LA 13ème D.I. ENGAGÉE AU DÉBUT DE LA BATAILLE DE LA MARNE

La 13ème D.I. se compose en Mai 1918 du 21ème, du 109ème R.I., du 20ème et 21ème B.C.P.. Elle est appuyée par le 62ème R.A.C. et un Groupe du 121ème R.A.L., ainsi que par un Escadron du 4ème Chasseurs à Cheval. Ce texte a été publié en 1926 dans "La revue militaire française" par le Lieutenant-Colonel Laure et le Commandant Jacottet.

A - Exposé des faits.

De la fin de 1917 au 17 mai 1918 - Transport de la division dans l'est et engagement sur le front des Vosges.

Retirée du front de la Malmaison, la 13ème D.I. gagne la zone de Crécy-en-Brie, où elle reste, en réserve générale, du 4 novembre au 7 décembre 1917. Puis elle est embarquée le 8 décembre, aux gares avoisinant Meaux, pour Villersexel, Villers-le-Sec, Gènevreuille, Lure, sur les arrières de la VIIème armée (général de Boissoudy, P.C. à Lure). Le 13 décembre, elle est mise à la disposition du 40ème C.A. (général Chrétien, Q.G. à Beaumont) pour exécuter des travaux défensifs à la frontière suisse : son Q.G. fonctionne le 15 à Sochaux.

Un mois plus tard, après avoir fait mouvement par voie de terre vers la zone du Thiollet, elle passe sous les ordres du général commandant le VIème C.A. (général de Mitry, à Gérardmer) pour relever la 56ème D.I. dans le secteur de Wesserling, encadrée par les 66ème D.I. au sud et 43ème D.I. au nord. Le secteur qui lui est ainsi affecté s'étend sur un front de 15 à 16 kilomètres.

La première position est constituée essentiellement par une ligne de résistance que couvrent à courte distance des éléments de ligne de surveillance et qu'étayent de près des amorces de ligne de soutien.

Une position intermédiaire est ébauchée sur les pentes courant à 2 à 3 kilomètres à l'ouest de la précédente.

La deuxième position est jalonnée dans toute sa longueur par la grande crête qui, se détachant au sud du Rheinkopf, longe à l'est la vallée de la Thur.

La division est complètement établie dans son secteur le 22 janvier. Elle a pour mission d'assurer en toutes éventualités la possession de la vallée de la Thur en interdisant d'une façon absolue à l'ennemi l'accès des crêtes qui commandent cette vallée.

Les moyens extraorganiques suivants lui sont attribués: deux groupes de 75 de l'A.C. 21, un groupe de 65 de montagne, un groupe de 95, un groupe de 120, une batterie de 90, trois postes demi-fixes de défense contre avion, le 7ème B.T.C.A., une compagnie de skieurs du 28ème B.C.P., deux compagnies de mitrailleuses de position, quatre équipages muletiers, deux compagnies de muletiers, une section d'équipage canin, une section d'équipage bovin, une section d'âniers, trois ambulances alpines.

Un sous-secteur nord, aux ordres du lieutenant-colonel commandant le 21ème R.I. (lieutenant-colonel Clément-Grancourt) est subdivisé en trois "quartiers", tenus respectivement par le bataillon de chasseurs territoriaux et par deux bataillons du 21ème R.I. Sa réserve est d'une demi-compagnie, prélevée sur les unités en ligne dans la vallée de la Fecht.

Un sous-secteur sud, aux ordres du lieutenant-colonel commandant le 109ème R.I. (lieutenant-colonel Randier), se subdivise également en trois quartiers, tenus respectivement par un bataillon de chasseurs actif et par deux bataillons du 109ème R.I. Sa réserve est de deux demi-compagnies prélevées sur les unités en ligne au sud et au nord de la Lauch.

Le commandant de l'infanterie divisionnaires (colonel Bourgeois) est vers le Breitfirst, ayant auprès de lui une compagnie prélevée sur le second des bataillons de chasseurs.

Restent en réserve d'armée: un bataillon du 109ème R.I. à Wesserling; un bataillon de chasseurs vers Oderen; un bataillon du 21ème R.I. entre Oderen et Wildenstein.

L'artillerie est articulée en : un groupement d'appui du sous-secteur nord, subdivisé lui-même en deux sous-groupements correspondant au compartimentage du terrain; un groupement sud; un groupement d'artillerie lourde formant groupement d'ensemble pour la contre-préparation offensive et la contre-batterie. L'ensemble est aux ordres du colonel commandant le 62ème R.A.C. (colonel Huin) installé près du commandant de l'infanterie divisionnaire; les commandants de groupement sont près des commandants des sous-secteurs.

Les P.C. de la division et du corps d'armée sont respectivement à Wesserling et à Gérardmer.

A partir du 1er avril, la division s'étend au sud en absorbant le secteur de la 66ème D.I. jusqu'au sud-est de Thann, et , dès lors, elle tient un front de quelque 29 à 30 kilomètres de développement. Elle est renforcée à cet effet par: une brigade territoriale à deux régiments (83ème et 84ème R.I.T.) de trois bataillons à trois compagnies et une compagnie de mitrailleuses; deux bataillons de chasseurs alpins territoriaux (1er et 3ème B.T.C.A.); un bataillon du 143ème R.I.T.; une deuxième compagnie de skieurs du 28ème B.C.P., trois groupes de 75; un groupe de 65 de montagne; un groupe de 90; un groupe de 120 L.; un groupe de 220 M.; et divers éléments de secteur, équipages, ambulances, qui viennent à peu près doubler la dotation réalisée dans le secteur de Wesserling.

Le nouveau front est divisé en deux "segments", respectivement aux ordres du commandant de la brigade territoriale (nord) et du commandant de l'infanterie divisionnaire (sud), chaque segment se décomposant en "sous-secteurs" et en "quartiers".

Aucun événement notable n'est à signaler pendant l'occupation de ces secteurs. Il y règne cependant une réelle activité de patrouilles, embuscades, coups de main et même reconnaissances profondes à l'intérieur des lignes de l'un et de l'autre front, mais ce ne sont jamais là que des incidents isolés et ne donnant pas lieu à l'intervention des réserves.

Du 12 au 17 mai, la division est relevée par la 77ème D.I. Elle est rassemblée, les 18 et 19, dans la zone du Thillot, d'où elle est enlevée en chemin de fer à partir du 24 à destination de l'ouest.

Les 27 et 28 mai 1918 - Engagement, dans la région de Fismes, contre les forces adverses exploitant leur succès

La 13ème D.I. est débarquée, à partir du 24, aux gares de Dormans, Epernay, Oeuilly et regroupée dans la zone de Ville-en-Tardenois sur les arrières du groupe d'armées du nord (général Franchet d'Espérey) et de la VIème armée (général Duchêne). Ses derniers éléments (artillerie, génie, escadron) ne parviennent dans leurs cantonnements que le 26 mai vers 20 heures.

Il est prévu que la division exécutera une période d'instruction au camp de Ville-en-Tardenois. Mais, à 19 heures, un représentant de la commission régulatrice automobile d'armée vient prendre contact avec l'état-major pour établir le plan d'enlèvement en auto, conformément aux dispositions concernant toutes les grandes unités en réserve.

Un message téléphoné le 26 à 23 h 15 par l'état-major du G.A.N. alerte la division, qui doit se tenir prête à quitter ses cantonnements en camions après un préavis de trois heures au maximum, l'artillerie devant, dans ce cas, se mettre en route immédiatement par voie de terre. Puis, à 23 h 40, arrive un ordre de la VIème armée, annonçant l'imminence d'une attaque ennemie sur le front de l'armée, d'après les déclarations de prisonniers qui viennent d'y être capturés. Le général de division, tout en respectant le repos des troupes, fait mettre aussitôt, par les officiers de son état-major, les chefs de corps au courant de la situation.

Au cours de la nuit, un bruit sourd donne à penser que la préparation d'artillerie ennemie est commencée; dans certains cantonnements, les troupes sont même incommodées par des gaz arrivant du nord.

Le 27, à 5 h 05, l'état-major du G.A.N. téléphone: "La 13ème division fera mouvement à partir de 9 h 30, soupe mangée", sans aucune indication sur la direction à prendre. A 5 h 30, arrive, par l'intermédiaire de la commission régulatrice automobile d'armée, un ordre de transport pour la journée du 27 mai: pour le gros des éléments combattant à pied, vers la région Romain - Jonchery; pour les autres éléments à pied, vers le région de Fismes. L'artillerie devra se mettre en route le plus tôt possible vers Jonchery et Unchair.

A 9 h 30, l'artillerie divisionnaire (trois groupes du 62ème R.A.C. et 5ème groupe du 121ème R.A.L.) est en mouvement, aux ordres du colonel Broutin. L'infanterie divisionnaire, aux ordres du colonel Bourgeois, est sur les chantiers d'embarquement, attendant les camions: elle comprend le 21ème R.I. (lieutenant-colonel Weiler), le 109ème R.I. (lieutenant-colonel Randier), le 20ème B.C.P. (commandant Schaffer) et le 21ème B.C.P. (commandant Burtaire).

La division se trouvant orientée vers la gauche du front anglais, le général Martin de Bouillon, commandant la division, et le commandant Folliet, chef d'état major, quittent à 10 h 15 Romigny et se rendent, pour prise de contact, au P.C. du 9ème corps anglais à Jonchery. Deux officiers de l'état-major de la division et l'officier interprète sont envoyés à Romain pour préparer l'installation du P.C. et assurer les liaisons avec les troupes anglaises et françaises de la région; Deux autres officiers de l'état-major assurent la permanence à Romigny pour régler les embarquements: à 11 h 15, ils y reçoivent un ordre rectificatif de la VIème armée rejetant le dispositif de la 13ème D.I. de 6 kilomètres vers l'ouest.

Les officiers de la permanence de Romigny modifient en conséquence les destinations et cela sans difficultés, les embarquements n'ayant encore commencé, savoir : Fismes, pour le Q.G., le 20ème B.C.P., le I/62, le V/121, le P.A.D., le génie, la santé; Magneux, pour le 21ème B.C.P., le II/62, le III/62; Merval, pour le 109ème R.I.; Romain, pour le 21ème R.I. Ils font prévenir l'artillerie, qui est déjà en mouvement, le général de division et la permanence de Romain.

Les embarquements commencent à 13 heures pour les 109ème et 21ème R.I.; à 14 heures, pour les compagnies des 20ème et 21ème B.C.P. de Jonquery; à 14 heures, pour le reste de la division d'infanterie. Les troupes partent sans avoir reçu d'autres indications sur la situation que celles qui ont été données aux chefs de corps le 26 mai au soir.

Les officiers de la permanence de Romain reconnaissent que la gauche anglaise est au nord de Ventelay, et se trouvent cependant eux-mêmes sous le feu de l'artillerie. Ils voient défiler sous leurs yeux une quantité de travailleurs, de trains régimentaires, de troupes, d'artillerie lourde, d'éléments d'aérostation, etc. ..., et on leur annonce que les Allemands, après avoir franchi l'Aisne, progressent rapidement vers le sud. Ils recherchent alors des abris, des organisations défensives et des observatoires, pour faciliter l'entrée en ligne du 21ème R.I.; qu'ils attendent d'un instant à l'autre, mais, vers 13 heures, ils se trouvent au contact immédiat de l'ennemi. Ils prennent aussitôt le parti d'envoyer l'officier interprète au carrefour 500 mètres nord de Breuil, puis, de là, vers celui de la ferme Voisin, afin de prévenir de la situation le 21ème R.I. et de l'inviter à progresser, après débarquement, en formation de combat.

Ils se portent ensuite sur Fismes; ils trouvent la ville violemment bombardée et constatent que des avions mitraillent ses rues ainsi que les routes qui y accèdent. Au central téléphonique, ils captent un message du général commandant le 22ème division française et s'en trouvent mieux éclairés sur la situation: les Anglais se replient vivement, et, à leur flanc ouest, les Allemands s'infiltrent rapidement dans une brèche béante; L'un des officiers d'état-major se porte en hâte sur la route de Fismes à Saint-Gilles, pour arrêter le 109ème R.I. et le mettre sur ses gardes en vue du franchissement de la Vesle en formation de combat; l'autre officier s'efforce de constituer un P.C. de division et d'établir les liaisons.

A 14 h 45, le général de division et le chef d'état-major arrivent à Fismes, d'où le général de division repart aussitôt, appelé auprès du général commandant le 21ème C.A. Le chef d'état-major prend sous ses ordres le 15ème groupe d'automitrailleuses, présent à Fismes; il lui donne mission de reconnaître et de retarder l'ennemi en direction de Perles, Vauxcéré, Merval; puis, il fait alerter le 4ème groupe d'automitrailleuses, qui est au repos à Ville-Savoye, et lui donne une même mission, en direction de Baslieux-les-Fismes, Glennes; enfin, il cherche la liaison avec le XIème C.A. sous les ordres duquel un officier de l'état-major de l'armée lui à dit que la 13ème D.I. était momentanément placée.

A 16 h 30, le général Franchet d'Espérey vient au P.C. de la division, et, après avoir été mis au courant de la situation, donne l'ordre d'empêcher l'ennemi de s'installer sur les crêtes au nord de la Vesle, puis de contre-attaquer pour en chasser les éléments qui y seraient déjà installés. Il y a peu de chances pour que cet ordre soit exécutable, tant les événements se précipitent, mais, afin de mettre tout en oeuvre pour qu'on puisse s'y conformer, les officiers de l'état-major, en automobile et à bicyclette, partent en reconnaissance au nord de la Vesle.

A 18 heures, le général de division revient, ayant en mains les instructions du général commandant le 21ème C.A., sous les ordres duquel la division est, à ce moment, placée. Vers la même heure, les troupes débarquent et les officiers d'état-major arrivant de la Vesle peuvent faire au général un résumé des renseignements qu'ils ont recueillis.

La situation de l'ennemi semble être la suivante : des éléments des 10ème D.R., 10ème D.I., 28ème D.I., 5ème D.G. progressent entre Vauxcéré et Romain; en arrière marche la 36ème D.I. et, peut-être aussi, la 231ème D.R.; chaque division paraît avoir, en première ligne, deux régiments (avec chacun, deux bataillons en tête, un en soutien) et un régiment en réserve; l'artillerie suit le mouvement. Des contacts sont pris vers Vauxcéré, Blanzy-les-Fismes, cote 182 (route Merval-Fismes), cote 180, Arbre de Romain. Des infiltrations se produisent dans le ravin de la cote 106 (sud de Vauxcéré), aux lisières nord de Perles, dans les ravins au sud de Blanzy et entre les cotes 182 et 180. Un groupe ennemi s'est même avancé vers l'usine Roland, a passé la Vesle et pris sous son feu la tête du 21ème B.C.P. qui descendait de camions à la sortie est de Magneux. De l'artillerie allemande prend position au nord de Blanzy-les-Fismes et vers la cote 180 (sud-est de Glennes). Des avions mitraillent les convois de camions, les colonnes et les troupes.

La 1

Du côté français, la situation se présente ainsi :

- entre Vauxcéré et la croupe ouest de Baslieux, des éléments des C.I.D. 22 et C.I.D. 157, deux bataillons du 109ème R.I. et quelques hommes d'un bataillon cycliste anglais sont en retraite et manquent de munitions;

- dans le ravin de Baslieux se trouve encore une compagnie anglaise;

- vers le Hameau et Romain, un bataillon du 21ème R.I. vient de franchir la Vesle à Breuil; les 13ème et 4ème groupes d'A.M.C. s'efforcent de retarder l'avance allemande;

- au sud de la Vesle, l'état-major et trois compagnies du 20ème B.C.P. sont dans les boqueteaux sur les pentes nord de la croupe de Mont-Saint-Martin; un bataillon du 109ème R.I. est au sud de Fismes, à cheval sur la route de Courville : ces éléments cherchent en vain à établir, vers Bazoches et Ville-Savoye, la liaison avec la 157ème D.I. et rendent compte que notre gauche est découverte;

- le 21ème B.C.P. a été attaqué à son débarquement et notre front, aux abords de la cote 179, a été disloqué : sur les pentes ouest, se trouvent deux compagnies du 20ème B.C.P. et, sur les pentes est, le 21ème B.C.P. avec 3 compagnies vers Unchair, deux compagnies vers Magneux; entre le 20ème B.C.P. et le 21ème B.C.P. la liaison n'est pas réalisée et la route semble ouverte à l'ennemie;

- le 21ème R.I. tient Courlandon et Breuil, en liaison au nord de la Vesle, vers le Moulin-des-Bois (800 mètres nord-est de Breuil), avec les Anglais;

- le I/62, qui était en batterie au sud de la Cense et a dû sous la pression ennemie amener ses avant-trains, prend position sur le plateau de Mont-sur-Courville pour appuyer le 109ème R.I.; le V/121 s'établit, dans le même but, sur les pentes nord-ouest de Crugny;

- le III/62, en batterie au sud de la cote 182 (est de Courville), et le II/62, en batterie près du V/121, appuient le 21ème B.C.P. et le 21ème R.I.;

- les deux compagnies du génie organisent les lisières nord de Fismes et construisent des passerelles;

- les trains régimentaires sont rejetés de Crugny vers le sud;

- le P.C. de la division s'installe en fin de journée à la mairie de Saint-Gilles.

En résumé, la division est engagée sur un front de 12 kilomètres. Elle se relie à l'est aux Anglais. Elle est découverte à l'ouest (aucune troupe amie n'a été rencontrée par des patrouilles poussées jusqu'à Saint-Thibaud et Mont-Notre-Dame). Elle est menacée d'une poussée ennemie sur son centre, où existe une brèche de 1.500 mètres.

La 13ème D.I. le 28, 29, 30 Mai et 1er Juin1918

Dans le cours de la nuit du 27 au 28, une liaison peut être établie avec la 4ème D.C., qui a mission de prolonger la gauche de la division "à la place de la 157ème D.I. totalement dissociée". Mais les troupes de cette division de cavalerie ne pourront entrer en ligne que le 28 vers 10 heures et, au lever du jour, le 28, la 13ème D.I. se trouve encore dans la même situation que le 27 au soir: son centre reste très sérieusement menacé; sa gauche est en l'air, l'ennemi s'infiltrant vers le bois de Dôle. Pour coordonner les actions sur ses deux flancs, le général de division décide, à 7 h 15, de constituer deux groupements: l'un à l'est, sous les ordres du lieutenant-colonel Weiler, avec le 21ème R.I. et le 21ème B.C.P.; l'autre, à l'ouest, sous les ordres du lieutenant-colonel Randier, avec le 109ème R.I. et le 20ème B.C.P., chaque groupement laissant un bataillon en réserve de division d'infanterie. En outre, deux compagnies du C.I.D. se porteront en échelon défensif vers Cohan.

L'artillerie, aux ordres du colonel commandant l'artillerie divisionnaire, s'établit sur les plateaux nord d'Arcis-le-Ponsard, Mont-sous-Courville, avec ordre d'appuyer les deux secteurs à leur demande.

Le P.C. de la division fonctionne à Mont-sous-Courville.

Les Allemands reprennent, vers 7 heures, l'offensive sur la gauche de ce dispositif. Attaqué de trois côtés et menacé d'être tourné par l'ouest, le groupement Randier se replie péniblement, après un violent combat de rues, sur Chéry-Chartreuve, Saint-Gilles, où il s'arrête vers 10 heures. A ce moment les patrouilles de cavalerie ne trouvent à la gauche de la division d'infanterie que quelques éléments épars des C.I.D. 157 et C.I.D. 22. Enfin, vers 10 h 30, le 20ème B.C.P. prend contact, bien à l'ouest de la limite assignée à la division (méridien de Mont-sous-Courville) et au sud de Chéry, avec les cuirassiers de la 4ème D.C.: ceux-ci font connaître que le P.C. de leur division est vers "les Bons Hommes".

Pendant ces événements, les Anglais, vivement attaqués, se replient le long de la voie ferrée les Venteaux - Jonchery, laissant le groupement Weiler en flèche. Sous une attaque semblable à celle qu'a reçue le 109ème R.I. deux heures plus tôt, le 21ème R.I., après avoir subi de lourdes pertes au nord de Breuil, se replie sur les hauteurs sud de Unchair, Vendeuil. Deux bataillons du 413ème R.I. de la 154ème D.I se trouvent au sud de ces localités.

Ainsi, le front de la division est momentanément redressé et la poche poussée en son centre tend à disparaître: mais l'ennemi progresse alors vers Mont-sous-Courville, trouve l'artillerie divisionnaire découverte, la saisit sous un feu violent de mousqueterie et lui inflige de graves dégâts: les batteries réussissent pourtant à se dégager et à se replier vers le sud, sous un feu violent de 105 et de 150.

Le P.C. de la division, qui fonctionne depuis le milieu de la matinée à Arcis-le-Ponsart, se déplace vers le sud, pour se soustraire à cette nouvelle ruée vers le centre du dispositif, et s'établit à Lagery à 17 heures.

Au cours de l'après-midi, la 4ème D.C. rompt le contact avec le 20ème B.C.P. et la 5ème D.C. s'intercale entre elle et la 13ème D.I., sans qu'un ordre supérieur ait fixé en temps utile la délimitation des zones d'action. Il en résulte que, vers 18 h 30, lorsque le groupement Randier reçoit une attaque qu'il voyait se préparer devant lui depuis 14 heures, il ne se sent pas étayé à sa gauche, par où s'accentue justement la manoeuvre tendant à le déborder, et il est violemment rejeté sur le bois de la ferme Raray et sur Dravegny; le commandant de la 5ème brigade légère prend alors sous ses ordres les éléments de la 13ème D.I. qui viennent ainsi de se mélanger à celles de ses unités qui se déployaient à ce moment au sud de Longeville et le colonel Randier voit près des deux tiers de son groupement qui lui échappent.

Par contre-coup, le manque de liaison entre le groupement Randier et le groupement Weiler s'accentue, et l'ennemi s'infiltre entre le bois des Moines et le bois des Cinq-Piles. Vers la tombée de la nuit, l'escadron et deux compagnies du C.I.D., réserve de division d'infanterie, peuvent former un barrage dans ce défilé et assurer la liaison; mais, dans la nuit, le 21ème R.I. perd la partie nord du bois des Moines et se rétablit sous bois.

L'artillerie, déployée de la ferme Rozoy (nord de Vézilly) aux abords de Lhéry, peut, dans la soirée, assurer à l'infanterie l'appui de ses feux.

Du 29 mai aux premiers jours de juin - Rétablissement sur les plateaux du Tardenois

Le 29, entre 3 et 4 heures du matin, le 21ème B.C.P. est au contact avec la 154ème D.I. vers la station de Prin-sur-l'Ardres. Nous tenons la ferme 2 kilomètres nord de Brouillet, la partie moyenne du bois des Moines, le carrefour des routes de Cohan à Lagery et d'Arcis-le-Ponsart à Vézilly. Le front passe ensuite par Igny-l'Abbaye, le bois d'Aiguisy, la corne ouest du bois de Rognac où le 109ème R.I. est dans une situation assez imprécise. Plus à l'ouest, fractions mélangées du C.I.D. 157 et du 20ème B.C.P. La soudure avec la 5ème D.C. se fait vers Villomé. L'artillerie de 75 de la division a un groupe au nord de Romigny, un groupe au bois Lanaux, un groupe près de Berthenay. A l'artillerie lourde, une batterie est près de la station d'Olizy, une autre près de la station d'Anthenay: des deux batteries ont peu de munitions; la 3ème batterie, sans munitions, a dû rejoindre la colonne légère.

Le général de division maintient la répartition de son infanterie et donne à chaque groupement un groupe d'artillerie d'appui direct. Il se réserve un groupement d'action d'ensemble (un groupe 75, le groupe 155), pour pouvoir intervenir suivant les événements. L'escadron divisionnaire aura pour mission de rechercher et de resserrer les liaisons avec les divisions voisines. Les deux compagnies du génie, qui ont combattu depuis deux jours dans les rangs de l'infanterie, se porteront sur Aougny et y installeront un centre de résistance. Les trains de combat et trains régimentaires viendront au nord de Villers-Agron. Le C.I.D. 13 se reconstituera à Verneuil. P.C. de la division: à Villers-Agron.

A 6 heures, deux bataillons de la 19ème D.I. britannique arrivent derrière la gauche du groupement Weiler: ils forment l'avant-garde de leur division, qui débarquera au cours de la journée dans cette partie du champ de bataille, mais sans artillerie.

Vers 7 h 30, le général Putois, commandant la 20ème D.I. qui arrive en renfort de la 13ème D.I., se présente à Villers-Agron au général de Bouillon. Il met à sa disposition deux bataillons du 25ème R.I., qui sont immédiatement dirigés sur Vézilly pour étayer la gauche de la division; un groupe d'artillerie, qui s'établit vers le bois Lanaux avec même mission identique; et deux compagnies du génie, qui devront être poussées sur Vézilly pour y organiser un centre de résistance.

A l'ouest, la 5ème D.C., avec des groupes lui appartenant en propre et celles du groupement Randier qu'elle a cru, la veille, devoir prendre sous ses ordres, résiste difficilement à la pression continue et violente des Allemands: au cours de la matinée, ceux-ci s'emparent des plateaux entre Coulonges et Cierges, si bien que le flanc de la 13ème D.I. est à nouveau gravement découvert.

A midi, le général de Bouillon est informé qu'il forme la gauche d'un commandement Féraud (1er C.C.) et que la 5ème D.C. forme la droite d'un commandement Degoutte (21ème C.A.) agissant à l'ouest du précédent. L'ennemi, comme s'il avait pressenti ou éventé le point faible qu'allait constituer la soudure entre ces deux commandements; accentue en même temps sa menace d'enveloppement contre la gauche de la 13ème D.I. ... Pour parer à ce danger, les généraux Féraud et Degoutte forment, dans l'après-midi, un groupement Rey (une brigade de cavalerie, un bataillon d'infanterie, de l'artillerie et du génie), mais celui-ci ne pourra pas, dans la journée, produire un effet utile.

Au groupement Randier, qui a été dès le matin, on l'a vu, renforcé par des fractions de la 20ème D.I., ordre est donné, vers 16 heures, de libérer ces éléments qui doivent, eux aussi, appuyer à l'ouest après avoir été relevés par des unités de la 1ère D.C.: bataillon à pied de la 11ème brigade de dragons, 1er groupe cycliste et un groupe de 75. En raison des incessantes attaques ennemies se développant autour du bois Meunière, ce retrait est impossible pendant la journée: vers 22 heures, un bataillon de la 20ème D.I. pourra enfin être remplacé par le bataillon de cavalerie de la 11ème B.D. et ramené, en réserve, à Villers-Agron.

C'est également vers 16 heures que les unités épuisées du 21ème R.I. et du 21ème B.C.P. doivent, sous la pression de l'ennemie, reculer jusqu'au bois de la Vente (nord d'Aougny), à la cote 172 et au carrefour 2 kilomètres sud de Lhéry, où se fait la liaison avec des éléments anglais.

A 18 heures, très forte attaque des Allemands, qui atteignent Vieux-Vézilly et les premiers maisons de Vézilly. Le groupement Randier occupe les abords ouest du bois de la Vente et d'Aougny avec le génie et deux compagnies fournies par le 20ème B.C.P.; la cote 237 est tenue par un bataillon du 25ème R.I. (puis, le soir, par le bataillon de cavaliers du commandant Collet); Vézilly, le bois de Vézilly et Morte Fontaine sont défendus par un bataillon du 25ème R.I. et par le 109ème R.I.; le 1er groupe cycliste est aux lisières nord du bois Meunière.

Plus à l'ouest, le terrain semble être vacant de groupes françaises. Les débris des C.I.D. 157 et 22 et d'une compagnie du 20ème B.C.P. forment un point d'appui, en arrière du groupement Randier sur la croupe nord de Goussancourt. Les deux dernières compagnies du 20ème B.C.P., qui ont servi pendant la journée d'arrière-garde à la 5ème D.C., arrivent le soir, exténuées, à Dormans. A la nuit, l'artillerie divisionnaire a deux groupes au sud du bois Lanaux, un groupe vers Aiguisy, un groupe vers la cote 212 (Anthenay); le groupe lourd, qui n'a plus de munitions, est sur roues en bordures de la route de Verneuil à Vandières. Le 1er groupe d'automitrailleuses, qui a été mis dans la matinée à la disposition du général de division, favorise, le soir, le décrochage de Lagery et de Goussancourt. Le général de division transporte à 20 heures son P.C. à Olizy-Violaines. Le P.C. du groupement Féraud (1er C.C.) vient à Vandières.

Depuis le matin, la 13ème D.I. n'a reculé que de 3 à 4 kilomètres, malgré la pression ininterrompue de l'ennemi et la constante menace pesant sur sa gauche découverte. Les cadres et les hommes, engagés sans arrêt depuis trois jours dans une lutte déprimante, sont absolument exténués. Le commandement décide de faire préparer une position de repli derrière la division. Cette mission incombe à la 120ème D.I. (général Mordacq) qui s'établit sur la ligne générale Champvoisy - Sainte-Gemme - Romigny.

Le général de Bouillon conserve son dispositif en deux groupements, ayant chacun son artillerie d'appui direct, et garde un groupement d'ensemble, renforcé par le groupe de l'A.D.C. 1. Il réitère à chacun la mission de résister sur place et d'assurer la conservation de la route Romigny - Verneuil, conformément à l'ordre formel du général d'Espérey. Il fait savoir au groupement Randier que le groupement Rey doit tenir la lisière ouest du bois Meunière et le plateau de Ronchères. Il fait rétrograder les trains de combats et convois sur Dormans et le P.A.D. sur Orquigny.

Le 30 mai, vers 2 heures, les Allemands, qui ont intercalé sur le front la 36ème D.I. et la 103ème D.I., commencent sur tout le front de nouveaux préparatifs d'attaque. A 3 h 15, ils forcent le 109ème R.I., le bataillon Collet et le 21ème R.I. à reculer jusqu'au front bois de Lanaux - Aougny, cote 172. A 4 heures, ils avancent sur le front Aougny - Goussancourt; malgré la résistance de toutes nos troupes, en particulier des automitrailleuses à Goussancourt et des compagnies du génie à Aougny, nous reculons jusqu'à la bifurcation 2 kilomètres est de Goussancourt, à Villers-Agron, Forzy, Berthenay et Romigny.

Après un temps d'arrêt, l'ennemi reprend son mouvement d'infiltration par le bois Meunière et la Garenne de Villers-Agron, refoulant sur Saint-Gemme le groupe cycliste, les C.I.D. 157 et 22. Puis, son artillerie, en position vers le bois de Rognac et de Vézilly, prépare l'attaque du village de Villers-Agron, que nous perdons vers 8 h 30, après un corps à corps auquel participe le groupe automitrailleuses.

Pendant ces actions, l'artillerie divisionnaire a dû faire reculer, par échelons, deux groupes du 62ème vers les environs de la Maquerelle, le 3ème groupe du 62ème et le groupe de la 1ère D.C. jusqu'à la hauteur des Grands-Essarts. Le groupe de 155 C., qui cherche à se réapprovisionner, est en position au sud de la Marne.

Le P.C. de la division, d'abord installé à la sortie nord du bois de Rarrey, y a subi un bombardement par avions et s'est transporté au voisinage de la cote 227 (est de la ferme des Grands-Essarts). Vers 10 heures, le 21ème R.I., avec deux compagnies du 21ème B.C.P., occupe le mouvement du terrain Olizy et Violaines, Jonquery, face au nord, en liaison vers Romigny avec la division anglaise; le gros du 21ème B.C.P. est en réserve vers Baslieux: ces éléments sont mélangés avec ceux du 86ème R.I. (de la 120ème D.I.) déployé sur le front cote 212 - bois de la cote 250, et en liaison avec la 40ème D.I. qui commence à déboucher à Jonquery. Le 109ème R.I. et le 25ème R.I. tiennent la crête de la ferme Letemple, sur laquelle se trouvent également, vers la cote 212, des fractions du 86ème R.I. Un bataillon du 109ème R.I. et des unités du 20ème B.C.P. occupent la ferme Belle Idée et la cote 207, barrant la vallée de Semoigne par laquelle les Allemands cherchent à s'infiltrer.

Le groupe cycliste de la 1ère D.C. et un bataillon du 408ème défendent le village de Saint-Gemme et le défilé entre ce village et la ferme du Temple. Le bataillon Collet, de la 11ème brigade de dragons, est à la ferme le Chemin. Les C.I. D. 157 et 22, avec une compagnie du 20ème B.C.P., sont au bois de Trotte et à Trotte. La portion principale du C.I.D. 13 et les convois sont dirigés vers le sud de la Marne, sur Chère-la-Reine.

Le général de Bouillon se rend à 10 heures auprès du général Féraud, commandant le 1er C.C., et lui rend compte de la situation enchevêtrée de la 13ème D.I. avec la 120ème D.I. Il est aussitôt décidé qu'on constituera deux secteurs de division d'infanterie (120ème et 13ème); mais, en raison des attaques de l'ennemi, on ne peut mettre fin au mélange des unités et le général Mordacq, qui a pris le commandement de l'ensemble du front tenu par les deux divisions, doit conserver en ligne toutes les troupes qui y sont engagées. A droite de ce front, la 40ème D.I. s'engage, pour étayer la gauche anglaise.

La 13ème D.I. commence à être retirée dans la nuit du 30 au 31, mais la plupart de ses unités ne tardent pas à être rappelées en ligne.

A 6 heures, en effet, la 120ème D.I. fait alerter le groupement Randier : celui-ci est envoyé en soutien du groupement Rey, sur Trotte, les bois de Trotte et de Rarrey, où il entre en contact avec l'ennemi et est réengagé dans la bataille.

A 7 h 30, les compagnies du génie sont dirigées sur les bois des Grands-Essarts pour les organiser; dans la journée elles seront poussées dans le bois de Rarrey en soutien de l'infanterie engagée.

A 9 heures, le groupement Weiler est chargé de tenir les lisières du bois de Rodenat, Montigny et Chatillon. Il doit flanquer le ravin de Cuisles et le ravin de Baslieux pour arrêter les infiltrations ennemies.

A partir de ce moment et jusqu'au 4 juin matin, où ils seront remis à da disposition du général de Bouillon, ces deux groupements auront des destinées différentes.

Le groupement Randier tiendra, mélangé aux troupes de la 120ème D.I., le front bois de Rarrey, Trotte et Pareuil; il y subira des bombardements constants par gros obus (150) et obus toxiques et repoussera plusieurs attaques en particulier dans la matinée du 2 juin. Arrivé à l'extrême limite de fatigue, il sera retiré dans la nuit du 2 au 3 et se trouvera, le 3, à 8 heures : 20ème B.C.P. à Port-à-Binson; 109ème R.I. (à 2 bataillons), au Prieuré de Port-à-Binson. Il en repartira dans la nuit du 6 au 7, pour rentrer dans le secteur sud de la Marne en voie d'organisation sous les ordres du général de Bouillon.

Au groupement Weiler, pendant la même période, le 21ème R.I. restera sur sa position du 31 et y travaillera à l'organisation d'une "deuxième position"; le 21ème B.C.P. sera poussé en première ligne dans la nuit du 1er au 2 juin sur la croupe nord de Cuisles, entre le bois de la Cohette et le nord du château de Cuisles, pour assurer la liaison entre la 40ème D.I; et la 120ème D.I. Le 21ème R.I. sera rassemblé le 5 au matin à Montigny et le 21ème B.C.P. à Baslieux, d'où ils rejoindront, dans la nuit du 5 au 6, la 13ème D.I. Le génie aura une compagnie en soutien de l'infanterie au bois de Rarrey, une autre à l'organisation de Chatillon : elles rejoindront la division d'infanterie dans la nuit du 5 au 6. L'artillerie restera à la disposition de la 120ème D.I. et de la 40ème D.I. jusqu'à la nuit du 8 au 9 juin, et ralliera, par voie de terre, la division dans la zone de la Cheppe (IVème armée).

Le général de Bouillon reçoit, le 3 au soir, le commandement et la charge de l'organisation du front sud de la Marne. Il exerce ce commandement d'abord avec des troupes de la 1ère D.C. et une brigade anglaise, puis avec cette même brigade anglaise et les troupes de la 13ème D.I.

Du 7 au 11 juin, la division garde la Marne de Dormans à Boursault : Quartier général à Igny-le-Jard.

A partir du 12 juin, elle est transportée - les troupes à pied en camions, les trains et les convois par voie de terre - vers la IVème armée (général Gouraud) et s'installe dans la zone de la Cheppe (Q.G.).

B. - Renseignements statistiques

1.) Du 22 janvier au 17 mai, la division a occupé défensivement, sans incidents notables, un front stabilisé de 22 kilomètres de développement en moyenne (15 à 16 kilomètres du 22 janvier au 31 mars et 29 à 30 kilomètres du 31 mars au 17 mai).

Du 27 mai aux premiers jours de juin, elle a combattu en retraite sur un front moyen de 9 kilomètres et une profondeur de régression de 22 kilomètres, aboutissant à un rétablissement ferme sur les plateaux du Tardenois.

2.) Densités d'engagement des hommes et des matériels, par kilomètre et par jour, compte tenu de toutes les unités ayant combattu dans les rangs de la division.

Différentes armes

Vosges

Tardenois

Fusils ou mousquetons (1)

195

514

Fusils à grenades (1)

36

94

Fusils-mitrailleurs (1)

12

31

Mitrailleuses (2)

4,8

8,8

Engins d'accompagnement canons de 37

0,5

1

                                       Mortiers Stokes

1

2,2

Canons de campagne de 65

0,75

"

                                     de 75

2,8

4,2

Canons lourds courts

0,15

1,3

Canons lourds longs

1,65

"

Avions de C.A. et d'armée(peu nombreux)

(1) Chaque compagnie d'infanterie emmène au combat environ: 130 fusils, 24 fusils à grenades et 8 fusils-mitrailleurs.(2) 2 compagnies de mitrailleuses par B.C.P. et 3 par R.I., à 8 mitrailleuses par compagnie.

3.) Nombre de combattants ayant été engagés sur le front de la division (unités organiques et rattachées) :

Différentes Armes

Vosges

Tardenois

Fantassins servant les armes légères

9.537

7.875

Fantassins servant les mitrailleuses

1.660

1.040

Artilleurs

3.120

1.200

Sapeurs et travailleurs divers

1.700

1.000

Totaux

16.037

11.265

4.) Pertes :

Pertes quotidiennes et totales

Vosges

Tardenois

Quotidiennes

3,57

313

                       , dont pour l'infanterie

3,50

295

Totales

417

2.825

Pourcentage des pertes totales par rapport au nombre des combattants engagés

0,26

25

5.) Quelques hommes de la classe 1918 sont arrivés dans les corps en remplacement des hommes des classes anciennes remis à la disposition du ministre pour les besoins de l'intérieur. Mais cet appoint de jeunes est peu important et la moyenne d'âge des combattants reste assez élevée : de vingt-six à vingt-sept ans.

C - Commentaires

Position principale de résistance, avant-postes et services de renseignements

Au début de 1918, on commence à admettre dans la troupe, conformément aux directives réitérées venant du grand quartier général, qu'on ne doit plus occuper les différents secteurs du front en dispositif serré sur l'avant, comme si l'on devait être prêt en permanence à partir à l'assaut : qu'il faut se préparer à y combattre "en profondeur", avec le gros de ses forces établi sur une "position principale de résistance" soustraite aux investigations des coups de main de l'adversaire et à l'action de démolition de ses minenwerfer. On se résigne ainsi à accepter, à priori, l'abandon d'une certaine partie des terrains avancés et à les considérer comme le champ d'action d'avant-postes ayant mission d'assurer aux gros la possibilité d'occuper leurs emplacements d'alerte.

Dans cet esprit, nous nous sommes efforcés, à Wesserling, de nous échelonner rationnellement, mais nous n'avons jamais pu définir avec exactitude la meilleure répartition à faire de nos effectifs entre les "avant-postes" et la "position principale de résistance" : dans ce secteur tourmenté et boisé, en effet, il était difficile de faire un choix entre les points à tenir ferme et ceux dont l'abandon pouvait être consenti, tant on avait la hantise de conserver les meilleurs "observatoires", où qu'ils fussent, sur toute la profondeur du secteur à défendre. Notre préoccupation a été surtout de garder les points de passages obligés et les vallées ou crêtes pourvues de routes. Partout ailleurs, nous avons créé des zones passives, à la surveillance desquelles n'étaient affectés qu'un strict minimum d'éléments. En réalité, sur d'aussi vastes fronts, nous étions plutôt en couverture qu'en défensive et nous n'avions normalement rien à craindre de l'ennemi, tant qu'un renforcement de son dispositif ne nous serait pas signalé par nos services de renseignement. La recherche du renseignement était à juste titre, dans ces conditions, un de nos principaux soucis.

Nos observatoires généraux, ceux de commandement, d'infanterie et d'artillerie, avaient des champs se recoupant les uns les autres, embrassant, presque sans angles morts; les pentes des Vosges et la plaine d'Alsace jusqu'au Rhin : une action importante n'aurait pas pu être préparée contre nous sans que nous l'eussions éventée. Le jeu des écoutes terrestres et aériennes, malgré le brouillage que l'ennemi s'efforçait d'y apporter, contribuait aussi pour une large part à préciser nos investigations. Les emplacements de l'artillerie allemande nous étaient bien connus, grâce aux travaux conjugués des sections de repérage par observation terrestre, par les lueurs et par le son. Enfin, la division précédente avait laissé à notre disposition une documentation des plus nourrie que nous pouvions très utilement consulter et exploiter.

A l'abri de la couverture des avant-postes et à la faveur du renseignement, il s'agissait que les renforcement partiel ou totaux pussent s'effectuer rapidement en cas d'alerte, conformément à des ordres préparés en tous détails. Nous avions, à cet effet, un "plan de défense normal", prévoyant notre renforcement par tout ou partie des réserves locales et réserves d'armée existant dans le secteur, et aussi des "plans de défense bis" réglant l'entrée en ligne de nouvelles unités de toutes armes (pouvant aller, jusqu'à la valeur d'une division), ainsi que les manoeuvres ou mouvements à effectuer dans ces éventualités tant sur la position de résistance que sur celle de nos avant-postes, etc. ... Les données de ces plans bis variaient d'ailleurs souvent, suivant la situation et la dotation des réserves d'armée, et il en résultait, pour nous, la nécessité de travailler constamment à la refonte de nos dossiers.

Ainsi, notre vie en secteur stabilisé ne manquait pas d'une certaine animation, étant données l'étendue de notre front et l'attitude que prenait parfois l'ennemi devant nous. Nos troupes, ayant à garder des fronts très étendus, se perfectionnaient dans l'usage des moyens de transmissions et dans l'emploi de leurs engins pour asseoir de puissants systèmes de feux; elles revenaient progressivement à la notion capitale que les systèmes de feux doivent être calculés et établis surtout au profit d'une "position principale de résistance" et que la garantie de leur fonctionnement réside dans le jeu bien agencé des avant-postes et des services de renseignements.

Toutefois, pendant les quatre longs mois d'occupation du secteur de Wesserling, où presque tout le monde était en ligne, l'instruction en vue de la manoeuvre se trouvait négligée, les liens tactiques se distendaient et la pratique des opérations en terrain libre était complètement perdue de vue : la division n'allait pas tarder à en éprouver les graves inconvénients.

Champs de bataille d'armées -

Devant l'imminence des ruées allemandes, prévues pour le printemps, notre haut commandement a précisé ses instructions pour la conduite de la bataille défensive : celle-ci devra être préparée, dans chaque armée, sur un champ de bataille dont la position principale de résistance ne puisse être saisie sous les tirs massifs et ajustés de l'artillerie et des minenwerfer ennemis. Le commandement aura le devoir de consentir d'avance l'abandon d'une profondeur de terrain s'étendant, s'il le faut, jusqu'à plusieurs kilomètres, en n'y laissant que des avant-postes dont la consigne devra être nettement définie et en prenant toutes mesures utiles pour être "en forces" sur la position principale de résistance au moment où l'ennemi l'abordera.

Cette accentuation des instructions qui avaient été données au début de l'hiver ne va pas sans troubler profondément les commandants d'armée, de corps d'armée et de division, qui acceptent difficilement la perspective de ne plus défendre bien des points d'appui et des observatoires avancés dont la conquête a souvent coûté tant de sang, dont la conservation s'est illustrée de tant d'héroïsme ... Alors, dans beaucoup de secteurs, la position principale de résistance demeure confondue ou enchevêtrée avec celle des avant-postes et très insuffisamment retirée vers l'arrière.

Le général Pétain, commandant en chef, circule inlassablement sur le front, pour faire comprendre et imposer ses prescriptions. Il importe d'abord, dans chaque secteur, d'éviter la "surprise tactique", en laissant assez de champ entre la ligne de surveillance et la position de résistance pour que, avant d'attaquer celle-ci, l'ennemi soit contraint à démasquer son dispositif, même s'il l'avait camouflé avec le maximum d'art et de soin, à perdre un temps appréciable pour traverser le "no man's land" et déplacer ses batteries, à courir ainsi le risque d'une première dislocation de son système offensif. Par voie de conséquence, le haut commandement trouvera ainsi la possibilité de faire accourir vers le champ de bataille assailli les réserves que, pour se garantir contre la "surprise stratégique", il aura conservées, pendant la période d'attente, articulées sur les voies de rocade, à proximité des grands-carrefours des communications routières et ferrées.

Hindenburg et Ludendorff ont malheureusement commencé leurs grands assauts avant que, chez nous, les dispositions édictées fussent définitivement assises. Et, après leurs succès de la fin de mars au début d'avril, ils nous tiennent sous la menace de leurs nouveaux efforts, qu'ils restent libres d'orienter soit vers Calais par les Flandres, soit vers Paris par Compiègne ou par Soissons.

Parmi ces champs de bataille où l'incendie peut se rallumer d'un moment à l'autre, notre haut commandement interallié considère que le plus en danger est celui des Flandres, car l'armée britannique constitue momentanément le point faible du front, après l'épreuve du 21 mars : c'est donc vers notre gauche et en majorité au nord de l'Oise qu'il fait stationner nos principales disponibilités. Notre commandement français, au contraire, se sent directement et immédiatement menacé sur l'un des champs de bataille de Compiègne ou de Soissons : alors, ayant dû transférer le gros lot de ses disponibilités vers le nord de l'Oise, il s'en constitue de nouvelles en réduisant au minimum les effectifs consacrés à la garde du front en en appelant derrière son centre les quelques grandes unités (dont la 13ème division) qu'il lui a été ainsi possible de récupérer ...

Le commandement allemand prononce son offensive du 27 mai comme s'il avait la notion très exacte des difficultés que nous trouvons ainsi à ranger notre jeu et il fait preuve en la circonstance d'une remarquable perspicacité. Il nous surprend stratégiquement sur l'Aisne, dans des conditions encore meilleures qu'au 21 mars, car nos réserves sont au plus loin, alors qu'à cette dernière date nous en avions une grande partie à proximité immédiate du secteur attaqué. Il nous surprend tactiquement, en brusquant son irruption sur un de nos champs de bataille d'armée où le plan de défense n'avait pas encore été adapté aux instructions nouvelles et où l'on n'avait pu se résigner à l'abandon prédéterminé du trop célèbre "Chemin des Dames". Dans ces conditions, il réussit à capter la presque totalité de nos effectifs et moyens sur les hauteurs qui, au nord de l'Aisne, eussent dû constituer, non la "position de résistance", mais une sorte de position d'avant-postes; puis, abordant la rivière - vraie "position de résistance" sur laquelle eussent dû être repliés les gros de la défense locale et que les réserves disponibles n'ont pu occuper sur tout son développement - il la trouve vacante entre le 11ème corps français et le 9ème corps britannique, la force et la franchit.

Quelle difficulté alors pour notre division quand elle arrive sur la Vesle le soir du 27 mai, pour participer à l'aveuglement de la brèche, et se trouve inopinément ramenée aux pratiques de la guerre en terrain libre, dont elle était tout à fait déshabituée! Amenée en camions jusqu'au contact même de l'assaillant, elle s'est immédiatement déployée et a combattu en retraite pas à pas. Elle n'a eu que ses moyens organiques et, dans chacun de ses engagements partiels, elle n'a jamais pu les utiliser en totalité, car il lui fallait organiser des échelons de repli, couvrir ses flancs, faire face constamment à des situations imprévues et nouvelles.

Nous nous sommes plusieurs fois demandé s'il n'eût pas été préférable qu'on attendit, pour nous jeter dans la bagarre, que nos moyens d'appui fussent au complet, car la division eût été certainement plus forte si elle eût pu se couvrir, s'accompagner, s'encadrer du matériel qu'elle avait pris l'habitude d'utiliser dans le combat. Mais ce désidératum n'était pas compatible avec la situation : quatre ou cinq divisions disponibles arrivant sur la Vesle, même incomplètes et insuffisamment outillées, pouvaient commencer d'agir sur les lèvres de la plaie, pour les rapprocher l'une de l'autre; un jour plus tard, l'extravasion du torrent assaillant, non retardé, eût beaucoup plus largement débridé la plaie et, pour l'aveugler, dix ou quinze divisions eussent été nécessaires au commandement qui, ne les ayant pas sous la main, se fût alors exposé au plus grave désastre.

Débarquement et déploiement sous le feu -

Depuis plusieurs mois, le grand quartier général avait défini les conditions dans lesquelles les unités réservées devaient être rassemblées et articulées en vue de leur engagement éventuel. Les commandants d'armée avaient surtout à se préoccuper de leur assigner des emplacements d'alerte qui fussent à l'abri des vues et des coups, de leur faire exécuter avant leur entrée en ligne toutes reconnaissances nécessaires pour les orienter sur la situation locale et de définir exactement les missions qu'elles auraient à remplir.

Il semble que les événements aient été combinés, par quelque hasard malencontreux, pour mettre la 13ème division exactement à l'opposé de ces principes et pour la jeter dans la bataille, devant un ennemi victorieux, dans ces circonstances aussi désavantageuses que possible.

Le 26 soir, quand la division s'installe autour de Ville-en-Tardenois, la VIème armée fait étudier et préparer son utilisation éventuelle pour un renforcement soit de la gauche anglaise, soit de la droite du XIème corps, dans le cas où la deuxième position se trouverait menacée par un succès ennemi : on envisage qu'elle devra alors entrer en ligne sur les plateaux au nord de la Vesle ou sur cette rivière même pour en interdire les passage, et qu'elle aura donc à être amenée à 20 ou à 15 kilomètres de son centre de stationnement.

Lorsqu'elle a été ensuite effectivement alertée, il lui eût été facile de se déplacer en formation de combat, toute son artillerie étant prête à l'appuyer, et d'entrer en action au nord de la Vesle le 27 entre 14 et 15 heures. Elle aurait alors étayé les Anglais au bon moment et se serait utilement opposée à l'avance de l'ennemi, qui aurait été surpris de trouver là une résistance aussi sérieuse. Dans l'excellent état moral et physique où elle était, par un beau temps et sur un sol ferme, elle se trouvait dans les meilleures conditions pour procéder ainsi ...

Mais on avait perdu l'habitude des étapes à pied et on ne circulait plus qu'en camions ! En embarquant la division pour un trajet aussi court, on lui fit perdre trois à quatre heures pour sa mise en mouvement, on la scinda en plusieurs morceaux, on la priva de son artillerie. Tous les liens tactiques furent rompus et il fut impossible de les renouer au cours des journées suivantes. Les troupes, séparées de leurs voitures et de leurs organes de ravitaillement, durent transporter à bras tout leur matériel de combat.

Disloquées, les unités se sont engagées sur des renseignements vieux et incomplets. Les officiers d'état-major, liés à leurs autos, n'ont pu, malgré l'activité qu'ils ont montrée, parer au danger des débarquements sous le feu ennemi: s'ils étaient partis, à cheval, au-devant des colonnes et s'ils s'étaient fait éclairer par les patrouilles de l'escadron divisionnaire, ils seraient entrés plus tôt dans l'ambiance; ils auraient, sur le vif, saisi la situation et, d'après leurs indications, le commandement aurait pu déployer ses troupes dans le calme, en précisant leurs objectifs ou leur ligne de retraite, en examinant sans délai la position défensive sur laquelle il leur serait possible de se rétablir.

Les débarquements ayant dû s'effectuer brusquement et en deux zones distantes de 6 kilomètres, la division a été dès le début morcelée en deux groupements qui ne pouvaient pas se souder et entre lesquels l'ennemi s'est infiltré aussitôt : un bataillon de chasseurs s'est vu, à ce moment, coupé en trois tronçons qui ne se sont rejoints que sur la Marne ! A ces difficultés, s'est ajoutée notre incertitude sur la situation de notre gauche : de ce côté, nous n'avions aucun contact ami, nous nous sentions menacés d'enveloppement, et nous avons été obligés de nous étirer jusqu'à perdre toute consistance, du 27 au soir au 28 matin.

C'est dans ce secteur, en effet, que l'ennemi produisait son effort principal et la 157ème division était totalement insuffisante pour endiguer la ruée. Le 28 à 11 heures, un moment de répit nous a été laissé, quand nous sommes entrés en liaison avec la 4ème D.C. à notre gauche; mais la relève de cette division de cavalerie par la 5ème vint, dans la soirée, aggraver de nouveau le découvert de notre flanc. Car la 5ème D.C. prit position au sud des lignes que tenait la 4ème et nos troupes furent contraintes au recul, sous la pression d'une attaque ennemie sur leur gauche, qu'elles croyaient protégée par la cavalerie amie.

Nous ne savions d'ailleurs pas exactement si nous devions prendre nos ordres auprès du 21ème corps, avec lequel nous avions été d'abord jetés dans le trou béant au centre de la VIème armée, ou du 1er C.C. dont les éléments se mélangeaient aux nôtres, ou d'un organe de commandement nouveau qui, nous disait-on, allait recevoir la mission de coordonner les actions sur la partie est de la brèche. La prise de contact avec les autorités supérieures était d'autant plus malaisée qu'à tous les échelons de la division les chefs auraient cru manquer à leur devoir en s'installant délibérément assez loin du front : c'eût été cependant, pour eux, la seule possibilité de voir les ensembles, de coordonner l'action des éléments engagés et d'orienter logiquement les réserves.

Les commandants d'unités et les officiers d'état-major n'en auraient pas moins circulé parmi les combattants, pour soutenir leur moral et apprécier sur le terrain même le caractère des combats en cours, mais la fixité des P.C. et le meilleur fonctionnement des liaisons auraient évité bien des malfaçons. En se manifestant parmi les troupes, ces représentants du commandement leur auraient apporté une impression réconfortante de calme et d'ordre, au lieu de tourbillonner avec elles dans le chaos et de leur donner à penser qu'on était quelque peu désemparé.

Les combattants et leurs services de combat dans la bagarre -

La troupe a été extrêmement brave. Mais l'infanterie se composait, pour le plus grand nombre, de soldats jeunes dans les rangs desquels ne se voyaient à peu près plus de vétérans de 1914. Elle était inquiète lorsque l'alignement de la tranchée ou de la vague de tirailleurs venait à lui manquer, quand ses flancs se trouvaient être en l'air et dès que des coups de fusil, même isolés, se faisaient entendre derrière elle : aussitôt et irrésistiblement, elle amorçait un mouvement de repli.

C'est ainsi que, le 28 vers 23 heures, le bruit se répand que les Allemands se sont avancés au centre de la ligne dans les bois de Reims : immédiatement, toute la ligne s'affole; à Lagery, l'état-major de la division, découvert, exposé à être enlevé, doit en hâte se porter plus au sud ... Et cependant les Allemands ne s'emparent des bois de Reims que le 29 après-midi! Que s'est-il passé. Une cuisine roulante égarée s'est heurtée, le 28, vers 23 heures, à des isolés ennemis et a reçu d'eux quelques coups de fusil; ses servants, pris de panique, ont voulu lui faire faire demi-tour, l'ont renversée, puis abandonnée sur place où on l'a retrouvée le lendemain.

Résultat : les troupes engagées ont été pendant toute la nuit nerveuses et agitées, il a fallu déployer le plus sérieux effort pour les maintenir en ligne, et, le 29 au matin seulement, on a pu les convaincre qui ne les bois de Reims, ni ceux de Lhéry ne recelaient de pièges.

Le génie et l'artillerie, où les vieux soldats étaient plus nombreux, sont restés très calmes : les sapeurs ont fait courageusement le coup de feu et les canonniers, même pris en flagrant délit de mouvement sous des rafales de gros calibre, ont évolué souvent comme sur un champ d'exercices. Des batteries ont "tenu" et rempli leur tâche dans des situations extraordinaires, par exemple, celles qui, le 30 matin, se sont trouvées brusquement en avant de l'infanterie, au nord de Romigny.

En raison de l'instabilité des P.C., les liaisons et transmissions, qui avaient convenablement fonctionné le 27, ont été ensuite constamment défectueuses. Le téléphone était presque toujours coupé ou son installation ne pouvait être achevée. L'optique n'a eu aucun rendement, par suite de la mobilité des troupes et du peu d'habitude qu'elles avaient d'employer ce procédé. La T.P.S. (télégraphie par le sol) a rendu, au début, quelques services. La T.S.F. a été fort utile : la division a pu, par son poste à ondes entretenues, régler d'importantes questions pour la conduite du combat et le ravitaillement, en particulier le 29; elle a projeté d'établir "un axe de régression" et un "central T.S.F.", mais les événements sont allés trop vite pour le lui permettre. La liaison par avions n'a pas pu être organisée, notre aviation ayant été disloquée le 27 et n'ayant montré de nouveau ses appareils que le 30, date à laquelle l'aviation ennemie, jusque là très active, a commencé à se déplacer vers un autre secteur.

On s'est surtout servi, pour les liaisons, des officiers d'état-major à cheval ou en auto, des cyclistes, motocyclistes et cavaliers-estafettes. Mais encore les officiers ont-ils manqué de chevaux, les cavaliers ont-il été trop peu nombreux, et les motocyclettes, dont le nombre réglementaire avait été augmenté, ont elles fait défaut, la distribution n'en ayant pas été faite dans la plupart des corps.

Les états de matériel perdu, qui ont été établis après la bataille, ont fait ressortir de très gros déficits :

- moitié des mitrailleuses;

- un tiers des fusils-mitrailleurs;

- la presque totalité des chargeurs de fusils-mitrailleurs;

- plus de moitié des tromblons des fusils à grenades;

- deux tiers des outils.

Quelles sont les causes d'aussi lourdes pertes de matériel? Reconnaissons d'abord qu'il y a eu un certain laisse-aller, parfois même un manque de discipline réel parmi les hommes qui se sont totalement déshabitués de porter eux-mêmes "leur fourniment" sur de grandes distances et pendant longtemps. Par surcroît, l'arrimage défectueux des armes et des outils sur un équipement désuet n'était pas fait pour encourager à de meilleures pratiques. Il y avait une proportion trop grande d'armes automatiques pour les effectifs engagés dans ces opérations de mouvement : on abandonnait des mitrailleuses, pénibles à transporter, n'en gardant qu'un nombre proportionné aux munitions dont on pouvait se faire suivre. Il en était de même pour les fusils-mitrailleurs, que leurs servants considéraient d'autre part comme trop visiblement inférieurs aux "mitrailleuses légères" que leur opposait l'ennemi; notons aussi le danger que présente, pour son ravitaillement, une arme dont il faut regarnir les chargeurs sous le feu alors que, dans la lutte, le premier geste est de se débarrasser des chargeurs vides. Beaucoup de tromblons ont été également jetés, à partir du moment où le remplacement des grenades n'a plus été assuré.

Les difficultés de ravitaillement d'artillerie ont été très sérieuses. Pour le 75, au cours du repli, il a toujours été possible de trouver des projectiles; mais nos batteries de 155 C ont dû rester muettes pendant quarante-huit heures, car elles n'ont rencontré dans le secteur que des munitions modèle 1917 alors que leur matériel était du modèle 1915. L'utilisation de la "colonne de ravitaillement" a dû être abandonnée dès le premier jour et on en est revenu au procédé du "groupe des échelons". Les chariots de parc n'ont pas été utilisés. La section auto du groupe lourd a, par contre, rendu les plus grands services : elle a permis de constituer des dépôts avancés où venaient puiser directement les caissons de batteries.

Pour la première fois, le service de renseignements et d'observation de la division et des corps a eu à fonctionner en opérations de mouvement. Le service de la division a pu donner quelques indications au moment de la confection des ordres; il a réussi, par suite de circonstances heureuses, à établir dès le début un ordre de bataille des forces ennemies et des précisions sur leur répartition, leurs moyens, voire, en partie, leurs objectifs; il y a été normalement aidé par les corps. Mais il n'a pu faire plus, faute d'aviation et en l'absence de tout contact avec les services correspondants de corps d'armée ou d'armée. D'ailleurs, l'observation, à l'échelon division, n'a été organisée que par intermittences par suite du manque de personnel et des continuels déplacements des P.C.A. A l'échelon régiment, elle n'a pu fonctionner qu'au profit de la conduite immédiate des combats engagés par le corps.

En fait, le commandement n'a guère eu que des renseignements de prisonniers et les comptes rendus des constations faites par les officiers d'état-major pendant leurs incessantes allées et venues. L'ennemi s'est pourtant mis, plusieurs fois, dans le cas d'être pris en flagrant délit de manoeuvre devant la division qui, bien renseignée, eût pu le prendre utilement sous ses feux ou ses contre-attaques, en particulier, le 27 vers 18 heures au nord de Fismes, le 28, vers 15 heures, dans la région du bois de Dôle, le 29, vers le bois Rognac et Vézilly : mais il aurait fallu, pour qu'on pût en saisir les indices en temps utile, que les P.C. fussent plus stables, et que le personnel d'officiers observateurs fût en plus grand nombre et mieux outillé pour remplir sa mission.

Du côté allemand, il faut admirer la constance de la poussée générale; l'habilité de l'infiltration des petits éléments et des groupes de mitrailleuses légères, sous la protection des mitrailleuses lourdes : on cherche inlassablement à faire entendre le crépitement des mitrailleuses légères sur le flanc de nos unités, et c'est d'un effet moral infaillible ... La progression se fait de préférence par les crêtes boisées, par les régions défilées, par les couverts : les officiers ont reçu des cartes sur lesquelles ces cheminements favorables ont été indiqués d'avance.

L'emploi de l'artillerie est également basé sur la recherche des actions à grand effet moral : déluges brusques d'obus de tous calibres sur les emplacements de réserves, les villages et les carrefours; concentration de feux courtes et massives précédant de peu les attaques sur les centres de résistance.

L'aviation s'est montrée hardie et intervenant le plus souvent possible dans le combat, pour affirmer sa liberté de vol et, par là même, nous impressionner. Les ballons ont suivi avec rapidité et au plus près de leurs troupes.

La 13ème division, soudainement lancée dans une bataille particulièrement difficile, a justifié sa réputation : elle a ralenti l'ennemi et a fini par le contraindre à s'arrêter. Elle a fait ce qu'elle pouvait et ce qu'elle devait. Ludendorff, dans un ordre général daté du 10 juin, signalera spécialement la 13ème division française parmi celles qui ont enrayé son succès : "La résistance de cette division, écrira-t-il, a coûté la vie et la santé à de nombreux soldats allemands." Lorsque ce document, quelque temps après, est tombé entre nos mains et que nos hommes en ont entendu la lecture, ils ont éprouvé une légitime fierté de l'hommage ainsi rendu à leur vaillance.

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