LA 9ème CIE DU 14ème R.I. AU CLOS-DAVAUX 18/19 JUILLET 1918

Merci à Yves Seguin qui nous a transmis ce document

(Titre d'un article paru dans le bimensuel J'AI VU n°188 page 496 du 15 octobre 1918)

A LA LIMITE DES FORCES HUMAINES

La prise du Clos-Davaux.

 

On sait que le 15 juillet (1918), dans la matinée, les Allemands étaient parvenus à franchir la Marne dans la région de Dormans. En vain, nous avions en hâte amené des réserves pour les contenir. Durant toute la journée du 16 et du 17, ils avaient progressé sur la rive sud et déjà plusieurs de leurs divisions se trouvaient installées dans la "poche" ainsi formée.

C'est le 18 au matin que notre contre-offensive allait se déclencher sur le front des trois armées Mangin, Degoute et Berthelot depuis l'ouest de Soissons jusqu'au sud-est de Reims. Les stratèges ont déjà retracé l'historisme de cette victoire, nous voudrions ici raconter l'un seulement de ces multiples efforts, qui, recommencés à chaque kilomètre du champ de bataille, rendent possible les conceptions des grands chefs.

La 9ème compagnie du 14ème régiment d'infanterie avait été engagée avec tout le 3ème bataillon le 17 juillet à midi. Elle avait participé à la prise d'un village qui s'appelle Chêne-la-Reine. Là, ce bataillon s'était momentanément arrêté : en face de lui, la résistance allemande s'était organisée au Clos-Davaux et dans les boqueteaux qui flanquent ce hameau : elle comportait des mitrailleuses, des minenwerfer et des 77 de tranchées.

Toute l'après-midi, le bataillon s'efforça de franchir la ligne ennemie. Sept fois, il attaqua avec des auto-canons et des canons de 37, sept fois il fut repoussé avec des pertes importantes. La nuit vint. La 9ème compagnie, qui avait déjà perdu dans l'après-midi, un de ses deux officiers, le sous-lieutenant Legendre, et quinze pour cent de son effectif, passa cette nuit à organiser défensivement le village de Chêne-la-Reine. Elle travaillait sous une pluie de déluge, sans avoir reçu le ravitaillement de la journée et c'était sa seconde nuit sans sommeil.

C'est dans ces conditions que la 9ème Cie fut chargée d'attaquer le Clos-Davaux le 18 à 5h 30.

La compagnie, commandée par le sous-lieutenant Séguin avait était regroupée en trois sections, que commandaient l'adjudant Mathery, le sergent Dauvergne et le caporal Vayssière.

A l'heure H, après une violente préparation d'artillerie, la compagnie se mis en marche. Clos-Davaux était à 300 mètres environ en avant d'elle. Du premier bond, on en franchit 80. Là, des feux de mitrailleuses prennent les hommes de face et en écharpe, plusieurs tombent, les autres hésitent. L'objectif est encore à plus de 200 mètres.

Cependant un soldat, le tireur de fusil-mitrailleur Voisin, a découvert une mitrailleuse ennemie. Il ouvre le feu contre elle. Un véritable duel s'engage entre cet enfant de vingt ans et les mitrailleurs ennemis, munis d'un engin plus puissant et qui occupent une position d'avance aménagée. Voisin tombe frappé de deux balles aux mains et à la cuisse. Le soldat Loison, qui est près de là, couché sur le sol, se lève et spontanément, naturellement vient prendre sa place. Tous les fusils-mitrailleurs de la compagnie imitent cet exemple.

Désormais protégés par ces feux, le sous-lieutenant Séguin, l'adjudant Mathery, les sergents Dauvergne et Paisse s'élancent au cri de "En avant ! " On les suit. Du second bond la compagnie a atteint son objectif. Deux mitrailleuses ennemies sont enlevées de haute lutte, les servants sont tués sur leurs pièces. Une troisième mitrailleuse tire encore, elle est entourée, les mitrailleurs sont faits prisonniers.

Les derniers Allemands qui occupent le hameau, tentent de s'enfuir, en emportant des mitrailleuses. Les caporaux Andran, Despeyroux, Pascaud, les poursuivent et leur arrachent les pièces dans un furieux corps à corps.

La victoire a grisé les hommes. Il ne leur suffit plus d'avoir atteint leur objectif : ils continuent la poursuite et se lancent à l'assaut des boqueteaux qui sont au nord de Clos-Davaux. Ils arrivent ainsi jusqu'aux lisières du bois de Leuvrigny et tuent sur leurs pièces tous les servants de deux canons de 77. Ils ont franchi 1500 mètres depuis leur point de départ.

Pourtant les Allemands ont eu le temps de se ressaisir : ils se sont aperçus que cette troupe à laquelle ils ont abandonné tant de terrain ne comprend peut-être plus en tout cinquante hommes. Deux compagnies vont contre-attaquer.

Le sous-lieutenant Séguin, désormais isolé des troupes françaises par la rapidité même de son avance, se rend compte du péril. Il donne l'ordre du repli. La 9ème compagnie se retire lentement et en ordre vers le Clos-Davaux. Un instant une de ses sections est cernée, elle se fraie un passage à la baïonnette. Les gradés se retirent les derniers : les sergents Dauvergne et Paisse, le caporal Vayssière sont tués. L'adjudant Mathery avec quelques hommes : les soldats Laurent, Derrien, Lombard, Dancelou, Verdaut, Lagnau, Galvan, Baudais, couvre la retraite et tire jusqu'à sa dernière cartouche. Les blessés sont emportés sur les épaules des hommes encore valides.

Les survivants de la 9ème compagnie arrivent jusqu'aux lisières de Clos-Davaux. C'est là que le sous-lieutenant Séguin va organiser la résistance, décidé à garder au moins le hameau conquis. Cependant le capitaine Jeanzac, qui commande le 3ème bataillon est arrivé dans le hameau : il n'a avec lui que son état-major et des agents de liaison, quinze hommes en tout. Il improvise avec ces éléments une ligne de tirailleurs commandés par le sergent-fourrier Mercier qui va couvrir à droite ce qui reste de la 9ème compagnie. A gauche le sergent-fourrier Fournier, rassemble à la hâte quelques isolés et parvient à rétablir une liaison à vue avec la compagnie voisine.

C'est contre cette ligne précaire que la contre-attaque allemande va se heurter, ce sont ces forces éparses qui vont l'arrêter et donner aux premiers renforts le temps d'arriver.

Toute l'après-midi du 18, toute la journée du 19, les tirs furieux de l'artillerie et les contre-attaques allemandes se succédèrent. La 9ème compagnie tient toujours, sans céder un pouce de terrain. Elle n'est relevée, avec tout le bataillon, que dans la nuit du 19 au 20. Il lui reste à peu prés le tiers de son effectif.

"En trois journées de combat, dit le rapport du général qui commande la division, ces quelques hommes presque sans nourriture et sans sommeil, sont parvenus à enlever une position fortifiée d'une manière exceptionnelle, à la dépasser de plus de 1000 mètres, à faire des prisonniers, à capturer un canon, 16 mitrailleuses, du matériel, à briser trois contre-attaques et à tenir sous un bombardement d'une violence extrême."

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