ATTAQUES DE LA 48ème DIVISION D'INFANTERIE LES 18 ET 19 JUILLET 1918, VIOLAINE, VILLERS-HELON

ATTAQUES DE LA 48ème DIVISION D'INFANTERIE LES 18 ET 19 JUILLET 1918, VIOLAINE, VILLERS-HELON

(D'après les documents du Service historique et les renseignements fournis par les exécutants.)

I. - Opérations préliminaires : prise de la ferme de Catifet.

II. - Les ordres d'attaque.

III. - Attaque du 18 Juillet (1ère phase) : prise de Violaine et de Villers-Hélon.

Le rôle joué par la 48ème D.I. dans notre célèbre contre-offensive du 18 Juillet 1918 est des plus intéressants à étudier, parce qu'il comporte de nombreux enseignements et que en particulier, il met en lumière l'importance capitale que présentent, à la guerre, les deux facteurs "surprise" et "audace".

I. - Opérations préliminaires : prise de la ferme de Catifet.

Le général Mangin, Chef de la Xème Armée, a confié l'effort principal aux 20ème et 30ème Corps d'Armée, c'est à ce dernier que compte, le 18 Juillet, la 48ème D.I..

Cette division a un très beau passé. Elle vient, au cours de la bataille du Matz, de prendre une part glorieuse à notre contre-offensive du 11 Juin, qui a contribué à arrêter la ruée ennemie sur Compiègne; elle a été ensuite transportée, vers le milieu de Juin, dans; la région au nord-ouest de Villers-Cotterêts, où elle a travaillé, jusqu'au 9 juillet, à l'organisation de la deuxième position. Jusqu'au 18 Juin, elle comptait quatre régiments d'infanterie; à partir de cette date, elle n'en comprend plus que trois : 1er Zouaves de marche, 2ème mixte, 9ème tirailleurs de marche. Le 1er Juillet le 2ème mixte est dissous et devient le 13ème tirailleurs de marche.

Le 8 Juillet, la 48ème D.I. général Prax) a été mise à disposition du 11ème C.A., pour procéder à la relève des 1ère et 87ème D.I. sur la partie du front qui s'étend du carrefour du Conservateur, dans la forêt de Retz (2 kilomètres nord-ouest de la ferme de Chavigny), jusqu'à 1 kilomètre environ au sud de Longpont.

Depuis quelque temps déjà, les troupes de la Vème armée sont engagée dans une série d'opérations locales ayant pour but de leur assurer une bonne base de départ pour l'offensive d'ensemble en cours de préparation. C'est ainsi que, le 28 juin, les 1er et 20ème corps, attaquant par surprise sur le front Laversine- Saint-Pierre-Aigle, ont porté leur première ligne à l'est du ravin de Coeuvres-et-Valsery, et fait environ 1.100 prisonniers. Dans le secteur que vont occuper les troupes du général Prax, la 1ère division enlève, le 8 juillet, la ferme Chavigny ainsi que les hauteurs au nord et au nord-est, progressant ainsi de 1200 mètres sur un front de 2 kilomètres et demi.

Nos troupes élargissent ce succès les 9 et 10 juillet, gagnent du terrain au nord-est de la ferme de Chavigny, occupent la ferme La Grille (500 mètres ouest de Longpont) et poussent dans la forêt de Retz jusqu'à la route Longpont-Corcy. C'est ce front que la 48ème D.I. prend à son compte dans la journée du 10 et dans la nuit du 10 au 11 juillet 1918, exécutant ainsi une véritable relève en fin de combat.. Le 11, à 7 heures, le général Prax assume le commandement du secteur.

A 12 heures 30, il donne l'ordre de poursuivre sans délai l'exploitation du succès des 1ère et 87ème divisions et d'occuper au minimum la ligne : crête au nord de Longpont - étang à l'est de cette localité - cours de la Savières. EN même temps, un coups de force, avec un effectif maximum de deux bataillons, sera préparé pour le cas où l'on ne pourrait plus progresser pied à pied.

Conformément à ces prescriptions, la 48ème division, par une série d'actions locales, gagne du terrain les 11, 12, 13 et 14 Juillet 1918 et s'établit à cette date sur le front : pentes ouest de la croupe au nord de Longpont, Longpont inclus - rive droite de la Savières; mais une tentative pour passer sur la rive gauche du cours d'eau, en liaison avec la 128ème division, a échoué. Elle a fait, au cours de cette période, une trentaine de prisonniers et enlevé plus de 25 mitrailleuses.

L'offensive d'ensemble étant imminente, il était capital, pour la 48ème division, de s'assurer sans délai une tête de pont à l'est de la Savières. Cette petite rivière, qui coule du nord au sud, de Longpont à Corcy, est guéable partout et ne constitue pas, par elle-même, un obstacle bien sérieux; mais sa vallée, large de 250 à 350 mètres, est très marécageuse, et sa traversée est fort difficile. L'obstacle constitué par le cous d'eau est, de plus, doublé par la voie ferrée de Paris Soissons, qui est fort en remblai vers la ferme de Catifet et au sud, passe par un cours tunnel au sud-est de Longpont.

Le versant ouest de la vallée est constitué par des; pentes boisées et assez fortes; le versant est, très escarpé, n'est accessible aux hommes de troupes de toutes armes, en particulier aux chars d'assaut, que par un étroit vallonnement qui l'entaille à hauteur de la ferme de Catifet et qui aboutit à d'importantes carrières. Il résulte de cette configuration du terrain que le fond de la vallée échappe tout à fait aux vues d'un ennemi qui tient Violaine et les pentes à l'ouest, mais qui n'est pas maître de la crête même qui domine de près la voie ferrée et la rivière à l'est de celles-ci. Nous prions le lecteur de retenir ce détail qui est essentiel.

La 128ème division devant, elle aussi, s'efforcer de conquérir une tête de pont sur la Savières et, dans ce but, attaquer le 15 juillet à l'est de Corcy, le général Prax, commandant la 48ème D.I., reçoit, dans la nuit du 14 au 15 juillet, l'ordre d'appuyer cette offensive et d'enlever la ferme de Catifet ainsi que les carrières au nord. Il charge le lieutenant-colonel Pompey, commandant le 1er Zouaves, de diriger l'action. Elle sera menée par des éléments du 5ème bataillon (capitaine Texier), une ou deux compagnies aborderont la ferme de Catifet par le nord, en même temps qu'une démonstration sera faite sur le petit tunnel de la voie ferrée au sud-est de Longpont. L'attaque sera appuyée par une batterie de 58 T. Ainsi que par plusieurs batteries de 75 et 155 C; elle sera déclenchée le plus tôt possible.

A 6 heures 45, après une courte préparation par l'artillerie, nos soldats franchissent la Savières, mais sont arrêtés, devant la voie ferrée et le tunnel, par les feux de mitrailleuses restées intactes et que les engins d'accompagnement ne parviennent pas à réduire. A 14 heures, le général Susbielle, commandant l'infanterie divisionnaire, prescrit de stopper; à 16 heures 10, le commandant de la division confirme cet ordre : l'action sera suspendue, mais la reprise en sera dès maintenant étudiée en détail.

Sur ces entrefaites, la 48ème division est passée à midi sous les ordres du général Penet, commandant le 30ème Corps. Dans la soirée, celui-ci prescrit au général Prax d'exécuter, pendant la nuit du l5 au l6, une opération ayant pour but de préparer le débouché du 30ème corps à l'est de la Savières, dans la région de la ferme Catifet et des carrières au nord. L'attaque sera exécutée en débordant ces deux forts points d'appui par le nord et par le sud, de façon à prendre pied sur la crête 126.

Par un ordre donné à 20 heures, le commandant de la 48ème division précise que l'action sera dirigée par le lieutenant-colonel Pompey, commandant le 1er zouaves, qui disposera de deux bataillons de son régiment, de l'artillerie de campagne de la 1ère division (3 groupes de 75) et d'un groupe lourd; il devra s'efforcer de réaliser un effet de surprise. Les éléments qui auront conquis la crête 126 seront au besoin renforcés, de façon à en assurer la possession d'une façon indiscutable.

En conséquence; et avec l'approbation du général de Susbielle, commandant l'infanterie divisionnaire, le lieutenant-colonel Pompey donne les instructions suivantes : l'attaque sera exécutée par des éléments du 5ème bataillon (capitaine Texier) et du 4ème bataillon du 1er zouaves (commandant Simondet). Le capitaine Texier en aura la direction; sa mission sera de franchir la Savières entre Longpont et les boqueteaux au sud de Catifet, de déborder la ferme et les carrières par le nord et par le sud, et de prendre pied sur la cote 126. Il disposera des engins d'accompagnement du régiment, de deux compagnies et de quatre sections de mitrailleuses de son bataillon, renforcées, par une compagnie du bataillon Simondet

Dès qu'il tiendra la crête 126, il sera appuyé au besoin par une autre compagnie, pour s'assurer d'une façon indiscutable la possession de cette crête. Le combat sera mené par une ou deux sections sur le tunnel et les carrières; l'effort principal sera dirigé contre la ferme Catifet, en la débordant par le nord et par le sud, puis en faisant face au nord. Le génie sera chargé de lancer des passerelles sur la Savières. L'assaut sera donné à 4 h. 45. L'artillerie de tranchée (3 pièces de 58, 5 pièces de l50).tirera pendant une demi-heure, de 3 h. 45 à 4 h. 15; les pièces de 58 auront pour objectif les organisations du tunnel les pièces de 150, la voie ferrée devant Catifet. L'artillerie lourde tirera de 3 h. 45 à 4 h. 15 sur les carrières; à partir de 4 h. 15, elle transportera son tir sur la ferme La Grange, la croupe à l'est de cette ferme et les débouchés de Violaine.

L'artillerie de campagne fera un barrage fixe devant la voie ferrée, de 4 h. 05 à 4h. 25, puis un barrage roulant à la vitesse de 100 mètres en quatre minutes, qui se fixera pendant dix minutes à 250 mètres au delà du chemin parallèle à la voie ferrée et reprendra ensuite à la même cadence, pour se terminer par un "encagement" dont les limites seront le carrefour de la route Longpont - Corcy et de la laie de la .Croix-du-Pain-Tendre, un point situé à 600 mètres à l'est de ce carrefour, la cote 126 et le passage en dessus de la voie ferrée (grande route de Longpont à Villers-Hélon). Le lieutenant-colonel Pompey aura son poste de commandement au carrefour de la Grosse-Pierre, le capitaine Texier aura le sien dans le poste d'observation établi à l'ouest de Longpont.

Le 16, à 4 h 15, après une préparation d'artillerie courte et nourrie, nos zouaves partent à l'attaque au milieu d'un brouillard très épais qui rend les liaisons difficiles, mais qui concourt à la surprise. A gauche, deux sections sous les ordres du lieutenant Pavec s'emparent du tunnel, aux abords duquel elles étaient restées accrochées depuis la veille; elles n'y font que quelques prisonniers, mais y trouvent de nombreux cadavres et s'emparent de quatre mitrailleuses. A droite, deux compagnies, dirigées par 1e capitaine Flin, franchissent le marais et la Savières au moyen de passerelles préparées par le génie et mises en place par l'infanterie : plusieurs zouaves ne les utilisent même pas, et traversent 1a rivière avec de l'eau jusqu'à mi-corps.

La voie ferrée est rapidement occupée; l'ennemi, complètement surpris, laisse là entre nos mains un certain nombre de prisonniers. Puis tandis que les sections du lieutenant Pavec attaquent les carrières par le nord, les deux compagnies du capitaine Flin débordent Catifet par le sud. Le capitaine Texier les fait appuyer par une section de la compagnie du bataillon Simondet, qu'il a gardé tout d'abord en réserve sur la rive ouest de la rivière. Maîtres de Catifet, les zouaves se jettent sur la partie sud des carrières.

A 7 heures, l'objectif est atteint et la position solidement tenue par l'ensemble des unités mises à la disposition du capitaine Texier. Notre front est dès lors jalonné par le passage en dessus de la route de Longpont à Villers-Hélon, la cote 126, la lisière est des boqueteaux à l'est et au sud-est de Catifet. Nos pertes s'élèvent à 2 officiers blessés (capitaine Flin, grièvement atteint, et sous-lieutenant Nollet), 5 hommes tués, 37 blessés et 22 gazés. Nous avons fait 130 prisonniers, dont 4 officiers et 14 sous-officiers; nous avons enlevé 10 mitrailleuses lourdes, 7 mitraillettes et 5 fusils-mitrailleurs, dont une partie a pu être aussitôt mise en action contre l'ennemi.

Nous nous sommes beaucoup étendus sur cette brillante opération de détail parce que, ainsi qu'on le verra plus loin, c'est grâce à sa réussite que la 48ème division a pu exécuter sa magnifique attaque du 15 juillet. Le succès de Catifet valait d'ailleurs au régiment du lieutenant-colonel Pompey les félicitations suivantes du général Penet : "Le général commandant le 30ème corps exprime toute sa satisfaction pour l'entrain et le brio montrés, ce matin, par les deux bataillons du 1er zouaves, qui ont enlevés brillamment la ferme Catifet et les carrières au nord, faisant de nombreux prisonniers et prenant beaucoup de matériel. il est convaincu que le terrain si heureusement conquis sera gardé intégralement : le bon renom du 1er zouaves en est un sûr garant."

La 48ème division avait ainsi acquis un débouché, assez précaire il est vrai (400 mètres de profondeur maximum), sur la rive est de la Savières, mais qui, du moins, lui procurait une place d'armes complètement défilée aux vues des Allemands. Pour lui permettre de prendre un dispositif plus resserrée en vue de l'offensive d'ensemble maintenant imminente, elle est, dans la nuit du 16 au 17 juillet et dans la journée du 17, relevée, au nord de Longpont, par la 38ème division et, en attendant l'arrivée de la 2ème division américaine, par la 19ème division; elle relève elle-même la 128ème division entre la route du Pendu et la route du Faîte. Elle réalise ensuite le dispositif suivant :

- 1er zouaves : la lisière nord de Longpont à l'entrée nord du tunnel

- 9ème tirailleurs : de l'entrée nord du tunnel à Catifet inclus.

- 13ème tirailleurs : de Catifet exclus jusqu'à un point situé à 500 mètres au sud de cette ferme.

Chaque régiment est, en attendant la bataille, largement échelonné en profondeur.

Pendant cette période de combats journaliers qui s'étend du 11 au 17 juillet, la 48ème division a progressé sur un front de 5 kilomètres et une profondeur atteignant par endroits 1.200 mètres. L'artillerie allemande a réagi avec violence, et bombardé nos positions avec un grand nombre d'obus toxiques, en majeure partie à l'ypérite. La lisière de la forêt de Retz, les fermes Chavigny et La Grille, Longpont et, après notre succès du l6, la vallée de la Savières, ont été spécialement pris à partie. Ces bombardements n'ont pas été sans nous causer des pertes sérieuses.

En particulier, un tir d'obus toxiques, au cours de la nuit du 16 au 17, surprend en pleine relève dans la vallée de la Savières, le ler bataillon du 9e tirailleurs (commandant Sauzède). La nuit est très obscure, beaucoup d'officiers et d'hommes de troupe s'empêtrent dans les branches brisées qui jonchent les chemins; ils tombent, leurs masques se déplacent et laissent passer les gaz. Le commandant Sauzède, son capitaine adjoint, le capitaine Mortemard, presque tous les officiers et sous-officiers, ainsi qu'un grand nombre d'hommes sont évacués d'urgence. Le nombre des intoxiqués est tel que le bataillon doit être relevé dans l'après-midi du 17 et qu'il ne compte plus dans 1e rang qu'un officier, le capitaine Chaput, un aspirant, quelques gradés et une centaine d'hommes.

Le 3ème bataillon, bien que moins éprouvé, ne dispose plus, à cette date, que de 375 fusils environ; il est commandé par un tout jeune officier, le capitaine Adam, qui n'a pas plus de deux mois de grade. Le 2ème bataillon (commandant Bidaut) a seul ses cadres à peu près au complet, mais ne peut mettre en ligne plus de 500 hommes.

De même, au cours de l'attaque du 16 sur la ferme Catifet, de nombreux zouaves ont traversé les marécages de la Savières avec de la boue et de l'eau jusqu'à mi-corps; leur masque s'est détérioré et n'a pu les protéger lorsque, quelques heures plus tard, ils ont été soumis à un bombardement par obus toxiques. Le ler zouaves a donc, lui aussi, son effectif très réduit. Au 13ème tirailleurs, moins éprouvé, plus de 100 hommes ont au moins été mis hors de combat.

Les pertes subies par l'infanterie de la 48ème division du 11 au 17 juillet :

Régiments

Officiers

Hommes de Troupe

Hommes de Troupe

Totaux

 

blessés ou gazés

tués

blessés ou gazés

 

1er zouaves

12

22

494

528

9ème tirailleurs

11

31

511

553

13ème tirailleurs

 

7

127

134  

Totaux

23

60

1132

1215  

Malgré ces pertes, les troupes de la 48ème division ont eu leur moral exalté par la progression qu'elles ont réalisée au cours de cette période, et par le repli de l'ennemi devant elles; de plus, elles se sont familiarisées avec l'idée d'attaquer après une très courte préparation d'artillerie, ou même sans préparation. Dès le 16 juillet, le général Prax donnait à ses soldats le témoignage de satisfaction suivant :

"Le commandant de la division adresse ses félicitations aux troupes qui combattent victorieusement depuis le 11 juillet à l'est de la forêt. Par une série d'opérations de détail habilement menées et remarquablement exécutées, malgré les pertes sensibles et la fatigue résultant de plusieurs jours d'engagement, elles ont réussi à rejeter l'adversaire de positions excessivement fortes et à lui imposer leur volonté. Dans ces journées de lutte, le 9ème tirailleurs a continué à affirmer ses brillantes qualités militaires; quant au 1er zouaves, il a montré qu'il est toujours le régiment d'élite dont l'éloge n'est plus à faire"

Quant à nos adversaires, ils semblent n'avoir vu dans les actions locales de 1a Xème armée, conduites par des unités dont ils avaient depuis longtemps identifié la présence sur le front, que la preuve de notre impuissance à monter une opération de grand style. Une note de la 115ème division ennemie, saisie par nous au cours de la bataille qui va s'engager, atteste, d'une part, l'importance des résultats obtenus du 11 au 18 juillet par la 48ème division et par la 128ème division (qui combattait à la droite de celle-ci); d'autre part, l'erreur dans laquelle étaient tombés les Allemands .au sujet de nos intentions offensives.

L'Attaque de la 4

"Au prix; de rudes combats, l'ennemi a réussi à s'établir sur les pentes est de la vallée de la Savières, de la vallée du Gros-Chêne à Longpont. Je rends hommage à l'infatigable activité déployée par nos troupes d'infanterie, d'artillerie et du génie dans les combats des jours derniers et des nuits dernières. J'insiste sur le fait que c'est grâce à notre maintien en secteur, sans relève, que les succès de nos armées de Reims ont été possibles. Déjà, les Français retirent de notre front des troupes de valeur. Il nous faut continuer de résister aux Français, noirs et blancs, qui sont devant nous, jusqu'au moment où la bataille de Reims sera terminée. Il importe d'empêcher que l'ennemi continue à gagner du terrain sur la rive est de la Savières. Malgré la faiblesse des effectifs et l'importance des pertes, il faut que les divisions se constituent, avant le 17 au matin, de nouvelles réserves par regroupement de leurs éléments en ligne et les prennent en main."

En outre, dans la nuit du 16 au 17 juillet, rien que dans les secteur d'une division, les Allemands retirent du front cinq batteries. Ils sont bien convaincus qu'ils ont réussi à attirer toutes nos disponibilités en Champagne par leur grande offensive du 15 juillet, et ils se croient sûrs de garder l'initiative des opérations. ils vont bientôt apprendre à leur dépens combien grossière a été leur erreur.

II. - Les ordres d'attaque

Le 13 juillet, en effet, le général Pétain a fixé au 18 la date de notre offensive d'ensemble; le 14, le général Mangin donne à la Xème armée ses ordres pour l'attaque; le général Penet fait de même pour le 30ème corps les 15 et 16 juillet, et le général Prax établit, le 16, le plan d'engagement de la 48ème division.

Le 30ème aura deux divisions en première ligne : 38ème au nord, 48ème au sud; deux divisions en 3ème ligne : 19ème au nord, 1ère au sud, ces deux divisions sont en réserve d'armée. La 128ème division (11ème corps) opérera à la droite de la 48ème.

La mission de cette dernière est de prendre pied rapidement sur le plateau de Villers-Hélon, en vue de faciliter l'avance de la 38ème division à travers le bois du Mausolée (au nord-ouest du moulin de Villers-Hélon), pour permettre à cette dernière d'occuper les hauteurs au nord et au sud du ru du moulin des Comtes. La 48ème division sera formée "en carré", ses trois régiments accolés : 1er zouaves à gauche, 9ème tirailleurs au centre, 13ème tirailleurs à droite, chacun d'eux ayant ses trois bataillons successifs. La base de départ sera le front atteint le 16, jalonné par l'étang à l'est de Longpont, la cote 126, la lisière est des bois au sud de Catifet.

La division aura pour objectif intermédiaire Violaine et les pentes au nord; pour premier objectif, le plateau immédiatement à l'est de Villers-Hélon; pour deuxième objectif, la croupe ouest du ru de Chauday jusqu'à Oulchy-le-Château; pour axe de marche, Villers-Hélon, Blanzy, la ferme de Martimpré (600 mètres au sud du Plessier-Huleu). Le bataillon de queue du 13ème tirailleurs sera réserve de division; le bataillon du 9ème tirailleurs, réserve d'infanterie divisionnaire. Après l'enlèvement du premier objectif, les unités seront réorganisées, puis la division poussera sur le deuxième objectif, en formation articulée et d'après les ordres qui seront donnés plus tard.

Les deux bataillons de tête des colonnes du centre (9ème tirailleurs) et de droite (13ème tirailleurs) seront massés sur la rive est de la Savières dans la nuit qui précédera l'attaque. A l'heure H, toutes les unités se lanceront en avant sous la protection d'un barrage roulant très dense, et se porteront sans arrêt sur l'objectif intermédiaire. La vitesse du barrage roulant sera de 100 mètres en trois minutes, jusqu'au premier objectif, avec arrêt jusqu'à H + 1 h. 45 avant de reprendre à la même vitesse jusqu'à l'est du premier objectif, où il sera maintenu jusqu'à H + 3 h. 30. En principe, l'infanterie ne fera pas de passage de ligne avant d'avoir atteint le premier objectif. Le bataillon de queue du 13ème tirailleurs, réserve de division, franchira la Savières à l'heure H, et marchera ensuite derrière la colonne de droite. Aucune préparation d'artillerie n'aura lieu avant l'heure H.

L'artillerie, aux ordres du colonel Picheral, comprend l'artillerie organique des 48ème et 1ère divisions, plus trois groupes portés et deux batteries d'artillerie de tranchée, soit au total vingt-sept batteries de campagne, quatre d'artillerie lourde et deux de tranchée. Chacun des trois régiments d'infanterie de la division recevra l'appui direct de deux groupes de 75. Dès que Violaine sera entre nos mains, trois de ces six groupes d'appui direct seront rapidement poussés jusqu'à la route Longpont - Corcy.

Les compagnie du génie divisionnaire, renforcées par une compagnie du génie du corps d'armée, prépareront avant l'attaque les passages de la Savières pour l'infanterie, ainsi que pour l'artillerie de 75 et 155 C. S. Elles relieront, en particulier, le passage en dessous de l'ouest de Catifet à la route Longpont - Corcy et répareront le plus vite possible le pont de Longpont ainsi que le passage en dessus de la voie ferrée, au sud-est de cette localité. Une section du génie divisionnaire marchera avec chacun des bataillons de tête.

La cavalerie franchira la Savières par la route de Catifet, lorsque le premier objectif sera conquis; l'artillerie montée passera la rivière, par la même route, aussitôt que possible. La route et les ponts de Longpont seront réservés d'abord aux chars d'assaut, puis à l'artillerie portée.

La division dispose de deux groupes de chars d'assaut Saint-Chamond (l'un de 12 chars, l'autre de 9). Le premier groupe, celui de 12 chars, appuiera l'attaque du 9ème tirailleurs sur Violaine et Villers-Hélon. Il franchira le pont de Longpont dès que le 1er zouaves aura pris pied sur la hauteur de Violaine, et se déploiera derrière le 9ème tirailleurs. Le deuxième groupe marchera en arrière et à 1 kilomètre du premier, prêt à appuyer celui-ci en cas de besoin ou à continuer l'offensive au delà du premier objectif.

Le général de division aura son poste de commandement au carrefour de la Croix-de-Guise (3 kilomètres est-nord-est de Villers-Cotterêts), puis à Villers-Hélon.

Le 17, le général de Susbielle, commandant l'infanterie divisionnaire, précise ainsi qu'il suit le plan d'engagement de ses trois régiments.

L'objectif intermédiaire sera : pour le 1er zouaves, les pentes comprises entre la voie ferrée et la route exclue Longpont - Villers-Hélon, à hauteur du méridien passant par les dernières maisons est de Violaine; pour le 9ème tirailleurs, la partie de Violaine située au nord du chemin (exclu) Longpont - Louâtre; pour le 13ème tirailleurs, la partie de la localité située au sud de ce chemin (inclus).

Le premier objectif sera : pour le 1er zouaves, les petits bois au nord-est de Villers-Hélon, entre ce village et la cote 136 où se fera la liaison avec la 38ème division; pour le 9ème tirailleurs, le village de Villers-Hélon, y compris le château au nord jusqu'à la route (exclue) Longpont -Blanzy, pour le 13ème tirailleurs, le sud de Villers-Hélon jusqu'au mamelon 196, à la lisière est du bois d'Auvrai (liaison avec la 128ème division). Le 1er zouaves manoeuvrera Villers-Hélon par le nord, le 13ème tirailleurs par le sud, pour faciliter l'attaque de front du 9ème tirailleurs.

Le deuxième objectif sera successivement : pour le 1er zouaves, le bois de Mauloy (partie sud), la cote 190 au nord de Blanzy, les bois à l'ouest du Plessier-Huleu, la station au sud de Grand-Rozoy; pour le 9ème tirailleurs, la cote 195, Blanzy et la partie est de Saint-Rémy-Blanzy, la ferme du Fronteny, la Baillette; pour le 13ème tirailleurs, les pentes sud de la cote 195, la partie ouest de Saint-Rémy-blanzy, la ferme de Géroménil, Oulchy-la-Ville et Oulchy-le-Château. Le bataillon de queue du 9ème tirailleurs, en réserve d'infanterie divisionnaire, franchira la Savières à l'heure H et progressera à 500 mètres en arrière du 2ème bataillon de ce régiment.

Un peloton de cavalerie marchera avec le général de Susbielle, pour assurer la liaison entre celui-ci, les trois régiments et les divisions voisines. En outre, six cavaliers seront attribués à chacun des trois chefs de corps, pour leur permettre de se relier avec le commandant de l'infanterie divisionnaire, dont le poste de commandement initial sera aux carrières à l'est de la ferme La Grille.

Le 17 juillet, est reçu et notifié par la division l'ordre qui prescrit de déclencher l'attaque le 18 à 4 h. 35. Dans la journée du 17 et la nuit du 17 au 18, l'artillerie allemande ne fait preuve que d'une faible activité. Vers minuit éclate un orage d'une extrême violence, qui, s'il rend pénible la mise en place de nos unités, contribue, par contre, à dissimuler notre concentration aux organes d'observation ennemis, couvre le bruit produit par les chars d'assaut et laisse après lui une brume légère qui va favoriser la surprise.

A la 48ème division, une modification très importante a été, au dernier moment, apportée au plan d'engagement. On se rappelle qu'à l'heure H, quatre bataillons devaient avoir passé la Savières; en réalité, le 18 juillet à 4 h. 35, huit bataillons sur neuf (deux du 1er zouaves, trois du 9ème tirailleurs), c'est-à-dire presque toute l'infanterie de la division se trouvent massés sur la rive est de la rivière.

Aucun ordre écrit ne semble avoir été donné pour prescrire cette modification; malgré toutes les recherches, il n'a pas été possible d'en déterminer l'auteur, non plus que de préciser le moment où elle a été décidée, car les renseignements fournis par les exécutants sont contradictoires. Le général Niessel, commandant le 11ème corps, ayant été évacuée, le général Prax était, le 17, appelé au commandement de cette grande unité: il était remplacé lui-même à la tête de la 48ème division par le colonel Schuhler, commandant la 2ème brigade marocaine, nommé général et pourvu d'une lettre de service.

Le général Prax quitte le poste de commandement de le 48ème division au carrefour de la Croix-de-Guise vers 14 heures. Quant au général Schuhler, il n'a connu sa promotion que vers midi 30, pendant qu'il déjeunait à Vivières (5 kilomètres nord de Villers-Cotterêts) chez le général Daugan, commandant la division marocaine: il rejoint, vers 15 heures, le poste de commandement de la 48ème division. Ni lui, ni le général Prax, ni le général de Susbielle ne se souviennent d'une façon précise avoir décidé de pousser sur la rive est de la Savières un plus grand nombre de bataillons qu'il n'avait été décidé le 16.

Toutefois, il nous semble difficile que le général Schuhler, qui ne connaissait pas son nouveau secteur, ou le général de Susbielle, qui n'était qu'en sous-ordre, aient pu prendre au dernier moment une résolution aussi grave: des ordres verbaux à ce sujet ont peut-être été donnés par le général de Prax, au cours d'une conférence qu'il a tenue le 17, à 9 heures, au poste de commandement du général de Susbielle, en présence des trois chefs de corps et du colonel Picheral, commandant l'artillerie de la division mais nous n'avons pu obtenir aucune certitude à cet égard. Il est possible aussi que ce soient les chefs de corps, ou tout au moins un ou deux d'entre eux, qui, se trouvant sur place, aient pris au dernier moment l'initiative de cette audacieuse mesure en ce qui concernait leur régiment.

III. - Attaque du 18 juillet (1ère phase): prise de Violaine et de Villers-Hélon

Le 18 à 4 h 35, éclate tout à coup une formidable canonnade; les 1.500 pièces de la Xème armée ouvrent le feu à la fois, et l'infanterie des neuf divisions en première ligne entre l'Aisne et l'Ourcq s'élance à l'assaut. Le haut commandement ennemi, qui n'a redouté une offensive française de grand style que jusqu'au 15 ou au 16 juillet, est complètement surpris: Ludendorff s'était rendu à Mons, quartier général du prince Rupprecht de Bavière, commandant un groupe d'armées et c'est là que, dans la matinée, il recevra la première nouvelle de notre attaque d'ensemble.

La 115ème division allemande, à trois régiments, qui tenait depuis quelque temps le secteur en face de notre 48ème division, est en cours de relève par le 3ème division de réserve, elle aussi à trois régiments; l'accroissement d'effectifs qui en résulte pour nos adversaires est compensé par le fait que la 48ème division va les surprendre en flagrant délit de manoeuvre. Dans les deux divisions ennemies, les compagnies ne comptent guère d'ailleurs que 60 à 70 fusils. En outre, les organisations défensives allemandes n'ont pu être perfectionnées et présentent encore le caractère de travaux en fin de combat. De plus, les blés très hauts qui couvrent la crête de Villers-Hélon favorisent l'infiltration et nuisent à l'action des mitrailleuses de la défense.

L'attaque de la 48ème division, dans la journée du 18 juillet, comporte deux phases bien distinctes : la première, de 4h 35 à 8 h. 50, sera caractérisée par l'enlèvement rapide de l'objectif intermédiaire et du premier objectif qui ont été assignés aux trois régiments; au cours de la deuxième, la progression sera vite enrayée et le terrain conquis sera beaucoup moins important.

A l'aile gauche de la division, se trouve, on le sait, le 1er zouaves, sous les ordres du lieutenant-colonel Pompey. Le 4ème bataillon (commandement Simondet) et le 5ème bataillon (capitaine Texier) sont massés, avant le déclenchement de l'offensive, sur la rive est de la Savières, utilisant comme abris les carrières de la cote 126, le tunnel et le talus de la voie ferrée de Paris à Soissons. Le 4ème bataillon, bataillon de tête, dispose d'une section du génie, des engins d'accompagnement du régiment et de quatre sections de mitrailleuses du 5ème bataillon. Le 11ème bataillon (capitaine Faure) est rassemblé près de la ferme La Grille, détachant à Longpont une compagnie et une section de mitrailleuses, dont la mission sera d'assurer, au cours de la bataille, la liaison avec le 4ème zouaves, à l'aile droite de la 38ème division.

A 4 h. 35, dès les premiers coups de canon, les zouaves s'élancent en avant avec leur ardeur habituelle , le bataillon Simondet en tête; le bataillon Texier débouche aussitôt derrière lui, et prend en marchant a distance de 500 mètres. Le succès de l'assaut ne tarde pas à s'affirmer, et, dès 5 h. 55, le bataillon Faure reçoit du lieutenant-colonel Pompey, l'ordre de suivre les 4ème et 5ème bataillons et de franchir à son tour la Savières. A 6 heures, le chef de corps est avisé par le commandant Simondet que le 4ème bataillon a dépassé l'objectif intermédiaire et qu'il est arrivé à hauteur de la corne ouest du bois d'Auvrai.

A 7 h. 10, une deuxième note du même officier rend compte que son unité déborde Villers-Hélon par le nord, et se trouve entre ce village et le moulin du même nom; le renseignement ne tarde pas à être confirmé par l'aviation. La lutte a été conduite avec autant de brio que de méthode par le commandant Simondet et le capitaine Texier. 300 prisonniers environ sont restés entre nos mains, et beaucoup de mitrailleuses ont été capturées par infiltration; une batterie de 77, tirant des projectiles débouchés à zéro et dont les pièces ont été servies jusqu'au dernier moment par des officiers, a été, avec l'appui d'un de nos chars d'assaut, enlevée à la baïonnette par la 15ème compagnie, sous les ordres du lieutenant Boivert.

Ces beaux résultats n'ont pas été sans coûter au régiment quelques pertes: le capitaine Texier, atteint de deux balles de mitrailleuses, a dû être remplacé, à la tête du 5ème bataillon, par le capitaine Ginestet; le lieutenant Boivert a été blessé peu après la prise de la batterie dont nous venons de parler.

A 7 h. 40, le commandant du 1er zouaves prescrit de continuer l'offensive sur le premier objectif. La progression reprend, mais le terrain au nord-est de Villers-Hélon est balayé par les rafales de mitrailleuses et battu par les feux violents d'artillerie. Le chef d'escadrons Loewenbrück, adjoint au lieutenant-colonel Pompey; le capitaine Bernot, commandant la 13ème compagnie; le lieutenant Chauvin, chef de section à la 17ème compagnie, ainsi que de nombreux hommes de troupe, sont tués ou grièvement blessés. Néanmoins, à 8 h. 50, le 1er zouaves est maître du 1er objectif et il arrive à hauteur de la cote 136 (1 kilomètre est-nord-est de Villers-Hélon), où il se met en liaison avec le 4ème zouaves (38ème division). Le lieutenant-colonel Pompey transporte de la ferme La Grille à Villers-Hélon son poste de commandement.

Le 9ème tirailleurs (lieutenant-colonel Clavery) est placé au centre de la division. Avant l'attaque, il est tout entier passé sur la rive est de la Savières. Le 2ème bataillon (commandant Bidaut) est en première ligne. Le 3ème (capitaine Adam) en soutien, a mis à la disposition du bataillon de tête la 11ème compagnie pour le nettoyage de Violaine, du bois d'Auvrai et de Villers-Hélon. Le bataillon Bidaut est, de plus, renforcé par les engins d'accompagnement du régiment: un canon de 37 et deux mortiers Stokes. Quant au 1er bataillon (capitaine Chaput), réduit à une centaine d'hommes et qui devait constituer la réserve d'infanterie divisionnaire, il a été laissé à la disposition du chef de corps et doit rester, au début, massé derrière la voie ferrée.

A 4 h. 35, le régiment s'élance avec un élan magnifique; les compagnies s'échelonnent dans les deux bataillons de tête qui prennent, en marchant, leur distance de 500 mètres. Vers 5 h. 30, Violaine et la cote 186, entre cette localité et Villers-Hélon, sont occupés presque sans pertes; quelques mitrailleuses, très vite enlevées, ont seules gêné la marche; 50 prisonniers, dont plusieurs officiers, sont faits en quelques minutes. Dès 6 h. 30, le lieutenant-colonel Clavery, qui avait établi son poste de commandement dans les carrières de la cote 126, le transporte à Violaine, où il est établi à 7 heures et où de nouveaux prisonniers sont faits dans les caves.

Pendant ce temps, les 12 chars d'assaut du groupe, mis à la disposition du régiment et rassemblés à la ferme Chavigny, se sont mis en mouvement à 4 h. 35; ils ont traversé la Savières au pont de Longpont; puis, le passage en dessus au sud-est du village n'ayant pu encore être réparé, ils tournent à droite, longent la voie ferrée et la franchissent près de la ferme Catifet à un passage à niveau improvisé par l'infanterie, le passage en dessous voisin étant trop étroit pour pouvoir être utilisé par eux; ils gravissent le vallonnement situé à l'est de la ferme et rejoignent les tirailleurs vers 6 h. 30, à peu près au moment où ceux-ci reprennent la marche sur le premier objectif; les chars appuient la progression de l'infanterie; ils contribuent à la capture de la batterie de 77 enlevée par le 1er zouaves et à la prise de nombreuses mitrailleuses, en particulier d'un nid comprenant jusqu'à 12 de ces meurtriers engins.

Villers-Hélon et son château, débordés au nord par le 1er zouaves, au sud par le 13ème tirailleurs, sont très vite enlevés. Le 1er bataillon du 9ème tirailleurs, porté de Catifet à Violaine, est utilisé pour relier par coureurs le lieutenant-colonel Clavery à ses unités de première ligne et au général de Susbielle. Mais, lorsque le régiment veut déboucher de Villers-Hélon, il est quelque temps arrêté par des rafales de mitrailleuses. Néanmoins, à 8 heures, le premier objectif, constitué par le boqueteau à l'est du village, est atteint sans grosses pertes; dès 9 heures, le poste de commandement du lieutenant-colonel Clavery est installé au château de Villers-Hélon. Dans cette première phase, le régiment a fait plus de 200 prisonniers et capturé un grand nombre de canons ainsi que beaucoup de mitrailleuses.

Le 13ème tirailleurs, qui forme l'aile droite de la division, s'est, avant le déclenchement de l'attaque, massé tout entier à l'est de la voie ferrée. Le 3ème bataillon (commandant Mouzac), en première ligne, doit détacher sur son flanc droit une demi-compagnie et une section de mitrailleuses, pour assurer la liaison avec la 128ème division; il est, par contre, renforcé d'une demi-compagnie prélevée sur le 1er bataillon, et qui fournira les nettoyeurs de terrain. La section du génie, qui devait marcher avec lui, n'a pas rejoint à temps, et ne pourra être utilisée de la journée. Le 1er bataillon (capitaine Monbet) est en deuxième ligne. Le 2ème bataillon (capitaine Kratzert), en réserve de division, et qui devait franchir la Savières à l'heure H, a été, avant 4 h. 35, porté, lui aussi, à l'est de la voie ferrée, derrière le 1er bataillon.

A 4 h. 35, le bataillon Monzac "colle" au barrage roulant et se jette sur l'ennemi avec un superbe brio. Le bataillon Monbet se porte, lui aussi, en avant et prend sa distance en marchant; il est suivi de près par le bataillon Kratzert. Dès le début de la progression, le bataillon Mouzac reçoit sur sa droite des feux de mitrailleuses qui partent d'un boqueteau situé au nord du bois Madame, dans le secteur de la 128ème division; une fraction de la demi-compagnie de liaison fait face de ce côté et la progression se poursuit. Vers 5 h. 30, Violaine, dont la partie sud constitue pour le régiment l'objectif intermédiaire, est enlevé de concert avec le 9ème tirailleurs. Une centaine de prisonniers ont été faits et quelques mitrailleuses capturées. A 6 h. 20, la progression reprend, et le 3ème bataillon attaque par le sud Villers-Hélon, abordé de front par le 9ème tirailleurs.

La gauche du 1er bataillon suit le 3ème, mais la droite converse peu à peu vers le sud; la 128ème division, en effet, n'a pas encore réussi à déboucher sur la rive est de la Savières, et la liaison a été perdue avec elle. Une des compagnies du bataillon Monbet est ainsi amenée, vers 7 h. 30, à occuper Louâtre, qui se trouve dans le secteur de la 128ème division. Néanmoins, le bataillon Mouzac parvient, vers 7 heures, à enlever la partie sud de Villers-Hélon, de concert avec le 9ème tirailleurs. L'aumônier du régiment qui suit les vagues d'assaut ramasse à lui seul 13 prisonniers dans une cave.

Le commandant Mouzac tente aussitôt de déboucher du village, mais il est arrêté par un nid de mitrailleuses établi à la corne méridionale du boqueteau à l'est de la lisière. Le sous-lieutenant Minerve se jette avec sa section sur cet îlot de résistance et l'attaque de front et à revers; en quelques minutes, il s'en rend maître, fait une trentaine de prisonniers et enlève toutes les mitrailleuses. A 7 h. 40, le 13ème tirailleurs, ayant légèrement débordé sur le secteur du 9ème, est maître des mamelons 196 et 191 (500 mètres sud de Villers-Hélon), qui constituent son premier objectif. Le lieutenant-colonel Morin, dont le poste de commandement initial se trouvait au sud-est de la ferme Catifet, le transporte à Villers-Hélon.

Au cours de cette première phase, l'infanterie a été très bien appuyée par l'artillerie. Le barrage roulant a facilité la marche en avant, puis s'est fixé à 300 mètres à l'est du premier objectif, lorsque celui-ci a été conquis. Les batteries lourdes, après avoir bombardé Violaine et Villers-Hélon, ont transporté leur tir sur le bois de Mauloy et le mamelon 196 (cabane cantonnière). Quant à l'artillerie allemande, elle a déclenché sur la vallée de la Savières, dix à quinze minutes après le début de notre offensive, un barrage qui est devenu rapidement très nourri; mais la 48ème division, grâce à son dispositif d'attaque, n'a pas eu à en souffrir. En définitive, elle a progressé de 3 km. 500 en trois heures et demie, et fait un important butin; surtout, elle a conquis la crête de Villers-Hélon, dont nous connaissons l'importance.

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