LE 98ème R.I. (25ème D.I.) DANS LA 2ème BATAILLE DE LA MARNE

LES COMBATS A PARTIR DU 25 JUILLET 1918

25 Juillet

La 25ème division est mise à la disposition du 30ème Corps, en vue de relever la 1ère division en ligne, à partir du 26. A 10 heures, le régiment quitte ses cantonnements et en suivant l'itinéraire : Breuil, Cuise-Lamotte, Chelles, Béraigne, Mortefontaine, va cantonner à Soucy.

26 Juillet

Départ de Soucy à 5 heures; la relève doit être effectuée dans la nuit. Le colonel et les cadres des bataillons sont emportés en auto pour prendre contact avec les chefs des éléments à relever avant l'arrivée de la troupe. Le régiment suit l'itinéraire : Puiseux, Beaumont, Longpont. A Louatre et Violaines, les bataillons s'installent au bivouac et se reposent en attendant que l'obscurité permette de se porter en ligne. Quelques obus ennemis surprennent nos hommes dans leur repos et causent plusieurs pertes.

A 19 heures, la marche est reprise et il fait nuit noire quand les compagnies atteignent le Plessier-Huleu où sont nos premières lignes. L'artillerie ennemie tire constamment sur le village; nous avons un tué et dix blessés.

27 Juillet

La relève terminée, la situation est la suivante :

1er bataillon (Le Gouas) occupe la partie nord du Plessier et fait la liaison avec la D.I. de gauche

3ème bataillon (Fontaine) s'organise, la gauche face au bois du Plessier, la droite face à la station de chemin de fer, formant un angle droit

2ème bataillon (Taulier) en réserve de sous secteur dans le bois de la garenne du Plessier.

P. C. du colonel Gaube, à la sortie du village.

Le régiment est établi sur un champ de bataille vieux de deux ou trois jours : des cadavres d'hommes et de chevaux empuantissent l'atmosphère; des canons brisés, des tanks renversés avec des armes de toutes sortes gisent dans les blés mûrs. Le Plessier-Huleu n'est plus qu'une ruine fumante sur laquelle s'acharne encore l'artillerie ennemie. Les bois de la Garenne, où le 2ème bataillon n'a trouvé aucun abri, est sans cesse bombardé. Partout les hommes travaillent fiévreusement à aménager quelques trous qui les abriteront; les entrées des caves hâtivement déblayées ont permis d'y engouffrer le plus possible des fractions en réserve.

28 Juillet

A une heure du matin, la VIème Armée étant signalée comme étant entrée à Fère-en-Tardenois, ordre est donné de pousser immédiatement de fortes reconnaissances pour s'assurer que l'ennemi est toujours devant nous.

La 9ème Compagnie(Chazalet) et une section de la 2ème partent vers 2 heures du matin, la première dans la direction des petits postes, au sud des bois de Saint-Jean, la seconde vers la corne sud de la Garenne-du-Plessier. Reçues à coups de feu de tous côtés, elles se replient et rapportent des renseignements positifs sur les positions de l'ennemi.

L'attaque des positions allemandes a été fixée à 4 heures 10. Le 30ème C. A., dont nous faisons partie, doit enlever les crêtes situées au nord du Grand-Rozoy. La 25ème D. I. est à droite. Sa mission est d'enlever le bois de la Terre-à-l'Or, l'Orme du Grand-Rozoy, la cote 190 et le mamelon coté 205.

Dans la division, le 105ème R.I. doit attaquer le bois de la Terre-à-l'Or et l'Orme du Grand-Rozoy, pendant que le 16ème enlèvera Grand-Rozoy et la cote 205. La mission du 98ème R.I. en réserve est de maintenir la possession du Plessier-Huleu contre toute contre-attaque ennemie partant de l'Est ou du Nord. Au 98ème R.I., la 9ème Compagnie a pour mission d'enlever les postes ennemis signalés sur la voie ferrée au nord de la station ou de les rejeter sur les bois de Saint-Jean en vue de flanc-garder le 105ème pendant l'exécution de son attaque.

La C. M. 2 doit exécuter des tirs à grande portée destinés, pendant la progression de. l'attaque, à harceler les lisières du bois du Plessier.

A 22 heures, deux reconnaissances sortent de nos lignes en vue de s'assurer que l'ennemi est toujours devant nous. La première commandée par le Capitaine Favrot, marche sur la station du Grand-Rozoy; la seconde, sous les ordres du Capitaine Chazalet et fournie par la 9ème Compagnie, sur la voie ferrée.

Reçu par des feux de mitrailleuses dés qu'il approche de la station, le Capitaine Favrot doit faire replier sa troupe. La reconnaissance du Capitaine Chazalet se heurte sur la voie ferrée à un poste ennemi qu'elle attaque : le Sous-Officier qui la commande est capturé pendant que les autres Allemands prennent la fuite. Il est 2 heures quand cette compagnie rentre; elle a juste le temps de prendre quelques instant de repos avant de repartir pour l'attaque.

29 Juillet

L'attaque est déclenchée à 4 heures 10. Elle est précédée d'un préparation courte mais violente d'obus fumigènes et incendiaires sur les lisières du bois du Plessier qui cachent de nombreux nids de mitrailleuses. Cette préparation a eu quelque chose d'infernal, dans le jour qui naît, elle a été comme une vision diabolique admirée silencieusement.

La 9ème Compagnie, à peine reposée, mais mise en bonne forme par la reconnaissance qu'elle a faite et les renseignements qu'elle a obtenus de son prisonnier, progresse par infiltration le long de la voie ferrée, suivie des quatre sections de mitrailleuses de la C. M. 3. Elle se heurte bientôt à des résistances de nids de mitrailleuses qu'elle réduit, et arrive à un blockhaus; elle l'attaque résolument et capture trois officiers et quarante hommes du 24ème Ersatz, avant qu'ils aient pu mettre leurs mitrailleuses lourdes en action.

Les boqueteaux, situés plus au nord, sont garnis de nombreuses mitrailleuses; étant dans l'impossibilité de les atteindre par ses propres moyens, la 9ème Compagnie s'établit en flanc-garde du 105ème R.I., à qui elle se relie. Quelques instants plus tard, l'ennemi tente par une vigoureuse contre-attaque de reprendre ses positions, mais il trouve notre position déjà organisée, nos défenseurs prêts; reçu par des feux bien nourris, il laisse la moitié de son monde sur le terrain pendant que le reste s'enfuit et tombe dans notre barrage qui achève de le disloquer.

A 10 heures. le 2ème Bataillon, qui était en réserve de D. I. au bois de la Garenne, reçoit l'ordre de se porter dans les bases de départ du 105ème R.I.. A 10 heures 30, les reconnaissances du 1er Zouaves se présentent; ce régiment a l'ordre de relever le plus tôt possible le 98ème R.I. sur ses positions, afin qu'il soit remis à la disposition de la 25ème D.I.. Malgré les difficultés que comporte la relève en plein jour et sous le bombardement qui continue, elle est entreprise au fur et à mesure de l'arrivée des unités de Zouaves.

Du côté du 16ème R.I., la lutte a été âpre; après s'être emparé de Grand-Rozoy et de la ligne du G. M. P., ce régiment contre-attaqué rétrograde vers Grand-Rozoy et ses unités se replient à l'ouest de la voie ferrée et au sud de la station. Vers 15 heures, la situation du 16ème R.I., telle que la connaît le Colonel commandant I. D., est embrouillée, incertaine et très critique. I1 y a lieu de craindre que maîtres de Grand-Rozoy, les Allemands ne poussent leur contre-attaque plus à l'ouest.

Sur la proposition du Lieutenant-Colonel Gaube, le colonel commandant I. D. 25 ordonne les dispositions suivantes :

"Le 98ème R.I. prendra immédiatement, avec ses bataillons disponibles, une position défensive à l'est de la voie ferrée, entre la station de Grand-Rozoy et celle de Plessier-Huleu, de manière à couvrir le ralliement du 16ème R.I. et à refaire une ligne de défense continue entre le 105ème à gauche, et la division anglaise à droite. Prenant ensuite cette ligne pour base de départ, le régiment exécutera une contre-attaque en vue de reprendre Grand-Rozoy."

Le 2ème Bataillon qui était en route pour l'exécution de l'ordre reçu à 10 heures et le 1er Bataillon, dont les unités sont déjà relevées, étant immédiatement disponibles, le Lieutenant-Colonel Gaube leur envoie ses ordres, et pour en hâter l'exécution, il les fait porter par le Commandant d'Humières et le Capitaine Puech, ses adjoints. Il est environ 20 heures quand l'ensemble des mouvements prévus par ces derniers ordres a pu recevoir complète satisfaction. C'est alors trop tard pour pouvoir monter une contre-attaque sur Grand-Rozoy; les ordres sont donnés pour qu'elle soit préparée au cours de la nuit, par des reconnaissances sur toutes les lisières du village.

Le 2ème Bataillon et le 1er sont en ligne; le 3ème en réserve dans les bois au sud de la station de Plessier. Le P. C. du Colonel est la cote 148. Cette journée nous a coûté : 15 tués et 70 blessés.

30 Juillet

Au cours de la nuit, le 2ème Bataillon a dirigé des reconnaissances vigoureuses sur les lisières de Grand-Rozoy. L'une d'elles, formée d'une section de la 5ème Compagnie et d'une section de mitrailleuses, sous les ordres du Sous-Lieutenant Leclerc, favorisée par la brume, a pu approcher du village et arriver jusqu'au château.

A ce moment, elle est aperçue par un avion allemand qui donne l'alerte en l'attaquant à la mitrailleuse. Le Sous-Lieutenant Leclerc s'efforce de faire gagner du terrain à sa troupe, mais il se heurte bientôt à des mitrailleuses embusquées aux abords de l'église. Par une habile manoeuvre combinée de ses Hommes et de la mitrailleuse qui l'appuie, il parvient à déborder les défenseurs qu'il contraint à se replier.

Il prend aussitôt position sur la lisière est du village et y installe des mitrailleuses. La nouvelle très importante est transmise sans retard au Commandement.

Le Sous-Lieutenant Leclerc a donné de ce combat une description qui mérite d'être reproduite in extenso. Elle montre les résultats que peut obtenir une petite troupe bien instruite et activement conduite.

"Dans la nuit du 29 au 30 Juillet, le 2ème Bataillon occupe une ligne nord-sud, à 200 mètres environ de la lisière Ouest du Grand-Rozoy. Une patrouille de la 5ème Compagnie qui a opéré toute la nuit, rend compte, à 2 heures du matin, que le village ne semble pas occupé par l'ennemi.

Le 30, à 6 heures du matin, le bataillon reçoit l'ordre de s'établir aux lisières nord et est du Grand-Rozoy et de se lier avec le 105ème R.I. à Gauche et la D.I. Britannique à droite. La 6ème Compagnie doit progresser dans le village pour s'établir aux lisières face au nord-est, la droite appuyée à la route de Grand-Rozoy-Beugneux. La section Epaud de la C. M. 2 lui est adjointe. La 5ème Compagnie doit progresser à droite de la 6ème et au sud de la route.

La progression de la 6ème Compagnie se fait de la façon suivante : section de tête : section Leclerc avec une patrouille de couverture de quatre hommes dont un F.M., commandée par le caporal Perrigaux. Les trois autres sections doivent marcher à environ deux cents mètres de la section de tête. Une épaisse brume semble favoriser l'infiltration, mais le soleil commence à la dissiper et un avion allemand vole à une très faible altitude. On peut cependant échapper à ses investigations jusqu'au château. Tout marche à merveille; pas âme qui vive, pas un coup de fusil, pas un coup de canon.

Mais la compagnie est aperçue en débouchant du parc du château par l'avion boche qui donne l'alarme en tirant de nombreux coups de mitrailleuses sur la section Leclerc.

L'idée prédominante est alors de gagner la lisière est du village, le plus rapidement possible afin que les Allemands, s'il y en a, n'aient pas le temps de se mettre. sur leurs gardes.

La patrouille de couverture arrivant à environ cinquante mètres de l'église, le sous-lieutenant Leclerc se porte vers elle pour l'aiguiller vers les lisières nord-est du village que sa section doit occuper. A cet endroit se trouve une petite éclaircie entre les maisons et à droite un jardin entouré de murs ébréchés par le bombardement.

Tout à coup la patrouille reçoit une salve de balles d'une mitraillette qui est aussitôt repérée avec un groupe d'environ dix hommes dans la tranchée du G. M. P., au nord de l'église. La patrouille s'abrite momentanément derrière les murs du jardin dont il a été parlé plus haut. Le sous-lieutenant Leclerc, voulant s'assurer qu'il n'y a personne dans le jardin, aperçoit un Boche qui regarde tirer ses camarades; il l'abat de deux coups de revolver.

L'ordre est donné à la patrouille de tête de s'infiltrer par la gauche de l'église et de s'assurer de l'occupation des alentours. Pendant ce temps, la section de tête arrive à l'endroit où les premiers coups de feu avaient été tirés. La patrouille n'a pas fait trente mètres qu'une nouvelle mitraillette se révèle derrière le mur entourant l'église. Donc les lisières nord et est du village sont gardées à partir de cent mètres au sud de l'église et la partie du village à l'est de l'église est occupée.

De l'examen du terrain et des moyens dont dispose l'ennemi, il résulte que toute progression à gauche de l'église paraît impossible avec les moyens dont nous disposons. Au contraire, par la droite, une infiltration pourrait se faire à travers les potagers coupés de petites haies et la progression pourrait être masquée vers l'est, au début, par un grand hangar en toile. A ce moment le sous-lieutenant Epaud, de la C. M. 2, qui a entendu la fusillade, vient pour se rendre compte de ce qui se passe. Le sous-lieutenant Leclerc lui demande de lui adjoindre une mitrailleuse et de faire suivre l'autre pour qu'elle puisse intervenir au moment opportun. Compte rendu est envoyé au commandant de compagnie avec les renseignements suivants :

1° L'ennemi bat la lisière nord-est du village et occupe l'église et les maisons de l'est

2° Je vais progresser par la droite (sud) avec le sous-lieutenant Epaud et une de ses pièces; ma 2ème demi-section me couvre momentanément à gauche. Ayez l'obligeance d'envoyer une section qui essaiera de manoeuvrer l'ennemi sur la gauche ou tout au moins de me couvrir afin que je puisse disposer de ma section entière le cas échéant.

La progression commence immédiatement. Trois nouvelles mitrailleuses se révèlent aux alentours de l'église, à la dernière maison du village et dans la tranchée du G. M. P., au sud de la route de Grand-Rozoy, Beugneux. L'ennemi essaie d'arrêter ma progression par un feu violent de mitrailleuses et de mousqueterie. La demi-section de couverture intervient efficacement en arrosant de V. B. les mitrailleuses ennemies qu'elle ne peut atteindre; d'autre part la mitrailleuse dont nous disposons arrose copieusement les parties occupées et permet une nouvelle progression; elle avance ensuite à son tour en se portant à l'est de la dernière maison du village, à environ quatre-vingts mètres.

A ce moment, il n'y a aucune liaison avec la compagnie de droite le feu de l'ennemi est toujours très violent et l'avion boche n'a pas cessé de survoler le village. I1 faut laisser croire à l'ennemi que nous sommes les plus nombreux et en possession de tous nos moyens. La mitrailleuse commence un tir violent sur tous les points d'où partent les coups ennemis; de son côté, la demi-section de la 6ème Compagnie commence un tir de V. B., de F. M. et de fusil très nourri. Quelques instants après, un officier boche est aperçu, derrière le mur de l'église, donnant à haute voix quelques ordres brefs. Il est ajusté, mais manqué.

Les Boches commencent à se replier; on en compte une quarantaine environ. La mitrailleuse, le F. M. et les fusils ont pendant quelques instants une belle cible et des ennemis sont descendus d'autres se traînent avec peine, visiblement blessés. I1 est impossible de faire des prisonniers, les Boches se défilant derrière les murs du village et dans la tranchée du G.M.P..

Les hommes se portent immédiatement aux lisières est du village, à droite et à gauche de la route, dans la tranchée du G. M.P.; le sous-lieutenant Epaud met en place sa deuxième pièce, et le sous-lieutenant Leclerc fait venir sa deuxième demi-section afin de tenir solidement la position.

A ce moment, un spectacle imprévu s'offre à nos yeux. Deux compagnies ennemies environ, descendent le long de la cote 205, direction nord-est sud-ouest, sans nul doute pour occuper le village. Mais il est trop tard. Les mitrailleuses viennent de recevoir des munitions et n'ont jamais été peut-être à pareille fête. Les colonnes ennemies hésitent, s'aplatissent puis c'est le désordre et la fuite vers le bois de Beugneux et une carrière à mi-pente de la cote 205. De nombreux Allemands sont dispensés du retour.

Le village est complètement à nous; il n'y a plus qu'à s'organiser. La 6ème Compagnie tient toutes les lisières est et nord-est du village; elle est en liaison à gauche avec le 105ème R.I.; la liaison à droite est immédiatement assurée par la 5ème Compagnie qui se porte à la hauteur de la 6ème. L'avion de la division survole peu après; on déplie les panneaux; la nouvelle ligne est jalonnée. On est tranquille et encore tout surpris d'un succès aussi important et qui nous a coûté aucune perte."

Signé : Sous-Lieutenant Leclerc.

Le soir venu, le régiment est disposé comme suit :

Les 1er et 2ème bataillons sont en ligne; le 1er à droite, en liaison avec les Anglais; le 2ème à gauche, en liaison avec le 105ème R.I.; le 3ème bataillon en réserve de D.I. dans les bois au sud de la station. L'ennemi réagit très violemment par son artillerie et nous cause des pertes sensibles : cinq tués, trente-quatre blessés.

Le P.C. du colonel a été installé dans un petit bois à l'intersection de la route d'Oulchy à Hartennes avec la voie ferrée, dans un abri de l'organisation du G.M.P.

Au cours de l'après-midi, des officiers de chars d'assaut viennent s'entendre avec le colonel au sujet de leur coopération à l'attaque prévue. Comme nous n'avons pas encore eu l'occasion de manoeuvrer avec les chars, une instruction sommaire est immédiatement rédigée pour faire connaître aux chefs de sections et à leurs cadres les conditions à réaliser et les précautions à prendre.

31 Juillet

La journée se passe sur les mêmes emplacements; les unités continuent à s'organiser et à prendre toutes les mesures utiles en vue de l'attaque qui a été fixée au lendemain matin. La mission du régiment est d'enlever les crêtes au nord et nord-est du Grand-Rozoy, en liaison, à droites, avec les Britanniques qui doivent enlever Beugneux et les crêtes au nord, à gauche avec le 105ème R.I. qui a pour objectif l'Orme du Grand-Rozoy.

L'attaque du 98ème R.I. sera appuyée par un bataillon de chars légers. Dès que la 25ème D.I. aura atteint ses objectifs, elle sera dépassée par la 127ème D.I. qui exploitera le succès en se portant sur Launoy.

Au cours de l'après-midi, le général de division remet au Plessier-Huleu, en plein bombardement, la croix de chevalier de la Légion d'Honneur au Capitaine Chazalet et des croix de guerre à quelques gradés et soldats signalés comme ayant eu la plus belle conduite à l'attaque du 29 Juillet.

Les bombardements ont pris une intensité particulièrement violente, l'ennemi nous envoie de grandes quantités d'obus à gaz; l'arsine domine, mais mêlée à pas mal d'ypérite qui force à prendre constamment les masques.

Vers 23 heures, nos tirs d'artillerie s'accentuent pour couvrir le bruit des chars qui viennent prendre leurs positions d'attaque.

Nos pertes de la journée sont : six tués, trente-quatre blessés, cinq intoxiqués.

L'attaque du 1er Août.

L'attaque a été fixée à 4 heures 45. Les bataillons sont en place; les chars d'assaut contre le village, derrière l'infanterie. Une fumée intense s'ajoutant au brouillard, fait une atmosphère opaque dans laquelle on voit très mal.

L'attaque se déclenche, précédée d'un barrage roulant; les vagues d'assaut sortent du village dont les Allemands battent les lisières d'une façon intense; nos hommes enlèvent d'un bond la ligne du G. M. P. où ils rencontrent et brisent une sérieuse résistance; ils s'élancent ensuite au milieu des blés jaunes malgré le feu des nids de mitrailleuses qui sont dissimulées, et les éclatements des obus ennemis. Partout l'ardeur des combattants est admirable; les chars évoluent parmi les groupes.

Le Capitaine Fontaine Paul, commandant le 3ème bataillon, donne des premiers instants de l'attaque la description imagée suivante :

"Du P. C. du bataillon, d'où l'on découvre toutes les pentes de la cote 205, on les voit se perdre dans la fumée et le brouillard au milieu des feux de mitrailleuses et sous les éclatements très dense des obus ennemis; on voit les tanks monter lentement en formation de bataille; on attend anxieusement que la fumée se dissipe. Enfin le voile se déchire et des ombres apparaissent se mouvant dans tous les sens, au milieu des tanks; puis elles disparaissent derrière la crête: la cote 205 est prise.

Et pendant toute cette progression, des groupes de prisonniers descendent vers Grand-Rozoy et la route de Beugneux. Les mitrailleuses boches crépitent et la réaction d'artillerie s'accentue."

En vingt minutes, le 1er bataillon a atteint ses objectifs et réduit tous les nids de mitrailleuses qui gênaient sa progression; il s'organise sur les positions conquises. Malheureusement le commandant Le Gouas, chef du 1er Bataillon, le lieutenant Poissonnier, commandant la 1ère Compagnie', les sous-lieutenants Aussert et Gilbert, sont hors de combat, les deux premiers gravement atteints, les deux derniers tués. Beaucoup des meilleurs chefs de sections sont aussi tombés.

Parmi tous ceux: qui se sont distingués par leurs exploits se place le sergent Raffin qui s'élance seul en avant de sa compagnie et va cueillir une trentaine de Boches jusqu'au bois du Bélier. Vu de tous ses hommes, il les remplit d'enthousiasme; quelques-uns s'élèvent alors au-dessus de leurs trous d'obus et font le coup de feu sur ce qu'ils aperçoivent. Ainsi tombe le sous-lieutenant Gilbert, atteint d'une balle au coeur, en faisant, lui aussi, le coup de feu.

Durant toute la progression les C. M. apportent une aide efficace aux compagnies d'attaque avec lesquelles elles marchent. Sur les positions du G. M. P. les sections mettent en batterie pour réduire au silence les mitrailleuses ennemies qui opposent de la résistance. Sur la cote 205, elles prennent position pour arrêter les contre-attaques. Partout leur ardeur au combat égale celle des fantassins; aussi subissent-elles de lourdes pertes. Les sous-lieutenants Girod et Epaud tombent grièvement blessés.

Le mitrailleur Badolle, atteint de deux projectiles se crispe à sa pièce et continue à tire en disant : "ils ne m'auront pas". Atteint de cinq nouveaux projectiles il se couche près de sa pièce en faisant encore des efforts pour la servir. Épuisé, il refuse de se laisser emporter sous prétexte que certains de ses camarades sont plus atteints que lui et, malgré ses souffrances, il encourage tout le monde à lutter avec vigueur.

Le 2ème bataillon s'est élancé avec le même élan que le précédent; les chars l'appuient efficacement; les nids de mitrailleuses sont nombreux et causent de très fortes pertes. Pour vaincre l'opiniâtreté de certains d'entre eux il faut les manoeuvrer rapidement pour ne pas perdre le bénéfice de notre barrage roulant. Avec beaucoup de mordant les résistances sont ainsi détruites les unes après les autres.

La 6ème compagnie, particulièrement éprouvée, ayant eu son chef, le capitaine Bélin tué, passe de mains en mains, tous ses chefs successifs étant presque aussitôt mis hors de combat. Enfin, ses objectifs étant atteints, ce bataillon s'installe. C'est alors que le commandant Taulier est gravement blessé d'une balle qui lui casse la cuisse.

Les cadres du 2ème bataillon ont été très éprouvés; le capitaine Belin et le sous-lieutenant Francès ont été tués; le commandant Taulier, le lieutenant Berger, commandant la 5ème compagnie, les sous-lieutenants Gaffory, Leclerc, Charlevol, Guillaume, Epaud, blessés. L'adjudant Nardin a été tué, les adjudants Astier et Lévêque, le sergent-major Balaguy, blessés. Un grand nombre d'autres gradés sont tombés et l'encadrement des unités est précaire.

Le capitaine Favrot prend le commandement du 1er bataillon, le capitaine Vogel celui du 2ème en remplacement des commandants Le Gouas et Taulier, blessés.

Le 3ème bataillon, formant d'abord réserve de régiment, s'est établi, dès le départ de l'attaque, dans la ligne du G. M. P.. Lorsque la position a été: conquise, il s'est porté en soutien immédiat derrière les unités de première ligne, et a pris une position à contre-pente, prêt à soutenir le combat dans toutes les éventualités.

Environ 150 prisonniers de la 2ème D. I. de la Garde sont restés en nos mains avec un important matériel (76 mitrailleuses et 4 minen).

Vers 8 heures, les unités de la 127ème D. I. se présentent pour franchir nos premières lignes, le 25ème B. C. P. à gauche, et le 172ème RI à droite. Prises aussitôt sous le feu des mitrailleuses qui se sont révélées, elles doivent se tapir a terre à côté de nos combattants. Le bois du Bélier se montre particulièrement violent dans ses réactions; déjà les chars d'assaut ont dû renoncer à la lutte avec ses défenseurs armés de minen-vefers légers et de fusils anti-tanks. Accueillie par des mitrailleuses invisibles, l'infanterie qui tente d'approcher est fauchée.

Le 25ème B. C. P. manoeuvre par infiltration du côté de Courdoux, et réalise au cours de la journée des progrès importants. Nos pertes sont : 63 tués, 212 blessés, 14 disparus et 3 intoxiqués.

2 août

Au cours de la nuit, les 1er et 2ème bataillons du régiment, laissant la place aux unités de la 127ème D. I., se replient sur Grand-Rozoy et les bois à l'est; le 3ème reste sur ses emplacements. Les cuisines roulantes arrivent de l'arrière où elles étaient restées, et les hommes peuvent se reposer et s'alimenter confortablement. L'ennemi, profitant de l'obscurité, avait battu en retraite. Le jour venu, de la cote 205, on voit nos troupes progressant par colonnes dans la plaine.

La poursuite.

A 12 heures 30, le colonel reçoit l'ordre de former l'avant-garde de la D.I. qui va se porter à la poursuite des Boches, par Bucy-le-Bras et Cuiry-House. Ainsi, pour la premiére fois, nous allons poursuivre l'ennemi dans une retraite provoquée par notre attaque; pour la première fois nous voyons s'ouvrir largement devant nous la terre convoitée et déjà lourdement payé du meilleur de notre sang ! Quelque durs que soient de nouveaux efforts, nos poilus en comprennent la nécessité et les acceptent vaillamment.

Le mouvement commence à 13 heures; le 3ème bataillon forme l'avant-garde du régiment. II dépasse, au nord de Beugneux, la division anglaise qui reste sur ses positions. Tout le long de la route, nous trouvons des traces de la hâte avec laquelle les arrière-gardes allemandes ont abandonné leurs positions; les munitions et les fusées-signauxr abondent partout. La ferme de Bucy-le-Bras est abandonnée mais nous sommes accueillis à coups de mitrailleuses, de canon, dès que nous voulons aborder la route qui réunit Maast-et-Violaine à Branges. Le sous-lieutenant Vaysse est blessé.

Maast est déjà tenu par le 355ème R. I.; par contre, le massif boisé au nord d'Arcy-Sainte-Restitue est encore inexploré par suite du retard que nos voisins de droite ont sur nous. I1 faut donc stopper un instant pour reconnaître la position et attendre l'entrée en action de notre artillerie. Les avant-postes sont disposés le long de la route de Maast à Branges et les bataillons du gros serrent sur la tête. Le colonel établit son P. C. dans le ravin des Crouttes que l'artillerie ennemie fouille constamment.

Sur ces entrefaites nos avant-postes signalent des mouvements de repli de l'ennemi; des ordres sont envoyés pour que l'action des reconnaissances soit accentuée et que les unités se tiennent prêtes à reprendre le mouvement en avant. I1 est 23 heures lorsque les bataillons franchissent la route de Violaines à Branges, avec l'ordre d'atteindre la Vesle le plus vite possible.

Reprise de contact le 3 août,

La nuit du 2 au 3 août est très noir; il est possible que nous rencontrions de nouveaux nids de mitrailleuses sur notre parcours; aussi les bataillons doivent-ils s'avancer en colonnes à travers champs, en se guidant le plus souvent à la boussole.

Jusqu'à Cuiry-House, aucun obstacle: nous nous croisons là avec les têtes de colonnes du 16ème et du 105ème. Après quelques minutes employées à faire serrer les unités et à s'orienter, la marche est reprise. Il est 3 heures; il faut se hâter pour atteindre la Vesle avant le jour, car il serait désastreux d'être surpris sur le plateau; l'artillerie allemande aurait trop beau jeu. Dès que nos éclaireurs de tête, commandés par l'adjudant Millerat de la 11ème compagnie, ont dépassé Cuiry-House, ils sont signalés par des postes d'arrière-garde ennemis, et quelques obus de 105 viennent tomber sur les lisières du village. "Allons vite", c'est le mot d'ordre qui passe aussitôt.

Un peu plus loin, un hangar brûle près du carrefour de la route de Lesges; le 3ème bataillon en entier dépasse cette route, lorsqu'arrivé à la tête des ravins de Cerseuil, le gros de ce bataillon est attaqué à bout portant à la mitrailleuse par des groupes d'arrière-garde embusqués derrière des taillis; malgré les pertes subies de ce fait la réplique est presque immédiate et les Boches s'enfuient bientôt, après avoir provoqué l'explosion d'un dépôt important de leurs obus et fusées établi en cet endroit. Pendant quelques instants les fusées partent dans tous les sens du brasier et les obus explosent par caisses et paniers entiers, nous causant encore quelques pertes. Le tir des canons allemands ne se fait pas attendre après ce signal certainement combiné d'avance; les obus fusants éclatent au-dessus de nous, tandis que des percutants tombent un peu partout dans les champs et sur la route.

Par une manoeuvre rapide, les bataillons se jettent entièrement à travers champs et ouvrent leurs intervalles; les unités de tête prennent une formation d'attaque et progressent activement. Les coups de canon se multiplient et on entend le ronflement des moteurs d'avions qui approchent.

Aussitôt que les compagnies de tête débouchent en face de la ferme la Siège, des feux de mitrailleuses sont déclenchés qui balayent tout le plateau. Sans perdre une minute, les fractions subordonnées se forment sur un rang et les hommes commencent à creuser des tranchées.

A mesure que croit le jour, la situation sur le plateau devient critique; le colonel envisage de suite la nécessité de gagner le plus vite possible le ravin de Cerseuil; il envoie aux unités qui peuvent décoller, l'ordre de se transporter par infiltration dans ce ravin et celles qui ne le pourront pas de s'organiser dans des trous. Nos mitrailleuses entament une action vigoureuse et favorisent de leurs feux le déplacement des groupes.

Occupation de Cerseuil, 3 août.

Le ravin de Cerseuil est violemment battu par l'artillerie ennemie et pris d'enfilade par des mitrailleuses placés à l'église; le capitaine Perrin est blessé. Il est franchi par petits groupes, au pas de course, ceux-ci se reforment au pied des pentes abruptes; ces pentes sont escaladées et le 3ème bataillon entre dans le village, par le sud, vers 9 heures du matin. Les Boches viennent de le quitter, et les civils sortant de l'église, des caves, des grottes nous accueillent en libérateurs. Vers 10 heures, le 2ème bataillon arrive et, à midi, la plus grande partie du régiment est regroupée et tient les lisières nord de Cerseuil où le colonel établit son P. C.

Par suite du resserrement des unités sur le front d'attaque, produit par la progression simultanée des régiments de la 25ème et de la 127ème D.I., il n'y a plus place pour tout le monde en premiére ligne et le 98ème RI est mis en réserve de D. I. à Cerseuil. Les immenses grottes situées au nord de la localité abritent un grand nombres compagnies, qui y trouvent la sécurité à défaut de confort.

Reconnaissance de la Vesle, 3 août.

A 15 heures 30, le colonel reçoit un ordre préparatoire envisageant le franchissement de la Vesle à l'est de Braine et l'enlèvement de la ferme de Monthussard.

Des reconnaissances partent aussitôt pour rechercher les endroits où la Vesle pourra être franchie et, pour hâter l'exécution de l'ordre d'attaque, dés que celle-ci sera reconnue possible, le 3ème bataillon va prendre position vers la corne Est des bois de la Folie, tandis que les deux autres se tiennent prêts à se porter en avant.

L'ordre d'attaque établi par 1'I. D. n'arrive qu'à 20 heures; l'heure H y est fixée pour 20 heures 30, avec la coopération de l'artillerie. I1 est déjà trop tard pour pouvoir transmettre les ordres aux bataillons; en outre les renseignements des reconnaissances ne sont pas arrivés. Jugeant impossible de lancer ses bataillons dans les marais de la Vesle sans connaître exactement les moyens d'en sortir, le colonel donne l'ordre de surseoir et rend compte.

L'orage et une nuit d'encre avaient rendu les reconnaissances impossibles. Cerseuil et ses abords sont marmités avec violence; de grandes quantités d'obus à arsine viennent constamment rendre l'atmosphère irrespirable.

Au cours de la nuit du 3 au 4 août, le régiment prend le secteur compris entre le pont de Braine et le village d'Augy inclus. Le 2ème bataillon est chargé de l'opération. Commencée à 20 heures, elle est terminée avant le jour. Malheureusement, vers 3 heures du matin, un grave accident se produit : le capitaine Vogel, commandant le bataillon, qui avait, dans l'obscurité, pris place ainsi que le lieutenant Thomas, commandant la C. M. 2. et les deux ordonnances, dans une carrière de sable, située à l'ouest du château de la Folie, où il voulait établir son P. C.. est enseveli, ainsi que ses compagnons, par la chute d'un cube énorme de sable. Malgré les efforts de tous les agents de liaison présents, le lieutenant Thomas seul peut être dégagé vivant. Le commandant d'Humiéres, adjoint au colonel, immédiatement dépêché sur les lieux, prend le commandement du bataillon en attendant la désignation d'un nouveau chef pour ce bataillon.

L'ordre d'opérations pour la journée du 5 août prévoit encore le franchissement de vive force de la Vesle, dés que des points de passage auront été reconnus. Le sous-lieutenant Astouric est chargé d'une reconnaissance. Parti seul dans l'après-midi du 4 pour reconnaître l'itinéraire qu'il suivra la nuit suivante, il est tué par un obus, dans les bois de la Folie. Lorsque la nouvelle en parvient au colonel, le 4 août, vers 19 heures, l'adjudant Cayrou est désigné pour poursuivre la mission. Il se met immédiatement en route. Partout il se heurte à des tirs de mitrailleuse qui rendent impossible la reconnaissance des abords de la rivière. De nouvelles reconnaissances sont prescrites.

Au cours de cette journée du 4, nous avons perdu le capitaine Vogel et les lieutenants Monteil et Astouric, tués; le sous-lieutenant Firmin, blessé.

Le 5 août, au matin, le général de division vient se rendre compte en personne des difficultés que comporte le passage de vive force prévu; le colonel l'accompagne au château de la Folie d'où l'on voit très bien la vallée. Il constate que les blancs d'eau provoqués par les inondations, s'ajoutant au cours normal de la rivière, font actuellement une nappe d'eau trop importante pour qu'on puisse songer à la franchir sans moyens importants, dont la D. I. ne dispose pas. Il en rend compte au C. A. et prescrit de continuer les reconnaissances en s'efforçant de créer quelques passerelles que l'on gardera par des têtes de pont à courte distance. Les dispositions sont prises au régiment pour la réalisation de cet ordre.

6 août

Le Génie est parvenu au cours de la nuit a établir des passerelles légères en des points reconnus comme les plus favorables. La 5ème compagnie, malgré les difficultés énormes causées par les tirs de l'ennemi, parvient à faire passer quelques hommes sur la rire nord et à les établir en tête de pont; mais, au cours de la journée, ils reçoivent du général l'ordre de repasser sur la rive sud.

Le 6 août, à la nuit, le 3ème bataillon relève le 2ème du pont de Braisne à Augy, sous un marmitage violent. Au cours de la relève, le médecin S. A. M. Josephsonn est tué d'un éclat d'obus, et il y a d'assez nombreux blessés. Le bombardement par obus toxiques croît de plus en plus; les cas d'intoxication grave restent encore faibles, mais par contre les affections des yeux et de la gorge augmente dans de fortes proportions. Le capitaine Duriaux prend le commandement du 1er bataillon, le capitaine Chazalet, celui du 2ème.

Le 8 août

Le général Gratier remet dans Cerseuil, la croix de chevalier de la Légion d'Honneur au capitaine Paul Fontaine et la Médaille militaire à l'adjudant Millerat, aux sergents Chatard, Pichard, Raffin, Thévenin, etc. ...

La journée du 9 août n'est marquée par aucun incident.

Le 10 août

Au cours de l'après-midi, l'ordre est donné de relever le soir même, la 127ème D.I. sur ses positions, à notre gauche; le temps matériel manque pour pouvoir faire les reconnaissances habituelles. Le colonel fait venir les chefs de bataillon à son P.C. et leur donne toutes les indications verbales nécessaires. Dès que la nuit est venue, les 1er et 2ème bataillons qui ne sont pas en ligne, gagnent la ferme la Siège où des guides ont été envoyés par les régiments à relever, et de là, ils sont conduits à leur emplacement de secteur. Le 3ème bataillon relevé par le 16ème R.I. dans le secteur d'Augy, se porte, au milieu de la nuit, dans les grottes de Couvrelles en réserve de régiment.

Le nouveau P. C. du colonel est établi dans les mêmes grottes. Les mouvements de la relève ont été rendus excessivement pénibles par la quantité énorme d'obus à gaz envoyés par l'ennemi; les hommes ont dû prendre constamment les masques et la gêne ainsi causée s'ajoutant à la chaleur, à la poussière, augmente considérablement la fatigue, détermine quelques arrêts en des points bombardés et de nouvelles pertes.

Le régiment est cité.

" Ordre général n" 116, du 6 novembre 1918:

" Après avoir battu, le 1er août 1918, et mis en fuite sous le commandement du lieutenant-colonel Gaube, un régiment de la garde allemande, a, sous le commandement du chef d'escadron d'Humieres, remplaçant le lieutenant-colonel Gaube, blessé le 12 août 1918, poursuivi et talonné pendant deux mois consécutifs, sans trêve ni repos, trois autres régiments ennemis, en leur infligeant de lourdes pertes; a traversé, au cours de la poursuite, deux rivières et un canal âprement défendus et s'est emparé du village de Vailly en y organisant une solide tête de pont. A capturé cent prisonniers, un grand nombre de mitrailleuses, de canons de tranchées, d'armes précipitamment abandonnés par l'ennemi dans sa retraite.

Le régiment est relevé.

Ces beaux résultats n'avaient pas été obtenus sans une extrême fatigue; tout le monde était à bout. Aussi la relève par le 404ème R.I., le 29 et 30 Septembre, fut-elle accueillie avec joie.

Par petits groupes, les unités se dirigent sur Braine où tout de le régiment est rassemblé, le 30, vers 11 heures. La soupe est mangée et, à 14 heures, nous quittons Braine pour aller cantonner à Cuiry-House. Nous traversons Augy. Cerceuil, Lesges, avec un serrement de coeur à la pensée des camarades qui y sont tombés.

Le 2 octobre, le régiment gagne Rozet-St-Albin, traverse Courdoux, puis la fameuse cote 205; nous revoyons les tanks abandonnés le 1er août, l'Orme de Grand-Rozoy, le bois de Bélier, la ligne du G. M. P. tous remplis d'aussi chauds souvenirs, enfin le village meurtri de Grand-Rozoy où les débris du régiment défilent en présence du Drapeau, devant les tombes du capitaine Belin et des sous-lieutenants Aussert, Gilbert, Francès.

C'est, dans la personne de leurs officiers, le salut du régiment à tous ses glorieux morts. Officiers et soldats qui, hier encore, fonçaient sur les Boches, dont l'ardeur aux derniers combats s'est si largement affirmée, ne peuvent plus contenir une émotion qui se lit sur tous les visages. Des larmes perlent aux yeux. Dans l'allure de ceux qui défilent, on lit l'énergique fierté du régiment.

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