun doute, dans le bassin Chaumuzy - Marfaux, le 9 juillet attirait l'attention sur de telles possibilités et ordonnait à la 3ème division de tenir prêtes les forces nécessaires pour équiper, face à l'Ardre, l'éperon sur lequel s'élève le bois du Petit-Champ et en garantir la possession sans se laisser déplacer des autres positions, et la 8ème fût en mesure, en n'importe quelle éventualité, de tenir le bois de Courton en se reliant par Espilly à la deuxième position, et en maintenant, sur la gauche, un étroit contact avec le Vème corps français. Avec ces précautions le corps d'armée se mettait en condition de pouvoir constituer, en cas de nécessité, une nouvelle ligne intégrale et puissante dans l'attente des contre-attaques qui auraient beau jeu en partant du demi-cercle bois de Courton - Pourcy - bois du Petit Champ.

Sur ordre de la 5ème armée, dans le but de bloquer l'offensive allemande qui semblait être imminente, et surtout pour contrôler le dispositif défensif préparé et permettre aux commandements et aux détachements de se rendre compte des rôles respectifs et des secteurs d'action, pendant la nuit du 10, avant minuit toute la défense était mise en état d'alerte. L'attaque ne se confirmant pas, ni d'autres indices qui pouvaient la faire présumer imminente, et à 4 heures le 10 juillet les troupes reprirent la "situation de demi-repos".

Le général Berthelot, même dans l'ardeur des préparatifs pour une bataille défensive, n'avait pourtant pas abandonné, ses projets offensifs; le 8 juillet, en effet, il écrivait que les mesures prises pour affronter l'attaque imminente et la valeur des troupes donnaient la certitude que l'attaque adverse serait sans faute arrêtée. Un tel arrêt, ajoutait-il, offrirait l'occasion propice pour passer à une offensive immédiate contre l'ennemi fatigué et désorganisé. Les trois corps d'armée devaient donc se tenir prêts à l'attaque avec tous leurs moyens et engins pour rejoindre, selon l'ordre de l'armée, la ligne : Moulin-le-Comte - Forzy - Aouguy - signal de St Antoine et bois des Limons - Lhéry - bois Terre - Rouge et Tramery - le col au Sud de Treslon - Janvry - Gueux - Thillois - St Brice.

Afin que cette offensive pût, au moment opportun, avoir un commencement immédiat et sans hésitations, il ordonnait à tous les corps d'armée de donner les ordres nécessaires. Le général Albricci, considérant qu'il n'était pas possible de prévoir le déplacement et la situation des forces au moment de passer à une telle contre-offensive, se bornait à communiquer aux commandements les intentions de l'armée, à préciser les limites du secteur dans lequel le corps d'armée aurait opéré et les objectifs à atteindre. Il ordonnait aux troupes et aux commandements de se tenir prêts à l'offensive en tenant compte que son intention était d'avancer avec deux divisions en premier échelon et la troisième en deuxième échelon. Il indiquait, enfin, les routes qu'il avait mises à disposition des deux divisions avancées.

Le 9 juillet, le commandant de la 5ème armée communiquait que, si l'ennemi n'avait pas attaqué avant, il comptait exécuter, vers le 25 juillet, l'opération préparée sur Ville-en-Tardenois.

Le général Albricci, pour compléter les ordres déjà donnés à ce propos en juin, donnait des instructions orales particulières à la 8ème division, la plus intéressée à une telle action, ordonnant au général Beruto de faire exécuter une manoeuvre synthétique avec les cadres, afin d'orienter encore mieux les commandements; le 12 juillet il promulguait les prédispositions à adopter pour faire face pendant l'offensive aux attaques éventuelles. Le même jour, le 12, pour garantir le réapprovisionnement des munitions à l'artillerie pendant un éventuel long et intense bombardement, le commandant du IIème corps demanda et obtint que la dotation des projectiles fût portée de trois à quatre journées de feu. Le matin du 13 juillet le commandant de la 5ème armée en colloque avec le général Albricci, disposa que la densité des troupes sur les lignes avancées fût fortement réduite, tout à l'avantage d'une plus grande disponibilité de moyens pour la défense de la position de résistance et pour que le barrage de l'artillerie fût prédisposé de façon qu'il pût, au commencement de l'attaque allemande, battre les barbelés de la ligne avancée et puis suivre le progrès de l'ennemi jusqu'à se fixer devant la position de résistance.

Le général Albricci, dans une réunion tenue le jour même à Hautvillers, donna verbalement aux commandements les dispositions nécessaires, auxquelles il fit suivre, en confirmation, copie de l'ordre reçu du général Berthelot. Les commandements de la 3ème et de la 8ème division donnèrent leurs propres ordres; celui de la 3ème division disposa, entre autre, qu'afin de réduire au minimum les dommages du bombardement ennemi, la défense à outrance fût reculée sur la ligne: bois de Vrigny - bretelle qui, du bois de Vrigny par le bois des Grands-Savarts, se raccordait à la ligne à l'ouest de Onrézy - bord nord du bois de Commetreuil - bois de Hyermont - Moulin de Chaumuzy.

En outre il ordonna que sur la ligne la plus avancée (bois de Vrigny - bois Ste. Euphraise - Croix - Ferlin) fussent déplacés des groupes de guetteurs avec fonction de pure observation et pour celle de Bligny - Bois de la Vallotte - Ste Euphraise, qu'il appela "de première résistance", demeurassent 4 compagnies. La 8ème division réduisit la garnison de la ligne des avant-postes à trois compagnies seulement. Le jour après il donna des ordres pour le repli, en cas d'attaque, des avant-postes sur la ligne de résistance et pour l'exécution du tir de contre-préparation. La nuit du 14, les dispositions données furent actualisées et les batteries lourdes, qui étaient toujours placées devant la 2ème position furent repliées derrière la même position.

En conformité à un ordre analogue de l'armée, furent rétablies les mesures d'alarme dans l'attente de l'attaque ennemie, que des informations diverses donnaient comme certaine dans la nuit. A propos des tirs d'artillerie, le commandant du 2ème corps le 14 juillet disposa qu'au commencement du bombardement ennemi devait être effectuée la préparation d'une contre offensive complète, d'une durée de 25 minutes, pendant laquelle l'infanterie devait obligatoirement dégager la ligne de surveillance; à la fin cette contre-préparation le tir devait être transporté sur les lignes de vigilance et exécuté par brèves rafales, et, autant que possible, suivant les indications des observateurs spéciaux situés près de la ligne de résistance principale.

Dés qu'étaient repérée l'infanterie ennemie avançant à l'attaque, ou le brouillard artificiel qui en général les devançait, le barrage devait être intensifié, et ensuite raccourci graduellement, jusqu'au devant de notre ligne de résistance, suivant à vue la progression de l'infanterie adverse, ou, si cela n'était pas possible sur la base de critères à fixer précédemment. et basés sur la vitesse normale de progression de la troupe. La demande de ce barrage et de son successif raccourcissement aurait été faite par le signal habituel conventionnel.

Avec une note datée du 14 juillet, la 5ème armée, modifie partiellement ce qu'elle avait ordonné le 7 juillet, définissant les différentes positions défensives de la façon suivante :

- première position ou position d'avant-postes ou position avancée : l'ancienne première position; position intermédiaire ou de résistance : les Mesneux- carrefour - de la Chapelle de St. Lié (ouest de Ville-Dommange) - bois de Reims - Chaumuzy - lisière ouest du bois de Courton - La Neuville-aux-Larris - lisière nord ouest du bois de Rodemat..

- deuxième position ou position de barrage : Chamery - Pourcy - raccourci du bois de Courton - bois de Nanteuil...

- troisième position ou position en arrière : Sermiers - Cormoyeux - Romery - bois de St. Marc....

Il précisait, en outre, que sur la position avancée étaient laissées, en permanence, des forces minimes, exception faite pour les points déjà connus, qui devaient être défendus à outrance; que le corps d'armée coloniale et le IIème corps devaient prendre les accords opportuns à propos de la garnison italo-française à laisser dans le centre de résistance de la côte 240 (Vrigny), situé à la limite entre les deux corps d'armée. "Aucune contre-attaque locale", concluait la note "ne sera déclenchée pour reprendre des éléments de la position avancée. C'est à la contre-offensive menée après l'arrêt de l'ennemi sur la position de résistance qu'il appartiendra de dégager les centres de résistance avancés qui auront poursuivi la lutte en avant de cette position".

Le soir, le IIème corps d'armée décidait que sur les positions de surveillance restassent, même pendant le bombardement, et jusqu'à l'attaque de l'infanterie adverse, quelques petits noyaux munis de fusils et pistolets mitrailleurs avec la tâche d'accueillir avec le feu les premières vagues ennemies et en ralentir l'attaque. Ces patrouilles choisies, autant que possible constituées de volontaires, commandées par des sous-officiers et aussi par quelques officiers, en se retirant auraient lancé des fusées pour avertir que le barrage devait être raccourci.

Les commandements de la 3ème et de la 8ème division se hâtaient de diffuser les nouvelles instructions sur les éléments à laisser sur la ligne de surveillance et leur attitude en cas d'attaque en forces. Entre-temps, dans l'après-midi le général Crépy, commandant l'artillerie de l'armée, dans une conférence tenue au siège du commandement d'artillerie du IIème corps, en présence des généraux commandant l'artillerie des corps d'armée, avait donné les dispositions et les directives pour l'emploi de l'artillerie et contrôlé les plans des tirs de barrage et en particulier ceux préparés pour le feu sur les tronçons de conjonction des corps d'armée.

Dans cette réunion était fixée en principe la règle qu'à cause de la disponibilité limitée de moyens, pendant la préparation et le développement de l'action, les tirs de contrebatterie ne devaient pas s'effectuer de la part des artilleries de corps d'armée et que, pendant la contre-préparation toutes les bouches à feu lourdes devaient être employées en superposition aux barrages des artilleries de campagne.

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