COMPARAISON DES DEUX BATAILLES DE LA MARNE

Il arrive que, parfois, une confusion soit faite entre la 1re Bataille de la Marne et la 2e Bataille de la Marne…..

Nous allons essayer d'en dégager les différences et les rares points communs, par quelques regards successifs.

Situons nous dans le Temps et l'Espace :

La 1re Bataille commence, début septembre 1914, à la fin du 1er mois de guerre qui est désastreux pour les Alliés (Franco Britanniques) et se termine en 15 jours, elle se situe sur un champ de bataille gigantesque de Senlis à Verdun et de Provins à Nanteuil-le-Haudouin, le front est très étiré.

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La 2e commence après le catastrophique effondrement du front du Chemin des Dames, jusqu'à Château-Thierry, fin mai 1918, puis l'attaque «  Friedensturm  » le 15 juillet 1918, où les Allemands franchissent, victorieusement, la Marne, et se termine début Août, période, où les Allemands sont définitivement repoussés au Nord de la Vesle. La zone des combats se situe entre la Forêt de Villers Cotterêts, à l'Ouest, et la Montagne de Reims, à l'Est, et de la Marne à la Vesle. La densité des troupes présentes est importante car les Allemands avaient regroupé des forces considérables afin d'exploiter la percée au Sud de la Marne, si celle-ci avait réussi.

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Un peu moins de 4 années séparent ces deux énormes batailles, mais leur nature est complètement différente bien que le contexte stratégique soit très proche,

En effet, le remarquable Plan Schlieffen a prévu d'écraser d'abord l'Armée Française, l'été 1914, puis de retourner l'ensemble de ses forces contre la Russie dont les Allemands pensaient que la mobilisation serait longue et désorganisée. C'est donc une course contre la montre  !

De même, en 1918, les Allemands subissent les effets du blocus, commencent à être affamés et surtout l'arrivée prochaine des divisions américaines risque d'entraîner une inversion des effectifs en présence, sur le front ouest. Les Allemands récupérant de nombreuses divisions du front Est après la paix séparée avec les Russes. C'est donc, également, une course contre la montre, la guerre doit absolument être gagnée, à n'importe quel prix, avant l'hiver, pour les Allemands, qui savent que, pour eux, 1919 sera la défaite et la famine.

Le dénouement heureux, pour les Alliés, de ces deux batailles est radicalement différent.

Pour la victoire de Septembre 1914 on parlera de «  Miracle de la Marne  », nous verrons pourquoi, et pour la retraite allemande, au Nord de la Vesle, au début août 1918, on ne parlera pas de miracle, mais de supériorité tactique et stratégique, de coopération totale entre les Alliés.

Pourquoi, parler de “miracle” pour la 1re Bataille de la Marne ?

Les Français ont accumulé plusieurs erreurs ! Après la défaite, humiliante de 1870, la France se trouve privée de sa frontière naturelle sur le Rhin, et , très sagement, sur les conseils pertinents du Général Séré de Rivière, elle va concevoir sa stratégie sur la “défensive” derrière des fortifications artificielles puisque elle n’a plus de fleuve protecteur.

C’est un énorme effort financier de plus de trente années qui permettra de construire plusieurs lignes de forts, savamment disposés.

Jusqu’à la fin du 19e siècle, les Plans Français, successifs, de mobilisation et de compagne resteront fidèles à cette défensive, derrière et s’appuyant sur des fortifications en profondeur. Mais, l’aventure coloniale, a entrainé nos jeunes officiers à combattre dans des conditions, très différentes, des ennemis n’ayant rien de commun avec les Armées du type Européen. Viendra de là, l’idée saugrenue “d’offensive à outrance” popularisée par le lieutenant-colonel de Grandmaison et qui deviendra une mode qui s’imposera à tous les niveaux de l’Etat-Major. Il est curieux que la guerre des Boers (1901) et la guerre Russo-japonese (1905) n’aient pas attiré l’attention de l’Etat-Major Français sur les ravages que causait l’armement moderne en particulier l’artillerie sur l’Infanterie en terrain découvert ???

Donc, progressivement, l’Etat-Major et les hommes politiques français abandonneront la prudente “défensive derrière nos forts”, sur un terrain aménagé, pour une série d’offensives prévues vers l’Est et le Nord-Est, en terrain découvert,et que décrit le Plan XVII. Il est à noter que ce plan repose sur le postulat que les Allemands respecteront la Neutralité de la Belgique et que, au pire, ils passeraient, peut être, par le Luxembourg ?

Par comparaison, le plan allemand d’invasion, Schlieffen est un plan militaire secret datant de 1905, qui a intégré le danger des fortifications françaises créées depuis 1870 et qui sont considérées comme des obstacles redoutables par les Allemands, ce qui les a amenés à prévoir de tourner l’ensemble de ces fortifications en les “tournant par le nord, c’est à dire en violant la neutralité belge. Pour réaliser ce grand mouvement d’enveloppement par le Nord il faut une synchronisation parfaite entre les différentes Armées Allemandes sachant que les Allemands se doutent que la concentration française se fera au Nord-Est de l’Hexagone, rapidement, car la couverture ferroviaire française est excellente, ils ont besoin donc de l’effet de surprise et attaque la Belgique sans déclarer la guerre !

Ce plan a été mûrement réfléchi et a conduit à prévoir, pour la logistique, la remise en route immédiate des voies ferrées belges, après leur conquête, et la fabrication de pièces d’artillerie particulières destinées à écraser les forts de Liège et de Namur, l’obusier de 420 “Gross Bertha”.

L’exécution de ce plan va être facilitée par la conviction de l’Etat Major Français que les Allemands respecteraient la neutralité belge.Ainsi Joffre va attaquer au Nord de Nancy et en Alsace, avec des pertes considérables, puis il continuera “la bataille des frontières”, suite d’échecs, dus aux mêmes causes d’attaques imprudentes, sans reconnaissances sérieuses. Cette première période de méconnaissance du mouvement tournant des Armées Allemandes, prend fin avec la conviction du Général Lanrezac que l’essentiel des Armées Allemandes va passer au-delà de la Meuse, vers Bruxelles. D’abord réticent, Joffre acceptera, mais trop tard, que Lanrezac et sa Ve Armée fassent route vers le Nord Ouest, vers la vallée de la Sambre. Ce sera, la bataille de Charleroi, un échec de plus. !

Entretemps les Britanniques sont venus se placer à l’Ouest du dispositif français, ils réussiront à bloquer la Ire Armée Allemande à Mons, sur le Canal. Cette défaite vexera le Général von Kluck, qui voudra, absolument écraser cette “méprisable petite Armée Anglaise” De ce “grain de sable” découlera le “Miracle de la Marne”.

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Joffre, qui est un spécialiste de la gestion par voies ferrées, réagira, mais trop tard en transférant vers le nord et le sud de la vallée de Somme des divisions prélevées en Lorraine (future 6e Armée), sans Cavalerie ni Artillerie, elles seront décimées, comme à Moislain, par la Ire Armée Allemande. Cette dernière rattrapera l’Armée Britannique au Cateau et l’obligera à retraiter encore plus rapidement après cette victoire.

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Joffre choisit de faire retraiter toutes ses Armées vers le Sud afin d’éviter qu’elles ne soient, enveloppées, tournées par l’Ouest. Pour cela, afin de gagner du temps, il ordonne à Lanrezac avec sa Ve Armée d’attaquer vers l’Ouest afin de “cisailler” la progression de la 2e Armée Allemande (von Bülow) au Sud de l’Oise, cette audacieuse manœuvre sera brillamment réussie, c’est la bataille de Guise. Qui va faire prendre à von Bülow un à deux jours de retard par rapport à von Kluck. C’est le 2e Grain de sable !

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Après la bataille de Guise, toutes les Armées Françaises retraitent vers le Sud, y incluse, la 6e Armée, à l’Ouest des Britanniques qui passent à l’Est de Paris, en direction de Melun, c’est le secteur destiné à la 2e Armée Allemande de von Bülow, qui est en retard, après le bataille de Guise. Dans le Plan Schlieffen, la 1re Armée de von Kluck, doit envelopper Paris en passant à l’Ouest de la capitale, mais la tentation est forte, pour von Kluck, de rattraper les Britanniques, qui ont humilié son armée à Mons et de les anéantir, car il en a les moyens. Il semblerait que le Grand Etat Major Allemand ait donné son accord à ce changement de direction vers le Sud-Est, seul un Corps d’Armée reste en couverture, vers Meaux, au Nord de la Marne. Cette audace, voire cette imprudence qui laisse découvert le flanc ouest de l’Armée de von Kluck est le 3e Grain de sable !

Le changement de direction de la progression, à 90° , de la 1re Armée Allemande, à partir de Senlis est constaté par le Général Galliéni. Ce dernier saura convaincre Joffre, qui veut toujours retraiter vers le Sud, qu’il faut attaquer vers l’Est, vers Château Thierry, avec la 6e Armée, ce sera le début de la bataille de l’Ourcq.

Entre temps la 2e et 3e Armée Allemande poursuivent la 5e Armée Française, la bataille principale aura lieu dans le secteur des Marais de Saint Gond.

A ce stade de la guerre, on peut penser qu’elle est perdue par les Français (les Britanniques veulent réembarquer à Nantes), rien ne peut arrêter les Allemands vers le Sud... Sauf si la 6e Armée Française coupe toutes les communications vers le Nord et surtout saisisse toute la Logistique nécessaire aux Allemands.

Face à ce péril, l’énergie de von Kluck va lui faire concevoir un plan d’une témérité inouïe : faire remonter, à marche forcée ses Corps d’Armée qui approchent de Provins ( C.A. Qui marchent sans repos depuis Aix la Chapelle !!) pour envelopper vers l’Ouest la 6e Armée Française à la hauteur de Nanteuil le Haudoin. Le plus extraordinaire c’est qu’il va réussir et gagner cette bataille !!

Mais son audace a des conséquences car il n’a que son C.A. de Cavalerie pour couvrir son flanc Sud où se glissent, déjà, le 2e C.A. de Cavalerie Français et la Cavalerie Britannique, menaçant le flanc Ouest des 2e et 3e Armées Allemandes qui sont en train de gagner la Bataille des Marais de Saint Gond. C’ est le 4e Grain de sable !

Devant la menace qui pèse sur les arrières des Armées, l’ Etat Major Allemand, donne l’ordre, à la demande de von Bülow, à toutes les Armées de retraiter au Nord de la Marne. Puis, sur les Monts de Champagne et le Chemin des Dames.

En quelques jours le retournement est miraculeux, comme quoi à la guerre il faut, aussi, avoir de la Chance !!! A l’époque, les Alliés ne comprendront pas pourquoi les Allemands, victorieux sur l’ensemble de la ligne de front, retraitent tous ensemble vers le Nord. Les Alliés en déduiront une intervention miraculeuse .....

Presque quatre années séparent les deux Bataille de la Marne, les organisations, les armements, la logistique, la tactique, ... Beaucoup de différences. Par exemple en août 1914, la France possède, suffisamment de coups de 75 pour tenir quelques mois, Elle pense que la guerre sera terminée pour Noël ... En mai 1918, la France a en stock 32 000 000 de coups de 75 !!!! Nous verrons ces différences ultérieurement.

Pour le 2e Bataille de la Marne, pas de Miracle, mais de la supériorité tactique et stratégique, et une coopération totale entre les Alliés (Américains, Britanniques, Français et Italiens).

Il faut se rappeler que l’année 1917, avait été douloureuse par les Alliés dont les différentes offensives avaient échoué, à exception notable de la reprise de la totalité du Chemin des Dames, sous l’autorité du Maréchal Pétain.

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 Pétain, conscient de l’évolution des techniques, décrète une nouvelle façon de tenir le front. “La défense en profondeur” sur plusieurs lignes, il en publie les modalités en novembre 1917.

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L’année 1918 commence par la nécessité, pour les Allemands, de gagner la guerre en 1918, c’est vital ! En Mars 1918, ils percent le front en Picardie et continueront leurs offensives ...

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La directive de Pétain sur la Défense en Profondeur, sera appliquée par la 4e Armée et cette dernière repoussera victorieusement sur le Front de Champagne les Allemands lors de Friedensturm (15juillet 1918). A l’inverse le Général commandant la 6e Armée conservera l’essentiel de ses réserves, au Nord de l’Aisne, sur le Chemin des Dames, donc sous l’artillerie allemande qui écrasera le 27 mai 1918 l’essentiel des défenseurs, livrant les ponts sur l’Aisne et la route vers Château Thierry !

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C’est un coup terrible pour les Français qui avait déjà échoué au printemps 1917 à reprendre le Chemin des Dames (offensive Nivelle qui avait entraîné les mutineries) et que Pétain avait conquis par l’emploi massif de l’Artillerie. En quelques heures, le travail d’une année très difficile, est perdu par l’indiscipline d’un Général. Maintenant les Allemands sont à Château Thierry à moins de 100 km de Paris. Paris qui reçoit depuis fin mars des obus du “Pariser Kanon”. Va-t-on revivre l’angoisse d’août 1914 ???

Après avoir conquis “la Poche de Château Thierry”, les Allemands préparent en un mois et demi une offensive qui doit leur donner la victoire, la date choisie est le 15 juillet (les Allemands espérant que les Français auront largement arrosé la Fête Nationale).

Une attaque sur la Marne, en partant de la “Poche”.

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Une autre à l’Est de Reims, sur la 4e Armée Française, qui a appliqué la directive de Pétain, sur la Défense en Profondeur, comme nous l’avons dit plus haut, et qui sera une belle victoire française.

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Les Alliés réunissent leurs forces, et comme au début de septembre 1914 ils conçoivent un plan qui va “cisailler” les arrières des Allemands aventurés au Sud de la Marne. L’effort principal sera fait par la Xe (Mangin) et la VIe (Degoutte) Armées Françaises . La Xe attaquant vers l’Est, la VIe vers le Nord Est en direction de Fère en Tardenois. Depuis la Montagne de Reims, la Ve Armée Française soutiendra la contre offensive par une poussée vers le Nord Ouest.

L’attaque commence, depuis la Forêt de Villers Cotterêts, au lever du jour le 18 Juillet 1918, sans longue préparation d’artillerie, c’est la surprise chez les Allemands.

Participent à cette contre offensive victorieuse, des divisions Américaines, Britanniques, Françaises, Italiennes, ... Notons que les blindés et l’aviation jouent un rôle essentiel dans cette reprise de la “Guerre de Mouvement”.

Méthodiquement, les divisions Alliées, vont repousser les Allemands vers le Nord. Ces derniers veulent absolument s’appuyer sur les collines au Nord de l’Ourcq afin d’avoir le temps d’évacuer les énormes stocks de munitions , de vivres, d’armement, .. accumulés dans les bois au Nord de la Marne. Pour protéger leur retraite, ils doivent tenir la route, Sud-Nord, Château Thierry Soissons, d’où l’acharnement des combats dans le secteur du Grand Rozoy (ce qui explique le choix de la Butte Chalmont pour le Monument commémoratif de la 2e Bataille de la Marne).

Pas de miracle, dans cette victoire Alliée, mais beaucoup de courage et de savoir faire, en particulier à la 4e Armée de Gouraud qui appliquant la directive de Pétain, évite que les deux machoires de Friedensturm se rejoignent au Sud d'Epernay, enfermant dans une nasse Reims et la 5e Armée Française, ainsi la percée espérée par les Allemands aurait été réussie !.  Il est à noter que " la Défense en Profondeur" de Pétain est aux antipodes de  “l’Offensive à Outrance” de 1914 et beaucoup plus dans l'esprit du Général Séré de Rivière, et de sa stratatégie de “défensive” derrière des fortifications artificielles.

C’est le début de la fin, pour les Allemands qui vont finalement s’appuyer sur la Vesle, en pensant que les Alliés vont vouloir attaquer vers le Nord afin de reprendre le Chemin des Dames. Les Allemands sont épuisés ils ont attaqué violemment depuis cinq mois, ils ont besoin de repos mais ils ignorent la mauvaise surprise que leur prépare , prochainement, Foch, Commandant en Chef Inter-Alliés. Mais ceci est une autre histoire .....


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