LE 224ème RI, DE LA 5ème D.I. ATTAQUE EN DIRECTION DE SAINT RÉMY BLANZY

La bataille de l'Ourcq du 26 mai 1918

Souvenirs de Monsieur Fernand Lemarchand du 224ème RI.

Avant propos:

Après les offensives allemandes sur Amiens et sur la Lys stoppées en février 1918 après de cruels sacrifices, Ludendorff résolut d'attaquer sur la ligne Chauny -Berry au Bac face au Chemin des Dames, d'illustre mémoire le 26 mai 1918, 42 divisions d'élite sur 45 km - 5 combattants par mètre - 2 batteries d'artillerie de 77 tous les 100 m et 180 batteries lourdes et obus toxiques, aviation en masse .

En face d'eux :

a) L'armée Duchesne et un contingent britannique tous rescapés des batailles d'Amiens, de la Somme et de la Lys. 15000 combattants environ, infime minorité balayée par une écrasante supériorité en nombre et en matériel jusqu'à la lisière de la forêt de Villers-Cotterêts pourtant restée inviolée (Rappelez-vous des sacrifices de Troesnes - Longpont - Corcy etc. Chapeau bas devant leurs sépultures.

L'armée Mangin arrive et voici la 5ème DI, 74ème RI Rouen, 5ème RI Falaise, 224ème RI Bernay, le mien, 22 Cie, et le 43ème RAC Caen.

Dans la soirée du 17 juillet 1918, nous partons dans la direction de Corcy à travers la Forêt. De longues files de camions français, américains s'allongent tous feux éteints suivis d'interminables colonnes d'artillerie sous une pluie battante et d'un feu d'artifice d'éclairs et de tonnerre incessants, le tout en ordre, sans heurts.

Et l'on s'enfonce. Et l'on s'enfonce. Je passe à proximité d'une batterie d'artillerie. Un éclair fulgurant. D'autres éclatements d'obus, au bruit mat, ceux-là. C'est de l'hypérite et de la Croix-Verte. Personne n'a de masque à gaz. Plein les narines!!! Demain et les jours qui suivront, idem. Je le paierai très cher bientôt. Suivez-moi! Nous arrivons. 4 heures. C'est l'aube et sans doute l'invalidité, ou la mort? 4h45. En avant et que ça saute ! Voila la Savières et Corcy. La 128ème D.I. nous précède, bouscule la Garde allemande (des vrais de vrais), le 5ème RI et le 74ème RI suivent et le 224ème ensuite. Nos copains jonchent le marécage et la rivière. Des cadavres vont à la dérive. Pauvres gars, fauchés par des mitrailleuses dissimulées dans le buisson de Hautwison. Le 5ème DI parvient enfin à passer et fait face à la vallée du Gros Chêne puis dans le courant de l'après-midi dans le bois Hautwison et la ferme La Loge capturant en même temps quantité de matériel de concert avec le 74ème RI à la ferme Lionval. Le 224ème RI nettoie le Bois aux Juifs et fait prisonniers 5 officiers et 43 soldats pour s'emparer ensuite après un combat acharné de la lisière du bois des Brussettes. Avec l'aide du 169ème RI (128ème DI) toute la 1ère ligne est enlevée. C'est la guerre de mouvement qui commence. Elle va durer 8 jours et 7 nuits.

Ma 2ème nuit est tombée.

En pleine bataille.

Je souffre horriblement des entrailles. En avant quand même. Marche ou crève! Suis l'exemple des martyrs. Me voici sur le plateau. 4 heures. St. Rémy Blanzy brûle entièrement, des sections de noirs se tenant par l'épaule, les yeux brûlés, se dirigent à la queue-leu-leu vers leur poste de secours. J'ai noué mon pantalon avec un morceau de ficelle, ça va plus vite, vous me comprenez. Et puis complètement à plat, vidé, harassé. Mais marche donc nom d'un nom. Les copains attendent le renfort. Au surplus là-bas sur la droite, à 1 km, une ferme auprès d'un bois. Patience. L'escouade pénètre dans le bois, ou la corne de la forêt pour le liquider le cas échéant. Soudain, des rafales de mitrailleuses et d'obus toxiques, un vrombissement d'avions roses (ceux de Goering je crois), un assaut de tanks britanniques récupérés sur l'Ailette par les Allemands, c'est la contre-attaque, le 224ème se défend avec les moyens du bord, pied à pied, s'abritant qui derrière un canon allemand, qui au pied d'un arbre, qui dans un trou d'obus, d'autres debout.

Invalides, morts et mourants ajoutent leurs noms à ceux qui reposent dans les céréales avoisinantes. Un copain du Tréport, le front, le bras droit déchiqueté, un tout jeune aspirant le ventre ouvert retient affalé ses entrailles de ses deux mains, on le transportera dans une toile de tente au poste de secours de la ferme de Fonteny où il mourra devant moi car n'en pouvant plus de souffrance et de fatigue, je l'ai accompagné. Je me suis tout d'abord soulagé dans mon pantalon pour la nième fois depuis la veille, un peu plus ou un peu moins ? excusez-moi s.v.p. cher lecteur. Ne portant pas de marque extérieure de blessure, j'ai cédé ma place aux invalides et me suis ensuite présenté devant le major qui constata en présence des glaires blanchâtres, gluantes et sanguinolentes compliquées d'une muqueuse d'anus à vif, que j'avais été victime de cette atmosphère toxique dont j'avais subi les premières atteintes dans le bois de la Savières. Il m'épingla une fiche de couleur ?, une ambulancière américaine Y.M.C.A. me fit asseoir à coté d'elle malgré mon odeur putride afin de pouvoir transporter le maximum de blessés allongés, me déposa en gare de Betz, sauf erreur, et je me retrouvais dans un lit à l'hôpital de Mantes la Jolie, ligne SNCF Paris-Rouen, pour y subir un traitement à base d'opium et de calomel et d'eau de riz durant 25 jours.

Retour sans convalescence au centre divisionnaire.

Réincorporé à la 22ème Compagnie du 224ème RI, fusilier mitrailleur. Attaque le 7 septembre de la ferme Mennejean (Nanteuil la Fosse). Mon chef de section, Sous-Lieutenant. Lecomte est tué à mes cotés en montant à l'attaque. Je le pleure encore aujourd'hui. Moi-même blessé le 15. Evacué sur Crépy en Valois. Proposé pour citation à l'ordre de la Brigade. Ceci clôt ma participation à la bataille de l'Aisne.

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